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L'eau du Guir
Publié dans Barlamane le 24 - 05 - 2024

Le Maroc fait partie d'un club de privilégiés, celui des pays qui ont leurs propres fleuves, naissant sur leur territoire. Il s'agit le plus souvent de pays de grande superficie ou de pays montagneux, ce qui est le cas du Maroc. Grâce à la chaîne de l'Atlas, une trentaine de fleuves et rivières prennent leur source au Maroc et arrosent le territoire marocain. La plupart de ces cours terminent leur course au Maroc, soit en se jetant dans la mer Méditerranée ou l'océan Atlantique, soit en se perdant dans le Sahara. Un illustre hôte du Maroc, le président des Etats-Unis d'Amérique Franklin Delano Roosevelt s'est intéressé aux fleuves qui «coulent du mauvais côté», entraînant une déperdition d'une eau précieuse dans l'océan. Le président américain a évoqué ce sujet en marge de la conférence de Casablanca en 1944 au cours d'un entretien avec le sultan Mohamed Ben Youssef, et a émis avec un grand enthousiasme l'idée de «détourner le cours de ces fleuves pour les besoins de l'irrigation... le Sahara serait en fleurs sur des centaines de kilomètres !» (Mon père m'a dit, Elliott Roosevelt, Paris, Flammarion, 1947). L'idée n'a pas eu de suite, vraisemblablement en raison du coût prohibitif des travaux.
Tous les fleuves marocains ne «coulent pas du mauvais côté» et tous ne restent pas sur le territoire marocain. C'est ainsi que la Moulouya se jette dans la Méditerranée à 14 km de la frontière maroco-algérienne tandis que le Kiss serpente sur la frontière entre les deux pays avant de finir sa course entre Saïdia et Marsa ben M'hidi. De son côté, la Daoura, formée par la confluence du Ziz et du Ghéris, continue en territoire algérien.
Ces cours d'eau ne soulèvent pas de problème majeur avec le pays voisin. Mais il se trouve un fleuve marocain qui fait beaucoup parler de lui. Il s'agit de l'oued Guir, qui n'est pas le plus long cours d'eau marocain, il s'étire sur quelques 430 km «seulement», alors que le Draa parcourt 1200 km. Le Guirprend sa source dans le Haut-Atlas et se dirige vers le sud-ouest algérien où il rejoint l'oued Zouzfana pour former laSaoura. En territoire marocain, le Guir traverse les provinces d'Errachidia et de Figuig. En Algérie, le fleuve est considéré comme l'un des plus importants du pays. Il traverse sur toute sa longueur la plaine Abadla et donne naissance à plusieurs palmeraies et oasis. Mais, surtout, l'eau du Guir alimente le barrage algérien de Djorf Torba, un des plus grands barrages en Algérie, avec une capacité de 365 millions de m3, destiné à l'irrigation d'un périmètre d'environ 5 400 ha et à l'approvisionnement en eau potable de Béchar (220 000 habitants en 2024).
Mobilisation des ressources en eau
En 2021 est entré en service le barrage de Qaddoussa, édifié sur l'oued Guir dans sa partie marocaine. Cette réalisation, selon une note de présentation, était inscrite dans le plan directeur d'aménagement et de gestion intégrée des ressources en eau (PDAIRE) du bassin hydraulique Guir-Ziz-Ghéris. D'une capacité totale prévue de 220 millions m3, le barrage vise à la fois à protéger les oasis contre les dommages des crues causées par les inondations saisonnières de l'oued Guir, à assurer l'irrigation de 5 000 ha et à alimenter en eau potable une population estimée à 15 000 habitants. «Le projet de développement de l'irrigation et d'adaptation de l'agriculture irriguée aux changements climatiques à l'aval du barrage de Qaddoussa (PDIAAI-CC) s'inscrit dans le cadre du Programme d'Extension de l'Irrigation «PEI» et du programme établi en 2010 entre l'Etat et les organisations professionnelles pour le développement de la filière des dattes, qui prévoie la plantation de 5 000 à 6 000 ha dans la province d'Errachidia.».
Dans un bassin auparavant sous-équipé, le barrage s'insère dans les stratégies nationales du Maroc, tant agricole (Maroc Vert) que de l'eau, et s'inscrit dans ses politiques de mobilisation des ressources en eau, de développement durable et de lutte contre les effets du changement climatique.
Dès l'année suivante, des voix se sont élevées en Algérie, accusant le Maroc d'être à l'origine de «l'assèchement» du barrage de Djorf Torba. En juillet 2022, la commission parlementaire des affaires étrangères en Algérie a estimé que la construction de barrages par le Maroc et l'exploitation selon elle «excessive» des eaux du Guir étaient à l'origine de cet «assèchement». La commission a annoncé qu'elle comptait saisir la justice internationale. En réalité, une sécheresse sans précédent a frappé le Maroc et l'Algérie au cours des dernières années. La presse algérienne a bien fait état de l'insuffisance des pluies, mais elle a saisi l'occasion pour se faire l'écho des accusations dirigées contre le Maroc, en considérant que le «détournement» des eaux du Guir était une mesure de rétorsion du Maroc contre l'Algérie à la suite de plusieurs décisions des autorités algériennes dirigées contre le Maroc, notamment l'arrêt du GME qui approvisionnait le Royaume en gaz algérien. Des associations algériennes de défense de l'environnemental sont montées au créneau pour attirer l'attention sur une catastrophe environnementale de grande ampleur ayant entrainé la mort des poissons et le départ des oiseaux migrateurs.
Un barrage vieillissant
Il n'est pas exact de dire que c'est le barrage de Qadoussa qui a impacté l'alimentation de Djorf Torba et rien ne vient étayer cette assertion. Le débit de l'oued Guir s'est considérablement réduit, faute de précipitations dans toute la région, qui est uniformément touchée. Du reste, outre le barrage de Qadoussa, le Maroc compte lancer la construction de plusieurs barrages de dimensions réduites pour faire face à la sécheresse et répondre aux doléances des habitants.
Ces mesures, au demeurant fort légitimes, ne sont pas dirigées contre l'Algérie, mais sont dictées uniquement par le souci de garantir la ressource en eau suffisante pour satisfaire lesbesoins de la population locale. La construction de barrages sur le sol marocain est une politique constante du Maroc et correspond à un choix stratégique qui a été établi depuis plusieurs décennies. Stress hydrique oblige, le Royaume se doit de mobiliser toute la ressource disponible en instaurant une gestion rigoureuse du précieux liquide. Cette stratégie anti-pénurie, est-il besoin de le dire, n'a pas d'autre but et ne vise pas, comme le prétendent des responsables et des médias algériens, à «assoiffer» les voisins. Ces procédés sont étrangers à la culture marocaine et ne sauraient, en quelque circonstance que ce soit, être utilisés quand on a à cœur de respecter le bon voisinage.
D'autre part, le barrage de Djorf Torba souffre de nombreuses contraintes, dues à des facteurs externes (températures élevées, forte évaporation, envasement), mais aussi au vieillissement de l'ouvrage. Une étude a relevé des fissurations, des couches de sel et calcaires sur les parois ainsi que des pannes fréquentes de l'équipement et l'apparition de plusieurs défauts technique.
C'est pourquoi les récents propos du ministre algérien de l'Hydraulique à Bali sont sans fondement. Lorsqu'il évoque la « préoccupation » qu'inspirent à l'Algérie «les agissements dont souffre le pays sur sa frontière ouest, commis par un Etat voisin et qui portent préjudice à l'équilibre environnemental et nuisent aux animaux, aux plantes et à l'homme», le ministre essaie, comme d'autres dirigeants algériens, de faire endosser au Maroc la responsabilité de ses échecs. Lorsqu'en outre il fait état d'un «assèchement voulu et systématique de quelques barrages et de quelques zones», le ministre profère des accusations graves sans apporter aucune preuve.
Quant à de possibles actions devant la «justice internationale», il existe un régime juridique des cours d'eau internationaux (qui coulent sur le territoire de deux Etats ou plus). Le texte principal est la Convention des Nations Unies du 21 mai 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation, à laquelle le Maroc a adhéré le 13 avril 2011 et qui est entrée en vigueur en 2014. Cette convention, qui a codifié des règles coutumières, prône une «utilisation équitable et raisonnable» du cours d'eau par chaque Etat concerné, «en vue de parvenir à l'utilisation et aux avantages optimaux et durables – compte tenu des intérêts des Etats du cours d'eau concernés – compatibles avec les exigences d'une protection adéquate du cours d'eau».
L'utilisation «équitable et raisonnable» d'un cours d'eau international est appréciée en tenant compte de plusieurs facteurs et circonstances, notamment les facteurs géographiques, hydrographiques, hydrologiques, climatiques, écologiques et autres facteurs de caractère naturel, les besoins économiques et sociaux des Etats du cours d'eau intéressés, la population tributaire du cours d'eau dans chaque Etat concerné. En outre, la convention encourage la conclusion d'accords entre les pays riverains et exhorte ces derniers à engager des consultations «dans un esprit de coopération».
Droits naturels
En l'absence d'un accord entre Etats riverains, les différends doivent être réglés «par des moyens pacifiques». Dans ce cadre, la Convention de 1997 prévoit, en premier lieu, l'ouverture d'une négociation, puis, en cas d'échec, le recours aux bons offices d'une tierce partie ou une médiation ou conciliation. Les parties peuvent s'il y a lieu avoir recours à toute institution mixte, voire à une procédure d'arbitrage ou, en dernier ressort, soumettre le différend à la Cour internationale de Justice.
Le barrage algérien de Djorf Torba a été construit à la fin des années 60. Le bon voisinage aurait voulu que le gouvernement algérien, au minimum, informe le Maroc. Or, tout donne à croire que les autorités algériennes ne se sont pas données cette peine, et encore moins sollicité l'avis des autorités marocaines, avant d'entreprendre les travaux d'édification du barrage. Il ne semble pas que, côté marocain, des démarches aient été accomplies à ce sujet.
Pour des raisons qui restent indéterminées, l'Algérie n'a pas souhaité conclure avec le Maroc un accord fluvial et a préféré agir à sa guise. Sur fond de climat de tension avec le Maroc entretenu par l'Algérie de manière quasi permanente, ce pays n'a jamais demandé la mise en place d'un mécanisme de coordination régionale avec le Maroc pour promouvoir une «gestion» concertée du Guir. D'autre part, l'Algérie n'est pas partie à la Convention de 1997.
Quoi qu'il en soit, le Maroc a exercé un droit souverain naturel sur les eaux d'un fleuve marocain pour les besoins de son développement socio-économique et au bénéfice d'une région souffrant de déficit hydrique. Conscient cependant de ses responsabilités internationales, le Maroc n'a pas sciemment failli à l'obligation de ne pas causer de «dommages significatifs» à un Etat voisin, qui, lui, sait prendre des libertés avec les usages et les règles lorsqu'il s'agit de ses ressources naturelles. Cela étant, ni l'Algérie ni aucun Etat ne sauraient prétendre exercer un contrôle ou opposer leur veto sur les barrages, les stations de pompage ou les travaux d'irrigation que le Maroc entend réaliser en amont, sur son territoire.
Il est heureux que la situation ne soit pas inversée. En effet, si le Guir prenait naissance en territoire algérien, il y a longtemps que le régime de ce pays en aurait détourné le cours pour en priver le Maroc, comme il l'a fait pour le gaz naturel. Il est heureux aussi que le Maroc ne partage pas avec l'Algérie d'autres fleuves, car un régime qui politise tout, depuis les maillots de sport jusqu'aux bulletins météo, peut parfaitement politiser un barrage et créer de toute pièce une crise semblable à celle qui met l'Ethiopie et l'Egypte sur les dents à propos du barrage éthiopien de la Renaissance.
Les zones frontalières limitrophes sont confrontées aux mêmes défis. La sagesse voudrait que les autorités algériennes cherchent la bonne entente et empruntent pour cela la voie du dialogue et de la négociation. L'invective et les accusations gratuites n'ont pas leur place entre deux pays «condamnés» (le mot est détestable mais il n'a jamais été aussi vrai) à vivre côte à côte.


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