Dans un climat de spéculations autour du projet de liaison électrique transcontinentale entre le Maroc et le Royaume-Uni, le député écossais David Dougan a saisi la chambre des communes pour obtenir des éclaircissements sur la capacité de l'exécutif à mener ce chantier à son terme. Porté par la société Xlinks Ltd, cette entreprise colossale demeure suspendue à une décision gouvernementale encore attendue. Une interpellation parlementaire sur la faisabilité du projet Le 5 juin, dans une question écrite référencée n° 57685, David Dougan, député d'Angus et des Glens de Perthshire (parti national écossais), demande au secrétaire d'Etat à la sécurité énergétique et à la neutralité carbone de faire état de l'évaluation la plus récente de la faisabilité du projet de câble électrique avec le Maroc. Il y formule précisément la requête suivante : «interroge le secrétaire d'Etat à la sécurité énergétique et à la neutralité carbone sur l'évaluation récente qu'il a pu réaliser quant à la faisabilité du projet Xlinks avec le Maroc». Réponse prévue le 9 juin. Cette demande intervient dans un moment charnière, alors que la société promotrice a officiellement sollicité une suspension de l'examen de sa demande d'ordre de consentement d'aménagement (DCO) auprès de l'inspection de l'aménagement territorial (Planning Inspectorate). Dans une lettre adressée le 14 mai à Clare Boyle, inspectrice principale, la direction du projet expose les raisons de cette suspension. Elle y déclare que l'avenir de la procédure dépend directement d'un éventuel contrat pour différence, dont l'octroi relève du ministère : «La société attend une mise à jour du ministère de la sécurité énergétique et de la neutralité carbone (DESNZ) sur sa volonté éventuelle de conclure un contrat pour différence pour ce projet.» Plus loin, elle précise : «Tant que cette décision n'est pas rendue et compte tenu du fait qu'elle pourrait entraîner une révision des documents de la procédure DCO ou nécessiter une consultation complémentaire, la société considère qu'une pause est justifiée afin que l'examen puisse se dérouler de manière équitable et raisonnable pour toutes les parties concernées.» Le courrier ajoute encore que «les circonstances justifiant cette demande échappent tant au contrôle de l'autorité d'examen qu'à celui de la société elle-même» et que la suspension proposée «offrirait à l'ensemble du processus les conditions de clarté et de stabilité nécessaires pour garantir une reprise efficace du calendrier». Le document est signé par Sam Mercer, directeur principal du projet, qui conclut : «La société souhaite maintenir un contact régulier avec l'inspection de l'aménagement et les parties intéressées durant cette période, afin de préserver les échanges ouverts et constructifs établis jusqu'à présent. [...] Nous restons à votre disposition pour tout échange complémentaire ou fourniture d'information.» Reconnaissance nationale et ambitions industrielles Le projet a été reconnu officiellement comme projet d'infrastructure d'importance nationale (NSIP) par le secrétaire d'Etat à la sécurité énergétique et à la neutralité carbone. Cette qualification lui confère une portée stratégique, mais implique également l'organisation d'une nouvelle phase de concertation avec les collectivités territoriales, les organismes publics et les habitants. Cette concertation est attendue pour le début de l'année prochaine. Xlinks prévoit de relier, au moyen de câbles sous-marins à courant continu haute tension (HVDC), les côtes britanniques à un complexe énergétique situé dans le sud du Maroc. Celui-ci combinerait des installations solaires et éoliennes d'une capacité cumulée de 10,5 GW, assorties d'un système de stockage de 5 GW/20 GWh. La puissance exportable atteindrait 3,6 GW, avec un objectif de mise en service en 2030. À cette échéance, le projet pourrait couvrir environ 8 % de la demande électrique du Royaume-Uni. Son coût est estimé à 18 milliards de livres sterling. Le projet a déjà reçu des soutiens financiers d'envergure, notamment de la part de TAQA — acteur intégré majeur du secteur énergétique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord — et d'Octopus Energy. Cette désignation en tant que NSIP s'inscrit dans une réforme plus large de la procédure menée par le gouvernement britannique, qui entend la rendre «plus efficace, plus rapide, plus écologique, plus équitable et plus résiliente d'ici 2025». La phase de consultation publique sur cette réforme s'est tenue entre le 25 juillet et le 19 septembre 2023. Dans un communiqué, Simon Morrish, directeur général de Xlinks, a salué cette reconnaissance : «C'est une étape majeure pour notre projet, qui nous apporte clarté et sécurité juridique sur le calendrier et les modalités d'autorisation. Cette décision reconnaît la contribution significative que notre projet peut apporter aux engagements climatiques du pays et à sa sécurité énergétique.» Il a précisé ensuite : «Notre prochaine étape sera de renforcer la concertation avec les habitants afin de satisfaire aux exigences prévues par la législation. Nous nous réjouissons à l'idée de présenter nos propositions à nouveau au public, et nous communiquerons davantage à ce sujet dans le courant de l'année.» Appui industriel et mise en garde contre les lenteurs Dans le secteur de l'énergie, plusieurs acteurs saluent cette avancée. L'organisation pro-croissance Britain Remade y voit un signal positif, tout en soulignant la nécessité de ne pas laisser le projet s'enliser. Son fondateur, Sam Richards, estime : «Le projet porté par Xlinks est précisément le type de développement innovant en matière d'énergie propre que le gouvernement se doit de soutenir. Il contribuera à réduire notre dépendance au gaz importé et renforcera la souveraineté énergétique du Royaume-Uni.» Il poursuit : «Ce projet pionnier pourrait alimenter plus de sept millions de foyers britanniques d'ici 2030 en énergie renouvelable, tout en générant des milliers d'emplois qualifiés au Royaume-Uni pour la fabrication des câbles.» Mais Richards avertit : «Maintenant que ce projet a reçu la désignation de projet d'intérêt national, il est crucial qu'il ne devienne pas la victime de la lourdeur administrative qui freine tant d'initiatives dans le domaine des énergies propres» avant de conclure que «trop souvent, les infrastructures énergétiques essentielles à la neutralité carbone sont retardées par l'indécision gouvernementale ou des recours juridiques dilatoires. Tant que notre système d'aménagement ne sera pas réformé, une incertitude chronique pèsera sur chaque projet d'énergie propre.» Dans un entretien accordé en 2021 au média spécialisé Current±, Simon Morrish affirmait déjà que le projet représentait «une réponse extraordinairement pertinente à la nécessité pour le Royaume-Uni de disposer d'une production d'électricité de base propre et stable».