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La sécurité européenne : de la complaisance à l'action stratégique
Publié dans Barlamane le 28 - 06 - 2025

L'Europe se trouve à un carrefour historique. Après des décennies de complaisance, bercée par l'illusion d'une paix perpétuelle consécutive à la chute du mur de Berlin, le continent s'éveille d'un rêve géopolitique qui s'est révélé périlleux. La sécurité n'est pas un acquis immuable ; elle est le fruit de décisions responsables, d'investissements soutenus et d'une culture de défense profondément enracinée. Aujourd'hui, les menaces sont imminentes et multiformes : de l'agressivité russe au terrorisme djihadiste au Sahel, en passant par le crime organisé et la traite des êtres humains, l'Europe doit agir avec urgence pour sauvegarder son avenir.
La fin d'une illusion : la paix qui n'est jamais venue
La dissolution de l'Union soviétique en 1991 a suscité un optimisme démesuré. La thèse de Francis Fukuyama sur la «fin de l'histoire» a cristallisé l'idée que la démocratie libérale avait définitivement triomphé, reléguant les conflits armés à un passé révolu. Cette confiance excessive, nourrie par les prétendus «dividendes de la paix», a conduit à un désinvestissement progressif dans la défense et à une euphorie qui, rétrospectivement, fut imprudente.
L'histoire, pourtant, ne s'est pas arrêtée. Sous Vladimir Poutine, la Russie a manifesté ses ambitions impérialistes bien avant que beaucoup ne veuillent l'admettre. Dès 2007, son discours à la conférence de sécurité de Munich a rejeté sans ambages l'ordre international porté par l'Occident. La même année, l'Estonie a subi une cyberattaque massive, acte pionnier de guerre hybride attribué à Moscou. En 2008, l'invasion de la Géorgie, avec l'annexion de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, a préfiguré les tactiques employées en Ukraine : «hommes verts» sans insignes, désinformation et une réponse occidentale timorée. Les sanctions, éphémères, ont été levées en quelques mois, enhardissant le Kremlin.
L'annexion illégale de la Crimée en 2014 et l'invasion à grande échelle de l'Ukraine en 2022 ont confirmé que la menace russe est une réalité tangible. Sur le flanc sud, le tableau est tout aussi alarmant. Le chaos en Libye et la consolidation du Sahel comme épicentre du terrorisme djihadiste, du trafic d'armes et de l'effondrement institutionnel en font l'une des régions les plus instables au monde. Des groupes comme Boko Haram, Al-Qaïda au Maghreb islamique et l'Etat islamique dans le Grand Sahara opèrent en toute impunité, déstabilisant des Etats fragiles et menaçant la sécurité européenne. Comme l'a souligné l'ancien ministre français des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, «le Sahel est devenu un laboratoire des menaces globales, où le terrorisme et le crime organisé se nourrissent mutuellement» (Le Drian, 2020). Cette instabilité multidimensionnelle dément l'idée d'une paix garantie et exige une refonte urgente de la sécurité collective.
Le resurgissement du nationalisme impérial russe
Sous la houlette de Vladimir Poutine, la Russie a ravivé un nationalisme expansif, mêlant nostalgie soviétique et ambitions révisionnistes. Son objectif est limpide : reconstruire une sphère d'influence par le biais d'Etats satellites, neutralisés ou soumis, en recourant à l'intimidation, la propagande et des tactiques hybrides. L'invasion de l'Ukraine en est l'exemple le plus flagrant, mais non l'unique. La répression des manifestations en Biélorussie (2020) et au Kazakhstan (2022), soutenue par des troupes russes, ainsi que la pression constante sur les pays baltes et le Caucase, reflètent cette logique implacable.
Selon l'Institut international d'études stratégiques (IISS), la Russie a accru ses dépenses militaires de 34 % entre 2015 et 2020, modernisant ses capacités conventionnelles et nucléaires (IISS, 2021). L'historien Timothy Snyder a justement observé : «Poutine ne recherche pas la coexistence, mais la domination» (Snyder, 2022). Cette agressivité, combinée à des cyberattaques, à la désinformation et à l'emploi de proxies comme le groupe Wagner, constitue une menace directe pour la stabilité européenne. Comme l'a averti le général Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées françaises, «la Russie a démontré sa capacité à combiner des moyens militaires et non militaires pour déstabiliser ses voisins, ce qui nous oblige à repenser notre posture de défense» (Burkhard, 2023).
L'OTAN : rempart de la défense européenne
L'OTAN n'est pas une relique de la guerre froide, mais le pilier qui garantit la sécurité de l'Europe depuis plus de sept décennies. Instrument de sécurité collective, elle articule la dissuasion et coordonne les capacités de trente-deux Etats membres aux structures de commandement, équipements et spécialités divers. Son interopérabilité permet des opérations conjointes dans un environnement de menaces hybrides mêlant dimensions militaire, cybernétique, informationnelle et économique.
L'Alliance a prouvé son efficacité lors des crises balkaniques ou après les attentats du 11 septembre, lorsqu'elle a invoqué pour la première fois l'article 5 du traité de Washington, scellant la solidarité transatlantique. Comme l'a déclaré Jens Stoltenberg, ancien secrétaire général de l'OTAN, «l'Alliance est plus nécessaire que jamais dans un monde où la compétition stratégique s'intensifie» (Stoltenberg, 2023). Sans l'OTAN, l'Europe manquerait d'un cadre unifié pour affronter des défis comme la coercition russe, le terrorisme ou la prolifération des missiles balistiques et hypersoniques.
Au-delà du militaire : une culture stratégique partagée
L'OTAN transcende le domaine militaire ; elle est un écosystème de coopération qui promeut une culture de défense essentielle à la cohésion européenne. Cette culture implique de reconnaître les risques – de la désinformation au terrorisme – et de cultiver la solidarité entre alliés. Les défis du flanc oriental, auxquels font face la Pologne ou les pays baltes, ne sont pas étrangers à l'Espagne ou au Portugal ; ce sont des enjeux communs exigeant un engagement collectif.
Cette conscience contrecarre la «cécité stratégique» que le philosophe Edward Luttwak attribue aux démocraties, enclines à la complaisance en temps de paix (Luttwak, 2016). Par des exercices conjoints, le partage de renseignements et une vision commune des risques, l'OTAN renforce la résilience sociétale face à des menaces comme les cyberattaques, la manipulation informationnelle ou le terrorisme de groupes comme le Hezbollah, soutenu par l'Iran, dont la présence s'est intensifiée en Europe et en Amérique latine. Comme l'a noté Nicole Belloubet, ancienne ministre française de la Justice, «la lutte contre le terrorisme exige une coopération transnationale renforcée, car les réseaux comme le Hezbollah exploitent les failles de nos systèmes» (Belloubet, 2019).
Investissement dans la défense : moteur de progrès et de souveraineté
Il est temps de rejeter l'idée que les dépenses de défense sont un gaspillage. Bien conçu, l'investissement dans la défense stimule la cohésion sociale, le développement économique et l'innovation technologique. Les forces armées ne se contentent pas de protéger ; elles forment des citoyens disciplinés et qualifiés, porteurs de valeurs comme l'effort et l'esprit d'équipe. Sur le plan industriel, la défense dynamise des secteurs de pointe. En Espagne, des entreprises comme Navantia, Airbus Defence and Space et Indra illustrent comment l'innovation militaire profite au domaine civil, des radars aux systèmes de navigation comme Galileo. Selon la Commission européenne, l'industrie de la défense génère 1,4 million d'emplois directs et indirects et contribue à 1,3 % du PIB européen (Commission européenne, 2021).
Des pays comme la Suède (Saab) et l'Allemagne (Rheinmetall) démontrent que des nations de toutes tailles peuvent développer des industries de défense de premier plan. L'Espagne, dotée d'un potentiel industriel significatif, doit renforcer ce secteur pour consolider sa sécurité, sa compétitivité et sa souveraineté technologique. La révolution technologique portée par l'intelligence artificielle, l'informatique quantique et les drones (UAV) offre une opportunité unique, mais exige un accroissement substantiel des investissements. Se préparer à la guerre d'aujourd'hui avec des budgets d'il y a vingt ans est une myopie stratégique inacceptable. Comme l'a souligné Florence Parly, ancienne ministre française des Armées, «investir dans la défense, c'est investir dans notre avenir, car la sécurité est la condition de toute prospérité» (Parly, 2021).
Une critique de la position espagnole : l'irresponsabilité de Pedro Sánchez
L'Espagne, membre clé de l'OTAN et de l'Union européenne, se trouve à un moment décisif pour affirmer son rôle dans la sécurité collective. Pourtant, la réticence du président du gouvernement, Pedro Sánchez, à augmenter le budget de la défense à hauteur de 2 % du PIB – un engagement pris par tous les membres de l'OTAN – et, a fortiori, à envisager une hausse ambitieuse à 5 % pour répondre aux défis actuels, est une posture profondément irresponsable. Cette frilosité contraste avec l'urgence imposée par un environnement stratégique où la Russie, l'Iran et les groupes terroristes comme le Hezbollah ou les Houthis, soutenus par Téhéran, intensifient leurs actions déstabilisatrices.
En 2024, l'Espagne consacre à peine 1,3 % de son PIB à la défense, loin derrière des alliés comme la France (2,1 %) ou la Pologne (4,1 %) (OTAN, 2024). Cette insuffisance limite non seulement la capacité de l'Espagne à contribuer à la dissuasion collective, mais compromet également sa propre résilience face à des menaces comme le terrorisme djihadiste, qui a frappé Madrid en 2004, ou la criminalité transnationale dans le détroit de Gibraltar. Sánchez, en priorisant des considérations électoralistes sur la sécurité nationale, fait preuve d'une cécité stratégique qui affaiblit l'Espagne et l'Europe. Comme l'a déclaré Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, «une défense sous-financée est une invitation à l'agression ; l'Espagne ne peut se permettre de rester à la traîne» (Tertrais, 2024).
Un engagement ambitieux à 5 % du PIB, bien que audacieux, permettrait à l'Espagne de moderniser ses forces armées, de renforcer son industrie de défense et de jouer un rôle de premier plan dans la sécurité européenne, notamment face aux menaces du flanc sud. Refuser cette voie, comme le fait Sánchez, revient à trahir les intérêts de la nation et à compromettre la solidarité atlantique.
Défense : un acte de patriotisme et de responsabilité
Investir dans la défense n'est pas un acte de bellicisme, mais une responsabilité civique et un patriotisme moderne. Comme l'a affirmé Dwight D. Eisenhower, «la liberté ne se défend pas avec des mots, mais avec la préparation et le sacrifice» (Eisenhower, 1953). La défense protège les citoyens, renforce les liens avec les alliés et incarne une solidarité tangible avec la sécurité collective.
La dissuasion, définie avec brio par Alejandro Alvargonzález, ancien secrétaire général adjoint de l'OTAN, comme «disposer des capacités militaires et de la détermination à les utiliser si nécessaire», est la clé de la sécurité. Nier cette réalité, minimiser l'urgence de la préparation ou relativiser l'engagement envers les alliés est un acte d'irresponsabilité qui met en péril les droits et libertés fondamentaux.
Un appel à l'action
L'Europe ne peut plus tergiverser. Une réflexion courageuse et honnête sur l'urgence de renforcer la défense s'impose, non comme un geste belliqueux, mais comme un investissement dans la paix, la démocratie et l'avenir du continent. La sécurité est le socle de tout ce que nous chérissons, et la protéger est une responsabilité sacrée pour les citoyens, les Européens et les défenseurs de la liberté.
Sommes-nous prêts à assumer cette responsabilité et à tourner la page de la complaisance ? La réponse déterminera le destin de l'Europe.
*ancien ambassadeur d'Espagne


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