Près des deux tiers des travailleurs étrangers en Espagne occupent des emplois peu qualifiés, indique un chercheur de l'Institut universitaire d'études sur les migrations. Cette situation renforce les inégalités sociales et fait perdurer une boucle où se trouvent enfermés les étrangers vivant en Espagne. Alors que les Marocains forment le deuxième plus grand groupe d'immigrants étrangers en Espagne, les données sur la répartition du types de métiers montre que les emplois qui leur sont destinés sont majoritairement sous payés. Au cours du premier trimestre de l'année 2025, les Marocains étaient la seconde nationalité en termes d'arrivées d'immigrants, avec un total de 25 900 personnes ayant rejoint l'Espagne, après les Colombiens (39 800) et avant les Vénézuéliens (25 000) et les Honduriens (18 300). De même, les données révèlent que depuis 2018, plus de 237.000 Marocains ont obtenu la nationalité espagnole. Ils sont aussi en tête des nationalités ayant quitté l'Espagne au cours de la même période, représentant 13 900 départs, suivi des Colombiens (13 500) et des Espagnols (10 300). Dans une analyse des données officielles issues de l'Enquête sur la population active (EPA) de l'INE, le chercheur espagnol Yoan Molinero cité par Agendapublica, met en relief les différences fondamentales entre les travailleurs porteurs de la nationalité espagnole et les « migrants ». Les données font ressortir que les travailleurs migrants, sont employés dans des secteurs où les salaires sont bas et la précarité de l'emploi structurelle. En sachant que la profession et le revenu, sont les principaux déterminants de la position sociale, les statistiques montrent que les migrants sont conditionnés à rester dans un cercle exposé à la pauvreté et à la marginalisation, ce qui peut également impacter leurs enfants, et donc les générations futures. « La concentration des populations étrangères dans les catégories aux revenus les plus bas des sociétés où elles résident a été largement documentée au fil des décennies. Cette inégalité est due à de multiples facteurs », a indiqué le chercheur, expliquant que parmi ces derniers figure l'existence de marchés du travail dualistes. Il ajoute également les politiques d'immigration « qui orientent l'arrivée de la population étrangère vers les segments du marché du travail où la demande de main-d'œuvre est chronique, précisément en raison des mauvaises conditions d'accès ». L'irrégularité administrative des migrants, notamment ceux arrivés illégalement, ou ceux arrivés avec des Visa touristiques, sont particulièrement concernés par ce phénomène, contrairement à ceux qui sont recrutés selon leurs compétences et leurs diplômes. Les données classent les professions des Espagnols et des étrangers en neuf catégories, allant des postes de direction et de cadre aux professions élémentaires, caractérisées par un effort physique ou des tâches manuelles simples, nécessitant un faible niveau de qualification. Selon cette classification, il apparait que 4,6 % des Espagnols employés sont directeurs ou managers alors que seuls 1,6 % des migrants atteignent ce niveau. Concernant les professions techniques et scientifiques, l'écart est encore plus palpable puisque près d'un quart des Espagnols occupent ces type d'emplois, contre 8,1 % d'étrangers. Par ailleurs, il apparait que 19,7 % des Espagnols travaillent dans la restauration, les services à la personne, la protection ou la vente, contre 27,3 % chez les migrants. « La différence est encore plus importante dans les professions de base, qui représentent 8,6 % des Espagnols et 29,6 % des étrangers, soit près d'un tiers du total », souligne le chercheur. Ces données sont d'autant plus significatives dans une Europe devenue plus protectionniste, où les courants de droite et d'extrême droite prennent de l'ampleur. Le cas de l'Espagne semble toutefois échapper à la tendance, notamment avec le parti des Travailleurs (PSOE) qui représente la gauche, crédité du plus haut taux d'intentions de votes face aux partis de droite. Le Parti populaire (PP) tente de récupérer des votes en s'accaparant le sujet de la nationalité espagnole. Le chef du parti, Alberto Núñez Feijóo, a dévoilé ce mardi un «plan pour l'immigration» qui durcit les conditions d'obtention de la nationalité espagnole. Il souligne qu'il veut une nationalité « méritée », choisie et « proche de la culture espagnole », soit un rejet à peine caché de toutes les nationalités non européennes. Ces données confirment l'existence d'un système structurellement inégalitaire, où les migrants, en particulier les Marocains, sont confinés dans un marché du travail à deux vitesses. Malgré leur poids démographique et économique croissant, leur mobilité sociale reste bloquée par des politiques migratoires restrictives qui pousse un certain nombre d'entre eux à quitter l'Espagne.