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Accès aux soins oncologiques au Maroc : disparités territoriales, insuffisance des ressources et lenteur du parcours thérapeutique face à une charge cancéreuse croissante
Le Maroc enregistre chaque année près de 50 000 nouveaux cas de cancer pour une population de 37 millions d'habitants, tandis que l'incidence nationale atteint 137,3 pour 100 000 habitants. Le pays ne consacre que 6 % de son PIB à la santé, contre 19,7 % aux Etats-Unis, et son taux de couverture médicale plafonne à 66 %, loin des standards internationaux. Malgré la mise en place d'un Plan national de prévention et de contrôle du cancer (PNPCC), les délais moyens de traitement dépassent cinq mois et près de la moitié des patients ruraux demeurent sans accès effectif à un centre d'oncologie. Telles sont les conclusions d'une étude exhaustive publiée dans l'International Journal of Research and Scientific Innovation (IJRSI, vol. XII, n° XV, septembre 2025), qui dresse un état des lieux précis et préoccupant des soins oncologiques au Maroc. Le système de santé marocain est confronté à une montée en puissance du cancer, tandis que les moyens destinés à sa prise en charge demeurent fragiles. Une étude scientifique récente, publiée dans l'International Journal of Research and Scientific Innovation (IJRSI, vol. XII, n° XV, septembre 2025), dresse un tableau d'ensemble préoccupant de l'accès aux soins oncologiques dans le Royaume, évoquant des inégalités territoriales, des retards de diagnostic et une pénurie persistante de ressources humaines. Les chercheurs rappellent que «l'accès aux soins constitue un indicateur essentiel de la performance d'un système de santé» et soulignent que «le cancer, avec environ cinquante mille nouveaux cas par an, représente un problème majeur de santé publique au Maroc». Le pays, affirment-ils, fait face à des défis comparables à ceux rencontrés en Tunisie et en Egypte, où la charge épidémiologique du cancer ne cesse de croître. La même étude note que «le Maroc a élaboré dès 2010 un Plan national de prévention et de contrôle du cancer (PNPCC), appuyé par la Fondation Lalla Salma, qui a joué un rôle déterminant dans la prévention, le dépistage et le traitement». Les auteurs rappellent qu'à l'échelle mondiale, les disparités demeurent marquées : «le cancer de la prostate est le plus fréquent chez les hommes aux Etats-Unis, tandis que le cancer du foie prédomine en Egypte en raison de la forte prévalence de l'hépatite virale». Ils ajoutent que «les dépenses de santé consacrées à l'oncologie varient considérablement d'un pays à l'autre, les Etats-Unis y consacrant près de 20 % de leur PIB, contre seulement 6 % au Maroc». Ce contraste, précisent-ils, illustre «la nécessité de replacer la situation marocaine dans une perspective régionale et mondiale». Etat épidémiologique et infrastructures de soins Le rapport mentionne qu'en 2012, «l'incidence du cancer au Maroc s'élevait à 137,3 pour 100 000 habitants», avec une prédominance des cancers du sein chez la femme et du poumon chez l'homme. La progression des cas s'explique notamment par «le vieillissement de la population, l'augmentation des comportements à risque tels que le tabagisme et la sédentarité, mais aussi par l'amélioration du dépistage et du diagnostic». La population marocaine vieillit : «les personnes âgées de 60 ans et plus représentaient 8 % de la population en 2004, contre 9,6 % en 2019». Ce vieillissement, conjugué à une urbanisation rapide et à une alimentation déséquilibrée, contribue à la hausse continue de l'incidence du cancer. Les auteurs relèvent que «le tabac demeure l'un des principaux facteurs de risque, avec une prévalence de 18 % chez les adultes et 9 % chez les jeunes», ce qui expliquerait la fréquence élevée du cancer du poumon. La situation épidémiologique reste d'autant plus préoccupante que «le taux de couverture médicale nationale atteignait à peine 66 % en 2018», contre 91 % aux Etats-Unis. Cette proportion limitée s'explique, selon les chercheurs, par «le poids du travail informel, la stagnation des salaires et le vieillissement démographique». Le Maroc a mis en place plusieurs régimes de protection : l'Assurance maladie obligatoire (AMO) et le Régime d'assistance médicale pour les économiquement démunis (RAMED), désormais intégré au régime solidaire obligatoire. Néanmoins, l'étude conclut que «la couverture universelle reste à consolider pour garantir une véritable équité d'accès aux soins». Le document analyse en détail les équipements médicaux disponibles : «en 2015, le pays comptait 60 unités de colposcopie, 75 de mammographie, 56 de scanner, 45 d'IRM, 12 de scintigraphie et 7 de TEP-scan». Ces chiffres, bien qu'en progression, restent faibles comparés à d'autres pays : «en France, la seule région Auvergne-Rhône-Alpes disposait de 110 IRM en 2018». Les auteurs précisent qu'en 2020, «le Maroc possédait 24 IRM dans le secteur public et 37 dans le privé, pour un total de 61 unités», soulignant que «le secteur libéral domine cette infrastructure, ce qui crée une inégalité territoriale majeure». La carte hospitalière illustre ce déséquilibre : «le corridor Casablanca-Rabat concentre la majorité des centres d'oncologie, alors que les régions sahariennes et montagneuses demeurent sous-équipées». Les chercheurs relèvent «une amélioration relative depuis 2010, avec la construction de six nouveaux centres publics et l'ouverture d'une quinzaine de cliniques privées», mais insistent sur «la persistance de fortes disparités régionales». La question des ressources humaines s'avère tout aussi cruciale : «en 2015, le Maroc comptait 65 oncologues et 92 radiothérapeutes». Aujourd'hui, leur nombre s'élève à «près de 180 oncologues et 190 radiothérapeutes», mais cette progression reste insuffisante, car «la densité médicale demeure inférieure à la norme de l'OMS, qui fixe à 15,3 le nombre de médecins pour 10 000 habitants». La concentration des professionnels à Casablanca et Rabat accentue les déséquilibres : «22 % des spécialistes exercent dans ces régions, où ne vit que 20 % de la population». La pénurie de personnel formé à la cancérologie freine la détection précoce et la prise en charge adéquate. Le texte recommande de «former davantage le personnel de santé primaire pour reconnaître les premiers signes du cancer et orienter rapidement les patients vers les structures spécialisées». Les auteurs déplorent également «l'absence quasi totale de réunions de concertation pluridisciplinaire», pourtant indispensables à la qualité du traitement. Ils soulignent que «le système d'annonce de la maladie est pratiquement inexistant» et que «le faible niveau d'instruction de nombreux patients rend la communication médicale difficile». Ce déficit de relation médecin-patient entraîne souvent des malentendus, voire des abandons de traitement. Les délais diagnostiques varient selon les localisations : «116 jours pour le cancer du sein, 150 jours pour le cancer du poumon et 180 jours pour le cancer du col de l'utérus». Ces écarts, expliquent-ils, proviennent de «la méconnaissance des symptômes, du manque d'examens disponibles et de l'insuffisance de suivi gynécologique régulier». Comparativement, «les délais de diagnostic atteignent 121 jours en Tunisie et 43 jours au Canada», illustrant l'écart entre un pays à revenu intermédiaire et un système de santé bien doté. Quant aux traitements, «le délai moyen pour débuter la prise en charge atteint 216 jours au Maroc contre 138 jours au Canada». Barrières sociales, financières et stratégies publiques Les auteurs identifient trois types d'obstacles majeurs : «les barrières socioculturelles, financières et géographiques». Les barrières géographiques se traduisent par «l'éloignement des structures spécialisées, les difficultés de transport et le manque de moyens de déplacement». Pour y remédier, le rapport propose «le développement des consultations à distance, la multiplication des centres régionaux de dépistage et de traitement, et l'organisation de cliniques mobiles dans les zones enclavées». Les barrières financières demeurent considérables. L'étude précise que «le coût du traitement d'un cancer du sein métastatique est estimé à 35 058 euros par patient dans les hôpitaux publics». Bien que les soins soient théoriquement gratuits dans le cadre du RAMED, «les ruptures de stock de médicaments obligent souvent les patients à s'en procurer dans les pharmacies privées». Ces dépenses imprévues entraînent «des abandons de traitement ou un endettement familial lourd». Les auteurs recommandent la création «d'un fonds national de solidarité contre le cancer», afin d'éviter que la pauvreté ne devienne un obstacle à la survie. Ils ajoutent qu'«une analyse plus poussée des réformes récentes de l'assurance santé et de leurs effets sur les malades serait nécessaire pour identifier les leviers d'amélioration». Les barrières socioculturelles jouent, elles aussi, un rôle déterminant. L'étude évoque «le poids des croyances religieuses, de la stigmatisation et de l'influence communautaire» dans le retard au diagnostic. Certaines femmes «ne consultent qu'à un stade avancé, après avoir eu recours à des traitements traditionnels». Pour contrer ces tabous, les auteurs proposent «l'intégration de campagnes d'éducation culturelle et linguistique adaptées aux réalités locales». Les résultats d'autres études citées indiquent que «les femmes ayant un niveau d'instruction plus élevé participent davantage aux programmes de dépistage». La publication aborde ensuite la question de la recherche et de la formation. Depuis sa création, «la Fondation Lalla Salma (FLPTC) a mis en place des formations et stages en partenariat avec des institutions européennes et américaines». Ces programmes bénéficient à «des centaines de professionnels chaque année», mais «restent peu structurés et non certifiants». Le rapport appelle à «une formation continue institutionnalisée, assortie de certifications». Le Plan national de prévention et de contrôle du cancer (PNPCC) demeure «l'intervention principale de l'Etat pour améliorer la prise en charge du cancer». Il articule «prévention, dépistage, traitement et soins palliatifs». Toutefois, les auteurs soulignent que «les services de soins palliatifs restent limités à quelques centres, essentiellement en fin de vie». Actuellement, «seules six maisons de vie existent à Casablanca, Marrakech, Fès, Agadir, Meknès et Tanger», avec une capacité restreinte. Ils recommandent d'«étendre ces structures à tout le territoire national et de former davantage de professionnels aux soins palliatifs». Les auteurs rappellent que «la prise en charge palliative précoce est devenue la norme en oncologie depuis 2017», soutenue par les sociétés savantes internationales. Enfin, le rapport insiste sur la nécessité de garantir «un accès équitable aux médicaments essentiels et innovants». Les chercheurs notent que «près de 18 000 patients économiquement démunis bénéficient chaque année de traitements gratuits, incluant les molécules innovantes», mais dénoncent la «récurrence des ruptures de stocks dans les hôpitaux publics». Ils invitent à «renforcer les achats groupés et la logistique pharmaceutique nationale» pour assurer la disponibilité des traitements. Les auteurs concluent que «malgré des progrès indéniables, l'accès aux soins oncologiques au Maroc demeure précaire». Le pays doit, selon eux, «développer ses infrastructures, former davantage de spécialistes, réduire les disparités régionales et atténuer les barrières financières et culturelles». En définitive, la publication met en garde contre une aggravation des inégalités sanitaires si ces réformes ne sont pas engagées. «L'égalité réelle d'accès aux soins pour tous les Marocains constitue une urgence de santé publique», écrivent les chercheurs, soulignant que «chaque retard diagnostique ou thérapeutique se paie en vies humaines».