La Galerie H donne à voir AFRI'CAN, une expo qui croise le fer entre le design marocain et l'âme foisonnante du continent. Trois jeunes loups – Kamil Hajji, Houria Afoufou, Marya Belkhou – y déploient leurs griffes créatives, en écho à la CAN qui s'annonce comme un feu d'artifice footballistique. Oubliée la déco sage : ici, c'est l'Afrique qui danse, hybride et affamée d'avenir. Suivez La Vie éco sur Telegram Imaginez : un zellige qui flirte avec le bois de noyer, des motifs pop qui éclatent comme des échos berbères réinventés, des fresques où le baobab murmure des secrets aux meubles du quotidien. C'est l'essence d'AFRI'CAN, neuvième salve de la Galerie H, ce refuge casablancais ouvert en 2015, porté par le groupe Holmarcom. Pas un simple showroom, non : un incubateur féroce pour talents émergents, où l'artisanat local se mue en innovation punk et la transmission en déflagration culturelle. Au cœur de Casa, cet espace traque les pépites, les marie aux maîtres du geste ancestral et les balance dans le monde comme une grenade dégoupillée. «L'exposition AFRI'CAN illustre notre attachement à une Afrique plurielle et ambitieuse, et met en lumière un design marocain nourri de ses racines africaines pour ouvrir de nouveaux horizons», lâche Kenza Bensalah, administratrice du groupe Holmarcom, avec ce mélange de ferveur et de stratégie qui fait les mécènes avisés. Timing parfait : pile avant la Coupe d'Afrique des nations qui posera ses valises au Maroc, l'expo capte cette effervescence continentale, ce bouillon où le ballon rond n'est que le prétexte à un dialogue plus large. Design comme stade : terrains mouvants, où traditions et modernité se télescopent en un match nul et beau. Au centre de cette arène, trois univers qui s'entrechoquent sans se fondre, signés par une scénographie de Yassine Hmichane – une traversée sensorielle, disons-le, qui vous happe comme un souk en ébullition. Mobilier, objets, fresques : tout y passe, rythmé par des matières qui crissent, des formes qui défient et des récits qui percutent. Prenez Kamil Hajji, l'architecte-designer-chercheur, ce globe-trotter passé par l'EPFL de Lausanne, Milan, Zurich, New York. Fondateur en 2023 de Fen Project, il hybride l'artisanat au design d'aujourd'hui avec une sobriété qui cache des abysses. Pour AFRI'CAN, il tisse zellige, bois et métal en pièces structurées mais organiques, comme des totems qui questionnent : comment un motif ancestral porte-t-il l'Afrique d'aujourd'hui ? «Cette collection explore comment le zellige, le bois et le métal peuvent dialoguer au-delà de leurs codes traditionnels. Elle révèle les échanges et les tensions fécondes qui façonnent l'Afrique contemporaine», confie-t-il, les yeux dans le vague d'un horizon qui s'élargit. Houria Afoufou, elle, c'est l'âme pop berbère, née à Casa d'un père potier-plâtrier et d'une mère tisseuse, ballottée entre Maroc et France. Son esthétique ? Un hommage aux mâalems, ces maîtres-artisans, via sa marque MAHLEM. Pensez Fellah Hôtel à Marrakech : du patrimoine qui explose en déco moderne, ludique, narrative. Ses objets pour l'expo ? Des bombes poétiques qui transforment le quotidien en geste engagé. «Ma collection invite à un voyage entre les racines profondes du Maroc, la mémoire vibrante de l'Afrique et le langage du design contemporain qui transcende toutes les frontières», martèle-t-elle. Punchlines en céramique : l'héritage n'est pas un musée, c'est un feu de camp qui réchauffe le futur. Et Marya Belkhou, la dessinatrice qui fait sauter les lignes du papier vers l'espace ? Formée aux Beaux-Arts de Tétouan, elle grave ses illustrations sur vases, meubles, parois – un design au féminin, hommage aux gardiennes de mémoire, ces femmes africaines et marocaines. Sa collection «Sous les rêves du baobab» ? Un fil rouge symbolique, enraciné et partageur, avec géométries et motifs qui battent comme un cœur tribal remixé. «Inspirées par la symbolique profonde du baobab, mes créations deviennent des supports de transmission où l'illustration dialogue avec le mobilier et les objets du quotidien. Je cherche à préserver notre héritage et à l'inscrire dans le présent», assure-t-elle. Résultat : l'Afrique comme labo géant, où usages et formes se réinventent en live. AFRI'CAN, c'est ça : pas une expo figée, mais un appel à l'action. Ouverte au public dès le 21 octobre à la Galerie H, elle s'étire en concept-store, en rencontres avec les créateurs, en événements qui irriguent l'écosystème design marocain. Casablanca, plaque tournante, y réaffirme son rôle : pont entre mémoire et projection, identité et universalité. L'Afrique plurielle ? Elle n'attend pas : elle crée, elle vibre, elle gagne. Et nous, on y court, assoiffés de cette transe continentale.