Le Club des avocats au Maroc (CAM) a exprimé une vive inquiétude quant au respect des droits fondamentaux dans la procédure judiciaire engagée contre Achraf Hakimi, estimant que celle-ci souffre de «défaillances substantielles» en matière d'équité, de célérité et de présomption d'innocence. Une procédure entachée d'irrégularités fondamentales Dans un communiqué publié vendredi, le CAM souligne que «la procédure, menée sous pression médiatique, s'éloigne gravement des garanties prévues par l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH)», en référence aux exigences de neutralité, de rapidité et d'objectivité des enquêtes judiciaires. L'ouverture de l'enquête, indique le texte, s'est fondée sur «une simple déclaration, sans dépôt de plainte, ni certificat médical, ni volonté immédiate de coopération de la plaignante», ce qui constitue un déclenchement qualifié d'«inhabituel» et «interroge la rigueur de l'analyse judiciaire». Le CAM déplore par ailleurs qu'en dépit de l'exigence jurisprudentielle de motivation claire des actes d'enquête, «près de deux ans et demi se sont écoulés entre la mise en examen et le réquisitoire définitif», en violation manifeste du principe du délai raisonnable. «La justice qui tarde est une justice niée», rappelle le CAM en citant la Cour européenne (CEDH, Gelli c. Italie, 19 octobre 2006). Absence de preuves et atteinte à la présomption d'innocence Sur le fond, les avocats marocains dénoncent une instruction lacunaire, évoquant «une absence inquiétante d'éléments probants : aucun témoin direct, aucun examen médical, aucune expertise psychologique». La seule déclaration de la plaignante, isolée et non corroborée, «ne peut suffire à justifier un renvoi criminel», insistent-ils en invoquant le principe du doute qui bénéficie à l'accusé. Le CAM estime par ailleurs que «la médiatisation précoce, avant même la mise en examen, a gravement porté atteinte à la présomption d'innocence», citant notamment la condamnation de la France par la CEDH (Allenet de Ribemont c. France, 10 février 1995) et la Cour de cassation qui a réaffirmé que «toute déclaration publique de culpabilité avant jugement est illicite» (Crim., 16 février 2022, n° 21-81.161). Les avocats notent en outre que «les faits rapportés par la plaignante ne semblent pas correspondre à la définition stricte de l'infraction présumée» telle que définie à l'article 222-23 du Code pénal français, insistant sur l'absence d'une caractérisation juridique rigoureuse des éléments constitutifs de l'acte. Une commission d'observation pour surveiller le respect du procès équitable Enfin, le CAM déplore que «les éléments à décharge – notamment des échanges écrits révélant une intention pécuniaire ou une dissimulation – n'ont pas été sérieusement pris en compte», soulignant que toute instruction doit être conduite à charge et à décharge, conformément à l'article 81 du Code de procédure pénale (CPP). Face à l'accumulation de ces manquements, le CAM a annoncé «la mise en place d'une commission d'observation spécifiquement dédiée à cette affaire». Cette instance indépendante sera chargée «d'examiner l'ensemble du processus judiciaire, à chaque étape, afin de s'assurer du respect effectif des droits fondamentaux, du principe du contradictoire, et des normes nationales et internationales encadrant le procès équitable». Présidé par Me Mourad Elajouti, le CAM affirme agir «dans le plein respect de l'indépendance de la justice», et appelle les autorités concernées à garantir une stricte conformité aux exigences de l'Etat de droit.