À compter du 1er janvier, la Chine mettra en œuvre un dispositif de sauvegarde tarifaire d'ampleur sur les importations de viande bovine. Présentées comme temporaires et conformes aux règles du commerce international, ces mesures – surtaxes pouvant atteindre 55 % au-delà de volumes plafonnés – traduisent néanmoins un resserrement stratégique de la politique commerciale chinoise, dans un contexte de ralentissement économique et de déséquilibres structurels sur le marché intérieur. Une réponse à la surcapacité et à l'érosion des prix Le marché chinois du bœuf est confronté à une baisse prolongée des prix, alimentée par une offre devenue excédentaire. Les importations, en forte progression depuis plusieurs années, ont largement dépassé la dynamique de la demande domestique, pénalisée par la modération de la consommation des ménages. Dans ce contexte, les acteurs locaux de la filière dénoncent une pression concurrentielle croissante, jugée incompatible avec la rentabilité du secteur. Le ministère chinois du Commerce a ainsi conduit une enquête couvrant l'ensemble des produits bovins, frais ou congelés, avec ou sans os, concluant à l'existence d'un « préjudice substantiel » pour l'industrie nationale. Quotas par pays et surtaxe dissuasive La réponse retenue par Pékin repose sur un mécanisme mixte : des quotas annuels d'importation par pays, assortis d'une surtaxe de 55 % appliquée au-delà des volumes autorisés. Ce dispositif permet à la Chine de freiner les flux sans interrompre brutalement l'approvisionnement, tout en renforçant son pouvoir de régulation sur un marché jugé instable. LIRE AUSSI : Chine : prolongation d'un an de la suspension des surtaxes de 24 % sur les produits américains Les principaux exportateurs sont directement concernés notamment le Brésil, l'Argentine, l'Australie et les Etats-Unis. Pour 2026, les plafonds sont fixés à 1,1 million de tonnes pour le Brésil, 500 000 tonnes pour l'Argentine, 200 000 tonnes pour l'Australie et 164 000 tonnes pour les Etats-Unis. Ces volumes progresseront légèrement au fil des ans, illustrant une stratégie de rééquilibrage progressif plutôt que de fermeture commerciale. Un signal diplomatique adressé à l'Australie Au-delà des aspects tarifaires, Pékin a également annoncé la suspension partielle du volet « bœuf » de l'accord de libre-échange sino-australien. Une décision à forte portée politique, rappelant que les cadres commerciaux institutionnels restent conditionnés aux priorités économiques internes. Ce dossier agricole s'inscrit dans une réorientation plus générale de la politique commerciale chinoise. Face à une croissance moins dynamique, Pékin cherche à sécuriser ses secteurs domestiques sensibles, tout en conservant une flexibilité diplomatique. La durée limitée des mesures est de trois ans, jusqu'à fin 2028, et leur assouplissement progressif annoncé visent à préserver la compatibilité avec les règles de l'OMC, sans renoncer à l'objectif central qui est de stabiliser un marché intérieur sous pression. Un choc d'ajustement pour les exportateurs Pour les pays fournisseurs, l'impact est significatif. En une décennie, la Chine est devenue un pilier des débouchés mondiaux pour la viande bovine. Toute restriction, même ciblée, impose désormais de diversifier les marchés, absorber un risque politique accru et réviser les stratégies d'exportation. En filigrane, Pékin rappelle une réalité fondamentale de l'économie mondiale : l'ouverture commerciale reste réversible, surtout lorsque la conjoncture interne se détériore. Un signal que bien des capitales suivront de près.