Le Maroc s'impose comme une puissance automobile inattendue. Jadis perçu comme un acteur périphérique, le royaume a su profiter de sa proximité avec l'Europe et de coûts salariaux plus compétitifs pour attirer des investissements croissants. Selon elEconomista, «le remarquable essor de la production automobile marocaine, qui multiplie de façon exponentielle ses investissements, a récemment retenu l'attention.» Les grands constructeurs européens déjà implantés, tels Renault ou Stellantis, ont accru leurs capacités locales, mais l'essor s'explique aussi par l'arrivée de nouveaux acteurs : «Des fabricants chinois de batteries pour véhicules électriques ont misé fortement sur le voisin de l'Espagne», relève la publication. Cet élan a conduit à un franchissement symbolique : «le Maroc produit désormais plus que certaines économies européennes comme la Pologne ou la Hongrie». La comparaison avec l'Italie, terre historique de l'automobile, nourrit l'étonnement. «Des marques comme Fiat ou Alfa Romeo appartiennent depuis des décennies à la culture automobile mondiale tandis que Ferrari et Lamborghini se sont imposées comme symboles du luxe et de la vitesse», rappelle elEconomista. Mais ce patrimoine prestigieux pourrait ne pas suffire. Comme le souligne le journal, «tout ce brillant héritage ne semble pas permettre à l'Italie d'éviter un dépassement qui, jusqu'à récemment, aurait semblé inimaginable». Des chiffres en forte progression Capital Economics constate que «la production marocaine est passée de 40 000 unités en 2010 à 560 000 l'an dernier», un bond qui propulse le pays au 25e rang mondial. Le ministère de l'industrie et du commerce a précisé que «plus de 350 000 véhicules ont été fabriqués au premier semestre 2025, soit une progression annuelle de 36 %». Si ce rythme se maintient, préviennent les analystes, le Maroc pourrait devancer l'Italie dès cette année. L'écart se réduit d'ailleurs rapidement : «selon l'Organisation internationale des constructeurs d'automobiles (OICA), le Maroc a produit 559 645 véhicules en 2024, contre 591 067 pour l'Italie». Le pays se situe encore loin des poids lourds comme l'Allemagne (plus de quatre millions), l'Espagne (2,3 millions) ou la France (900 000), mais, souligne la publication, «le Maroc a nettement dépassé le Portugal ou la Belgique». Le rôle déterminant des capitaux chinois Si l'essor primaire a été soutenu par les constructeurs européens, James Swanston, économiste principal pour l'Afrique du Nord et le Proche-Orient chez Capital Economics, note que «les entreprises chinoises ont pris plus récemment l'initiative». Aucune n'a encore établi d'usine d'assemblage final, mais «elles ont investi massivement dans la fabrication de composants, en particulier pour les véhicules électriques». Au cours des douze derniers mois, «CNGR, Gotion High Tech et BTR New Material Group ont conclu d'importants accords pour ériger des usines de batteries», observe elEconomista. Dans le même temps, «Sentury et Yongsheng Rubber ont annoncé de nouvelles unités de pneumatiques à Tanger et Kénitra». Ce mouvement se traduit aussi dans les exportations : «les ventes de véhicules et de châssis chinois sont passées de 3 000 unités en 2023 à près de 20 000 au printemps 2025, dont un quart de modèles électriques». Des atouts stratégiques et des perspectives de croissance Deux facteurs expliquent l'intérêt des groupes chinois : «le Maroc détient environ 70 % des réserves mondiales connues de phosphate, élément clé pour les batteries» ; par ailleurs, «le pays bénéficie d'un accord de libre-échange avec l'Union européenne, en vigueur depuis 2000». Pour James Swanston, «si l'UE durcissait ses droits de douane sur les véhicules chinois, cela inciterait au transfert des opérations vers le Maroc». Les objectifs fixés par Rabat sont ambitieux : «le ministère de l'industrie vise deux millions de véhicules produits d'ici la fin de la décennie». Pour y parvenir, «les ports de Tanger et Kénitra sont agrandis afin d'accroître les revenus d'exportation de 20 % en deux ans». Cette expansion aura des retombées macroéconomiques : «l'essor du secteur automobile et l'étoffement des chaînes de valeur soutiennent nos prévisions de croissance du PIB, attendue à 4,3 % en 2025 et entre 5 % et 5,3 % en 2026-2027, au-dessus du consensus», anticipe Capital Economics. Un horizon encore incertain en Europe L'essor marocain pourrait toutefois susciter des tensions commerciales. Selon Swanston, «Bruxelles pourrait s'inquiéter de l'afflux de concurrence à bas coût, qui menace certains constructeurs européens historiques». Plusieurs scénarios sont envisagés, mais qui restent improbables : «Des droits de douane pourraient être une option, mais ils exposeraient aussi les industriels européens implantés au Maroc». Une autre piste serait «de réviser les accords commerciaux pour imposer des exigences de contenu local». Une proposition qui aurait peu de chances de voir le jour.