A Tanger, le président du Libéria, Joseph Nyuma Boakai a dressé le constat d'un système international devenu imprévisible, fragmenté et profondément inégal. « Des certitudes disparaissent, des rivalités émergent, la confiance s'effrite », a-t-il averti. Selon lui, l'Afrique paie encore le prix d'une longue histoire de dépossession, d'abord physique, puis économique, puis narrative : ses ressources profitent davantage au reste du monde qu'à ses propres citoyens, des politiques qui affectent son avenir sont conçues sans elle et des récits sur l'Afrique sont fabriqués ailleurs. « Cela ne peut plus durer », a t-il martelé. Le président libérien reste convaincu que « l'Afrique doit redevenir maîtresse de son destin, et non un espace où d'autres décident pour elle ». Pour réinventer l'équation mondiale, il a identifié quatre chantiers prioritaires. D'abord, la géopolitique : parler d'une seule voix, renforcer l'unité politique et l'autorité morale du continent afin qu'il ne soit plus un simple « terrain de compétition géopolitique », mais un pilier de leadership. Ensuite, la sécurité, qui exige une réponse collective face au terrorisme, aux trafics transnationaux et aux violences armées: partage du renseignement, institutions sécuritaires professionnalisées et mécanismes régionaux plus solides. Troisième chantier : l'économie, avec un appel ferme à transformer localement les richesses naturelles, car « aucune nation ne s'est développée en exportant des matières premières brutes ». Il a plaidé pour l'industrialisation, la création de valeur africaine et une réelle participation du continent dans les chaînes de valeur mondiales. Enfin, l'intégration régionale, indispensable pour peser au niveau global : accélérer la ZLECAf, développer les corridors routiers, ferroviaires et portuaires, étendre les réseaux énergétiques et investir massivement dans les infrastructures digitales. Le président libérien a été clair : « L'Afrique ne cherche pas la charité. Elle cherche des partenaires. » Il encourage les investisseurs internationaux à créer de la valeur localement, renforcer la participation africaine, bâtir des infrastructures durables tout en respecter les peuples et les cultures locales. L'Afrique, dit-il, doit être perçue non comme un risque, mais comme une opportunité globale. Joseph Boakai a terminé son intervention sur un appel vibrant, presque manifeste :« L'Afrique n'est pas en marge — elle s'affirme. L'Afrique n'est pas fragile — elle est résiliente. » Le continent possède, selon lui la population, l'énergie, les ressources et la créativité nécessaires pour devenir l'un des pôles majeurs du XXIe siècle. Ce qu'il manque ? De l'unité, du leadership, et le courage d'agir ensemble.