Casablanca se prépare à devenir «le point focal de la finance africaine» lors de la cinquième édition du Forum AFIS (African Financial Summit), tenue les 3 et 4 novembre. Cette grand-messe de l'industrie financière panafricaine réunit ministres, banquiers et investisseurs pour débattre de l'avenir monétaire du continent. Placée sous le thème «Unlocking Africa's financial sovereignty: from savings to strategic power», l'édition 2025 érige la souveraineté financière en principe directeur de ses travaux. Selon les organisateurs, l'objectif est de fédérer les ressources internes afin de financer les projets structurants du développement. Amir Ben Yahmed, directeur général du groupe Jeune Afrique, estime que «cette édition casablancaise incarne l'urgence de moderniser nos instruments et de mobiliser nos propres capitaux pour soutenir notre essor économique». De son côté, Ethiopis Tafara, vice-président régional pour l'Afrique à la Société financière internationale (SFI), affirme qu'«AFIS est le lieu où les acteurs trouveront les solutions financières capables de concrétiser leurs stratégies». Casablanca, pivot géoéconomique et financier du continent La note-programme du Forum souligne que l'Afrique subit désormais de fortes contraintes externes : barrières commerciales discriminatoires, endettement croissant et exigences accrues d'une économie mondiale de plus en plus transactionnelle. Selon le texte, «les contraintes montantes – barrières commerciales et endettement – redéfinissent les options du continent, tandis que le capital international se montre plus sélectif, plus coûteux et moins patient qu'à tout autre moment depuis un demi-siècle». Face à cette situation, de nombreux projets d'envergure — énergie, infrastructures, innovation numérique — demeurent «bloqués ou sous-financés». L'un des passages essentiels du document affirme que «la solution à une croissance véritablement inclusive réside dans la mobilisation de nos propres épargnes, par des instruments adaptés, une régulation visionnaire et des partenariats stratégiques capables d'orienter le capital domestique vers l'investissement de long terme». Le choix de Casablanca pour accueillir cette édition illustre la solidité du système financier marocain. Le Maroc compte «trois banques parmi les dix premières d'Afrique en 2024» et abrite la «deuxième bourse du continent, forte d'une capitalisation de 90 milliards de dollars (près de 900 milliards de dirhams)». Cinquième économie africaine avec un produit intérieur brut de «154 milliards de dollars (environ 1 540 milliards de dirhams)», le Maroc s'appuie sur une stratégie nationale d'inclusion financière et sur des réformes de grande ampleur, telles que la création du fonds FM6. La métropole économique sert en outre de «pont linguistique et institutionnel» entre les sphères francophones, arabophones et anglophones du continent. Thématiques financières et acteurs de haut rang Les débats de l'AFIS 2025 s'articulent autour de quatre axes majeurs : souveraineté financière, inclusion économique, transformation numérique et marchés de capitaux. Plusieurs tables rondes abordent la mutation du système bancaire, la régulation du crédit, l'émergence des fintech et les nouvelles formes d'assurance. Les échanges consacrés aux «obligations vertes, sociales et bleues» ou aux «green sukuk» examinent la création d'un véritable arsenal africain du financement climatique. La microfinance, le financement des PME et la place des femmes dans l'entrepreneuriat font également partie des priorités. Les intervenants s'interrogent sur la possibilité de «concevoir une taxonomie verte proprement africaine mais alignée sur les standards mondiaux» et sur les moyens de «rompre avec les modèles d'endettement chroniques qui entravent la croissance inclusive». L'édition 2025 réunit plus de soixante-dix journalistes, cinquante partenaires institutionnels et près de mille deux cent cinquante participants issus de soixante-douze pays. On y retrouve la ministre marocaine Nadia Fettah, le wali de Bank Al-Maghrib Abdellatif Jouahri, le président de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest Jean-Claude Kassi Brou, ou encore le gouverneur de la Banque du Ghana Johnson Asiama. Parmi les grandes institutions internationales figurent Makhtar Diop (SFI), Serge Ekué (Banque ouest-africaine de développement) et George Donkor (Banque d'investissement et de développement de la Cedeao), tous appelant à une mobilisation accrue du capital africain. De leur côté, Jeremy Awori (groupe Ecobank), Olusegun Alebiosu (FirstBank) et Aigboje Aig-Imoukhuede (Coronation Group) soulignent la nécessité de faire émerger «des banques africaines maîtresses de leur destin et moins dépendantes des flux extérieurs». Les entreprises marocaines y occupent une place centrale : Tarik Senhaji (Bourse de Casablanca), Abderrahim Chaffai (Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale), Abdeslam Alaoui Smaili (HPS) ou encore Ouafae Mriouah (Atlantic Re) illustrent l'ancrage du Maroc dans les réseaux financiers africains. Pour Ethiopis Tafara, le forum demeure «le lieu où s'élaborent les solutions concrètes d'une croissance portée par le secteur privé». À ses yeux, Casablanca incarne désormais «la capitale d'une Afrique assurée d'elle-même, connectée et résolument souveraine».