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Les clés cachées des élections 2025-2026 : une analyse des erreurs de perception des médias européens et des réalités politiques américaines
Publié dans Barlamane le 15 - 11 - 2025

Le fossé de perception transatlantique : Au-delà de la «pensée magique»
L'observation des analyses de la presse européenne sur les développements politiques américains reste une source d'étonnement analytique. Les élections du 4 novembre 2025 n'ont pas fait exception. Des organes de presse prestigieux et des analystes réputés ont persisté à interpréter le paysage politique américain à travers le prisme de leurs propres cadres de référence et, dans une large mesure, de leurs désirs. Ce vice cognitif – le « wishful thinking » ou la « pensée magique » – consiste à substituer une réalité désirée à une analyse clinique de la réalité observable.
Au lendemain des élections de 2025, les gros titres européens ont proclamé une « victoire incontestable » pour le Parti Démocrate, un « Trump défait » et une « vague bleue » donnant aux Démocrates un avantage décisif pour les élections de mi-mandat de 2026. Une analyse du Guardian, par exemple, a déclaré sans équivoque : « L'Amérique a donné un nez sanglant à Donald Trump… La vague bleue a continué d'arriver ».
De telles analyses sont, au mieux, erratiques et, au pire, dangereusement trompeuses. Elles échouent parce qu'elles commettent une erreur conceptuelle fondamentale : la tentative d'établir des parallèles directs entre les structures politiques européennes et américaines. Le système bipartite américain, un anachronisme dans le monde occidental, n'est pas comparable aux systèmes parlementaires multipartites d'Europe. Alors que ce système a historiquement préservé la nation des extrêmes, il sert désormais de mécanisme pour intégrer les radicaux directement au cœur du pouvoir.
En surface, les données du 4 novembre 2025 semblent justifier le narratif de la « vague bleue ». Le Parti Démocrate a remporté trois victoires symboliques et très médiatisées :
1. Course à la Mairie de New York : Zohran Mamdani, un législateur d'Etat de 34 ans, socialiste démocrate autoproclamé et immigrant ougandais, a remporté une victoire décisive. Il a battu à la fois l'ancien gouverneur Andrew Cuomo (se présentant en indépendant) et le républicain Curtis Sliwa. Sa victoire, sur la base d'un « taux de participation quasi record » , a été alimentée par la promesse du « programme d'accessibilité financière le plus agressif depuis Fiorello La Guardia ».
2. Course au Poste de Gouverneur de Virginie : La démocrate Abigail Spanberger a remporté le poste, battant la lieutenant-gouverneure républicaine Winsome Earle-Sears. Les résultats finaux ont montré une victoire décisive avec 57.5 % (1 969 536 votes) pour Spanberger contre 42.3 % (1 448 662 votes) pour Earle-Sears. Il s'agissait d'un gain crucial, faisant basculer le poste du gouverneur républicain sortant, Glenn Youngkin, qui ne pouvait pas se représenter.
3. Course au Poste de Gouverneur du New Jersey : La démocrate Mikie Sherrill a remporté une victoire confortable sur le républicain Jack Ciattarelli. Les résultats ont été de 56.7 % (1 872 034 votes) pour Sherrill contre 42.7 % (1 409 390 votes) pour Ciattarelli. Sherrill a conservé le siège pour les Démocrates, succédant à Phil Murphy, également limité par le nombre de mandats.
Tableau 1 : Aperçu des Principaux Résultats des Elections de Novembre 2025
Course Etat/Ville Candidat Démocrate % (Votes) Candidat Républicain % (Votes) Autres Candidats Clés Contexte
Gouverneur Virginie Abigail Spanberger (Gagnante) 57.50\% (1,969,536) Winsome Earle-Sears 42[span_24](start_span)[span_24](end_span)[span_27](start_span)[span_27](end_span).30\% (1,448,662) N/A Spanberger (D) fait basculer le poste de gouverneur tenu par Glenn Youngkin (R), limité par le nombre de mandats.
Gouverneur New Jersey Mikie Sherrill (Gagnante) 56.71\% (1,872,034) Jack Ciattarelli 42.69\% (1,409,390) N/A Sherrill (D) conserve le poste de gouverneur pour les Démocrates, succédant à Phil Murphy (D).
Maire New York City Zohran Mamdani (Gagnant) (Majorité) Curtis Sliwa (Minorité) Andrew Cuomo (Ind.) Mamdani (DSA) bat un ancien Gouverneur et le candidat Républicain dans une élection à forte participation.
Un observateur européen, voyant les données de ce tableau, conclurait logiquement à un rejet monolithique de l'administration républicaine. Cette interprétation, cependant, est l'exemple même du « fossé de perception transatlantique ». Elle ne parvient pas à voir que ces victoires ne représentent pas une tendance, mais deux modèles fondamentalement distincts – et probablement incompatibles – pour l'avenir du Parti Démocrate.
Les analyses politiques non partisanes américaines ont immédiatement identifié cette fracture. Une analyse de CBS News a noté : « La nuit a vu deux types de Démocrates gagner, venant des côtés opposés du parti ». Elle a explicitement opposé les « modérées » (Sherrill et Spanberger) à la « gauche radicale » (democratic socialist Zohran Mamdani). De même, le Center for Politics de l'Université de Virginie a publié une analyse comparative intitulée : « Pourquoi Spanberger et Sherrill fournissent un modèle de succès plus plausible que Mamdani ».
Les médias européens ont vu ces victoires comme additives (1+1+1 = 3, une « vague »). L'analyse américaine correcte les voit comme contradictoires (Modèle A vs Modèle B). Les Européens se sont concentrés sur le résultat (les Républicains ont perdu) plutôt que sur le processus (le système bipartite américain se fracture de l'intérieur). La véritable histoire des élections de 2025 n'est donc pas une simple « victoire pour les démocrates ». C'est l'histoire d'une profonde fracture interne au sein du parti et d'une radicalisation asymétrique plus profonde à travers l'ensemble du système politique. En amalgamant ces victoires disparates, les médias européens ont manqué la principale « clé cachée » : le système politique américain ne se déplace pas simplement vers la gauche ; il est vidé de sa substance par les deux extrêmes.
II. L'Infiltration Asymétrique du Bipartisme Américain
La thèse centrale que l'analyse européenne ne parvient pas à saisir est que le bipartisme américain n'est pas engagé dans un débat centriste sain. Il subit une décomposition structurelle. Les éléments extrémistes du système américain ont compris depuis longtemps l'impossibilité de créer un troisième parti viable ; le système est conçu pour expulser de tels mouvements. La seule voie viable vers le pouvoir était l'infiltration depuis l'intérieur.
Ce processus s'est produit des deux côtés, mais d'une manière fondamentalement asymétrique. Du côté républicain, il s'agit d'une consolidation totale et achevée. Du côté démocrate, c'est une occupation en cours.
2.1. Le Parti Républicain : Consolidation MAGA et Hégémonie « America First »
Au sein du Parti Républicain, la bataille est terminée. Le mouvement « Make America Great Again » (MAGA) constitue désormais le noyau structurel de l'ensemble de l'appareil du parti. Ce qui reste de la vieille garde – les « néoconservateurs » et les conservateurs traditionnels – a été absorbé, purgé ou réaffecté. La nouvelle structure n'est pas une alliance idéologique, comme on pourrait en trouver dans un gouvernement de coalition européen. C'est une hégémonie fonctionnelle, où le pouvoir est déterminé non pas par l'idéologie, mais par la proximité et la loyauté démontrée envers le centre « America First ».
Cette nouvelle hiérarchie de pouvoir – Loyalistes, Assimilés et Purgés – est clairement visible :
1. La Purge (Nikki Haley) : L'ancienne ambassadrice à l'ONU, Nikki Haley, représente l'establishment néoconservateur de l'ancienne garde. Lorsqu'elle a critiqué les choix de cabinet de la seconde administration Trump, elle n'a pas été engagée dans un débat politique ; elle a été publiquement purgée. Donald Trump Jr., agissant en tant que garant idéologique, l'a « descendue » en déclarant : « Si Nikki Haley veut vraiment un cabinet rempli de bellicistes néocons pour satisfaire les donateurs milliardaires qui la contrôlent, elle devrait essayer de se présenter à la présidence et de gagner elle-même ». C'était la « sérieuse mise en garde » : l'idéologie (néoconservatisme) est désormais subordonnée au mouvement (MAGA). Les néocons ne sont plus des partenaires ; ils sont, au mieux, des subalternes.
2. L'Assimilation (Marco Rubio) : Le sénateur Marco Rubio, autrefois un faucon néoconservateur emblématique , illustre le sort de ceux qui se convertissent. Il est aujourd'hui le 72e secrétaire d'Etat américain. Son assimilation est totale. Les communiqués de presse officiels de son propre département d'Etat sont désormais intitulés « Construire un Département d'Etat America First » et « Rendre sa grandeur à l'aide étrangère » (Making Foreign Aid Great Again). Sa politique est désormais dictée par les priorités « America First », telles que la négociation de « pactes de sécurité liés au commerce ». Il est puissant non pas en dépit de son passé, mais parce qu'il l'a renié et s'est assimilé.
3. La Loyauté (Steve Witkoff) : L'ascension de Steve Witkoff illustre le nouveau centre de pouvoir : la loyauté personnelle. La requête affirme qu'il n'a « aucune expérience diplomatique », ce qui est factuellement et entièrement correct. Witkoff est un « promoteur immobilier » , un « ami personnel de longue date » de Trump , et son « copain de golf ». L'ancien conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, a résumé l'establishment en déclarant que Witkoff « ne sait rien de la Russie… rien de l'Ukraine… rien de l'Iran ». Pourtant, Witkoff est l'Envoyé spécial des Etats-Unis pour le Moyen-Orient , et son rôle a été élargi pour inclure toutes les « missions de paix ».
La nouvelle structure du GOP est donc une hiérarchie claire. Les Loyalistes (la famille, les amis comme Witkoff) assurent la conformité. Les Assimilés (les politiciens de carrière comme Rubio) exécutent la politique et gèrent l'appareil d'Etat. Les Purgés (les anciens croyants comme Haley) servent d'exemples publics pour dissuader la dissidence.
2.2. Le Parti Démocrate : L'Occupation des « Socialistes Démocrates »
Dans le Parti Démocrate, la dynamique est celle d'une occupation intense et en cours par l'extrême gauche. Cette aile, menée par les « Democratic Socialists of America » (DSA), a réussi à capturer des postes électifs cruciaux, des mairies aux sièges du Congrès et, de manière critique, aux bureaux des procureurs élus.
L'erreur d'analyse européenne la plus fondamentale ici est sémantique. C'est l'« Erreur de Définition Transatlantique ».
Un analyste européen entend « Socialiste Démocrate » et pense à la social-démocratie européenne (par exemple, le SPD allemand, le Parti Travailliste britannique). Cette comparaison est fondamentalement erronée.
* Social-démocratie européenne : Opère fermement à l'intérieur d'un cadre capitaliste, cherchant à le réformer et à l'« humaniser ». Ses objectifs sont un « Etat-providence robuste », des « services publics universels » et une « économie de marché réformée ».
* Democratic Socialists of America (DSA) : Est un mouvement anticapitaliste dont l'objectif est de remplacer le capitalisme. Ses objectifs déclarés sont une « économie socialement possédée », la « propriété publique des moyens de production », et le remplacement du capitalisme par un « marché socialiste » ou une « économie planifiée décentralisée ».
Tableau 2 : Comparaison Idéologique : DSA (USA) vs Social-Démocratie Européenne
Métrique Democratic Socialists of America (DSA) Social-Démocratie Européenne
Objectif Principal « Propriété sociale des moyens de production ». Un Etat-providence fort et des services publics.
Système Economique Une économie socialiste de marché ou planifiée décentralisée. Une économie de marché réformée.
Vue du Capitalisme Un système à remplacer ou à transformer structurellement. Un système à réformer et à « humaniser ».
Exemple Américain Zohran Mamdani, Bernie Sanders. (Pas d'équivalent direct américain au sein du DSA).
Exemple Européen (Pas d'équivalent mainstream). SPD allemand, Parti Travailliste britannique.
Ce gouffre idéologique est personnifié par l'avant-garde du mouvement :
* Bernie Sanders : Le sénateur Sanders est un radical dont le pedigree idéologique est bien antérieur à son ascension politique. Les archives confirment qu'en 1979, il a produit un documentaire sur « Eugene V. Debs », le « syndicaliste, socialiste, révolutionnaire » américain. Ses voyages dans les années 1980 en URSS, à Cuba et au Nicaragua, où il a exprimé sa « sympathie » pour les gouvernements socialistes, ont été bien documentés et ont conduit à des accusations de « complaisance envers les dictateurs communistes ».
* Le « Squad » (AOC, Tlaib, Omar) : Ce groupe de membres du Congrès a poussé le parti bien au-delà des normes européennes. L'affirmation selon laquelle elles ont défendu des thèses extrémistes est un fait documenté par le Congrès lui-même.
o Rep. Rashida Tlaib : Le 7 novembre 2023, la Chambre des Représentants a formellement adopté la H.Res.845, censurant officiellement Tlaib. La résolution l'a censurée pour avoir « promu de fausses narratives concernant l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023… et pour avoir appelé à la destruction de l'Etat d'Israël ».
o Rep. Ilhan Omar et Tlaib : Les deux ont été publiquement réprimandées par leur propre parti. Un groupe de membres juifs démocrates de la Chambre a publié une déclaration officielle critiquant la Rep. Omar pour avoir « mis sur un pied d'égalité les Etats-Unis et Israël avec le Hamas et les Talibans ». De plus, les dirigeants démocrates étaient « furieux » que le duo ait blâmé Israël pour une attaque mortelle contre un hôpital à Gaza, une affirmation qui contredisait directement les renseignements de l'administration Biden.
La radicalisation est donc asymétrique non seulement en termes de degré, mais aussi de nature. Le radicalisme du GOP (MAGA) est une forme hyper-nationaliste de politique d'Etat-nation (fortifier l'Amérique d'abord). Le radicalisme du DSA est post-nationaliste ou anti-étatique. Mettre sur un pied d'égalité les Etats-Unis (un Etat-nation) avec le Hamas et les Talibans (des acteurs terroristes non étatiques) n'est pas une simple critique de la politique étrangère ; c'est un rejet de la légitimité morale de l'Etat-nation lui-même. Le radicalisme de droite cherche à fortifier l'Etat contre les menaces extérieures, tandis que le radicalisme de gauche cherche à délégitimer l'Etat de l'intérieur.
III. « Colonisation » Institutionnelle : Le « Shutdown » de 2025 et le « Paradigme Letitia James »
La stratégie de cette nouvelle aile radicale n'est pas simplement rhétorique. Elle s'est engagée dans une « colonisation » directe des institutions, utilisant la « guerre procédurale » et la « guerre judiciaire » (lawfare) pour atteindre des objectifs politiques.
3.1. Le « Shutdown » Fédéral de 2025 : Une Crise Pilotée par les Progressistes
La thèse selon laquelle l'extrême gauche a provoqué le « shutdown » (fermeture du gouvernement fédéral) de 2025 pour attaquer l'administration Trump et « coloniser » les institutions est précisément validée par les faits.
* Durée : Le « shutdown » a commencé le 1er octobre 2025. Le 5 novembre 2025, il est devenu le plus long de l'histoire des Etats-Unis , dépassant le précédent record de 35 jours. Il a duré au total 43 jours, se terminant le 12 novembre 2025.
* Cause : La cause n'était pas un différend sur le budget de base lui-même, mais une prise d'otage politique. Les Démocrates du Sénat ont bloqué à plusieurs reprises la résolution de continuité budgétaire. La raison explicite était que le projet de loi « n'incluait pas une extension des subventions de l'Affordable Care Act (ACA) » qui devaient expirer. Le leader démocrate de la Chambre, Hakeem Jeffries, a confirmé que son caucus s'opposerait à toute législation qui ne résoudrait pas la « crise des soins de santé ».
* Impact et Objectif : L'objectif d'« affaiblir » l'administration en infligeant une douleur maximale est clair. Le « shutdown » a mis au chômage technique entre 670 000 et 900 000 employés fédéraux. De manière critique, l'impact institutionnel confirme l'objectif stratégique : des rapports ont confirmé que le « shutdown » a « entravé l'activité du Congrès sur la législation sur l'intelligence artificielle », menaçant de « retarder les priorités de Trump en matière de politique d'IA » et de « saper un programme fédéral de modernisation historique ».
Cette tactique est un exemple parfait de « colonisation » institutionnelle. L'aile progressiste a utilisé une procédure essentielle et non liée (le budget fédéral pour faire fonctionner le gouvernement) comme « levier » pour une exigence politique partisane (subventions de l'ACA). Le but n'est plus la gouvernance, mais l'utilisation de la douleur d'un arrêt du gouvernement comme un outil de négociation, dégradant ainsi la fonction première de l'institution.
3.2. Le « Paradigme Letitia James » : Un Cycle d'Instrumentalisation et de Rétorsion
L'instrumentalisation des tribunaux comme arme politique est une « terrible réalité » qui s'est pleinement manifestée dans ce qui doit être appelé le « Paradigme Letitia James ». Ce paradigme est plus profond qu'une simple action unilatérale ; c'est un cycle complet d'instrumentalisation et de rétorsion selon la loi du talion, rendu possible uniquement par les vulnérabilités structurelles uniques du système judiciaire américain.
Phase 1 : L'Initiative (Lawfare Démocrate au niveau de l'Etat) Comme l'identifie la requête, la procureure générale de l'Etat de New York, Letitia James (une Démocrate élue), a fait campagne sur la promesse de poursuivre Donald Trump. Elle a tenu cette promesse, obtenant un « jugement de fraude civile stupéfiant » contre lui et son organisation. C'est la première étape du paradigme : un procureur élu au niveau de l'Etat utilisant son pouvoir institutionnel dans une juridiction « bleue » (Démocrate) pour cibler un rival politique.
Phase 2 : La Rétorsion (Lawfare Républicain au niveau Fédéral) C'est la seconde moitié du cycle, confirmée par les événements de novembre 2025. En représailles, le Département de la Justice (DOJ) de l'administration Trump a pénalement inculpé Letitia James elle-même pour fraude hypothécaire présumée.
Le Mécanisme de la Rétorsion (La « Clé Cachée ») Le mécanisme de cette inculpation en représailles expose la « terrible réalité » de l'instrumentalisation.
1. Le procureur américain précédent pour le district, Erik Siebert, a été « contraint de quitter son poste » ou « a démissionné sous pression ».
2. La raison de son éviction était son refus de poursuivre, citant un « manque de preuves pour soutenir des accusations criminelles » contre James (et l'ancien directeur du FBI James Comey).
3. Il a été remplacé par une personne « triée sur le volet » par Trump, Lindsey Halligan.
4. Les qualifications de Halligan? Elle était l'« ancienne avocate personnelle de Trump » et n'avait « aucune expérience de procureur ».
5. Le résultat? Les avocats de James ont immédiatement déposé une requête en irrecevabilité, qualifiant l'affaire d'« inconstitutionnelle », de « poursuite sélective et vindictive » menée par une procureure « illégalement nommée ».
Un observateur européen, habitué à des magistrats de carrière, ne peut pas comprendre cette dynamique. Elle est rendue possible par une vulnérabilité structurelle américaine : les procureurs de l'Etat (comme James) sont élus, ce qui les rend intrinsèquement politiques, et les procureurs fédéraux (comme Halligan) sont nommés politiquement.
Le « Paradigme Letitia James » est la complétion de ce cycle. La Phase 1 a exploité la vulnérabilité au niveau de l'Etat. La Phase 2 a exploité la vulnérabilité au niveau fédéral. C'est la première fois que les deux côtés de cette faille structurelle ont été pleinement et ouvertement militarisés l'un contre l'autre dans une spirale de représailles. C'est l'érosion de l'Etat de droit apolitique en temps réel.
IV. Etude de Cas : Le Maire « Ultraradical » de New York, Zohran Mamdani
L'élection de Zohran Mamdani à la mairie de New York fournit l'étude de cas la plus aiguë de la nouvelle dynamique. Alors que les analystes européens se sont concentrés sur son identité de premier maire musulman de la ville , ils ont manqué les convictions idéologiques profondes et, plus important encore, la dynamique économique qui a permis sa victoire.
4.1. Un Pedigree d'Elite, et non Prolétarien
L'affirmation selon laquelle Mamdani est « tout sauf un fils du prolétariat » est factuellement et précisément correcte. Sa victoire est un exemple classique du paradoxe de la « Gauche Brahmane », un concept popularisé par l'économiste français Thomas Piketty pour décrire une élite intellectuelle et culturelle dont les objectifs politiques se sont détachés des classes populaires traditionnelles. Le pedigree de Mamdani est celui de l'élite académique et culturelle mondiale.
* Zohran Mamdani : Le maire élu de 34 ans est diplômé du « Bowdoin College » , une université privée américaine d'élite aux frais de scolarité élevés.
* Père (Mahmood Mamdani) : Son père est le « Herbert Lehman Professor of Government » à l'Université de Columbia. C'est un universitaire de renommée mondiale, lui-même diplômé de Harvard , spécialisé dans le post-colonialisme.
* Mère (Mira Nair) : Sa mère est une « superstar du cinéma mondial ». Egalement formée à Harvard , elle est une cinéaste de renommée internationale dont les œuvres ont remporté le Lion d'Or à la Mostra de Venise (Monsoon Wedding) et la Caméra d'Or au Festival de Cannes (Salaam Bombay!), ce dernier ayant également été nominé pour un Oscar.
Ce parcours (Bowdoin, Columbia, Harvard, Cannes, Venise) n'est pas celui d'un leader ouvrier. C'est le produit de l'élite culturelle mondiale.
4.2. Une Plateforme « Irréalisable » : « Economats d'Etat » ou Bien Public?
Avant son élection, l'expérience de Mamdani se limitait à être membre de l'assemblée de l'Etat et conseiller en prévention des saisies immobilières. Cette expérience est dérisoire face à la tâche de gérer une métropole mondiale.
Sa plateforme de gouvernement est un catalogue de propositions radicales, confirmant l'évaluation de la requête comme une « absurdité irréalisable ».
* « Economats d'Etat » : La référence péjorative de la requête aux « économats d'Etat » est une critique directe d'un point réel du programme de Mamdani : son appel à un « réseau d'épiceries appartenant à la ville » (city-owned grocery stores).
* Autres Points Radicaux : Sa plateforme officielle comprenait également un « salaire minimum de 30 $ d'ici 2030 » , une « garde d'enfants publique universelle » (No cost childcare) , et des « bus… gratuits ».
Cette plateforme a conduit à une bataille sémantique qui est, en soi, une caractéristique clé du paysage politique. Le président Trump a qualifié Mamdani de « fou 100% communiste » (100% Communist lunatic).
Cependant, les vérificateurs de faits indépendants, tels que PolitiFact, ont explicitement réfuté cette étiquette. PolitiFact note : « Mamdani N'EST PAS communiste ». Ils expliquent que le communisme implique une économie centralement planifiée, un parti unique et l'abolition de la propriété privée, ce que Mamdani ne propose pas. Il est, par définition, un « socialiste démocrate ».
Cette bataille sémantique est un outil politique. La droite utilise « communiste » comme une « tactique de peur rouge » (red scare tactic) pour effrayer les modérés. La gauche radicale, quant à elle, embrasse l'étiquette « socialiste démocrate » pour se différencier de l'establishment démocrate qui, selon elle, a échoué. Pour les électeurs de Mamdani, l'accusation de « communiste » est un bruit de fond de l'establishment ; l'étiquette « socialiste » est le signal qu'il prend leur douleur au sérieux.
V. La Véritable Alarme : Pourquoi un Radical L'Emporte
L'analyse de Mamdani en tant que personnalité (une élite radicale) est incomplète. La véritable « clé cachée » est de comprendre pourquoi il a gagné. Sa victoire n'est pas un mandat idéologique pour le marxisme ; c'est un « signal de détresse » économique envoyé par une génération désespérée.
5.1. Un « Signal de Détresse » Générationnel : « La Première à Vivre Moins Bien que ses Parents »
L'affirmation selon laquelle la génération actuelle d'Américains est la première à vivre moins bien que ses parents n'est pas une envolée polémique. C'est une croyance démographique documentée et le principal moteur de la politique de la jeunesse aux Etats-Unis.
* Le Pessimisme : Les données des sondages sont accablantes. Une enquête du Pew Research Center a révélé qu'une médiane de 70 % des adultes dans 19 pays et 57 % dans 36 pays estiment que les enfants d'aujourd'hui seront « financièrement moins bien lotis que leurs parents ». Un sondage Gallup confirme un niveau historiquement bas d'optimisme pour la prochaine génération.
* Le Vote : Ce désespoir s'est traduit directement par une mobilisation politique. L'analyse du CIRCLE (Center for Information & Research on Civic Learning and Engagement) de l'Université Tufts est la preuve irréfutable. La victoire de Mamdani a été portée par un « haut niveau de participation des jeunes » (plus d'un jeune sur quatre a voté, un chiffre exceptionnellement élevé pour une élection municipale).
* Parmi ces jeunes électeurs (âgés de 18 à 29 ans), 75 % ont soutenu Mamdani.
La campagne de Mamdani s'est concentrée de manière « implacable » sur leur préoccupation numéro un : l'« accessibilité financière ».
La victoire de Mamdani n'est donc pas un miracle idéologique. C'est un arbitrage politique. Il a identifié un bloc électoral massif (les jeunes économiquement désespérés ) qui n'était servi par aucun des partis de l'establishment. Il leur a offert le seul « produit » qu'ils voulaient : un remède radical à leur douleur. Son idéologie (DSA) n'était pas un obstacle ; c'était la preuve qu'il était sérieux dans sa rupture avec le statu quo qui leur avait fait défaut.
5.2. La Maladie et le « Remède » : « Capitalisme de Connivence » et Crise du Logement
La « maladie » que cette génération perçoit n'est pas le capitalisme de libre marché. C'est un système « truqué » de « capitalisme de connivence » (crony capitalism) et d'« oligarchies ». La crise du logement est le symptôme le plus clair et le plus douloureux de cette maladie perçue.
Le grief est que les « investisseurs institutionnels » et les « fonds spéculatifs » « achètent massivement des logements », « expulsant les familles du marché » et exacerbant la crise du coût de la vie.
Cette perception est devenue une panique politique nationale.
* En 2025, « au moins 22 Etats » ont introduit des « projets de loi souvent bipartisans » pour « maîtriser les investisseurs institutionnels ».
* La législature de l'Etat de New York, par exemple, a introduit la « Loi pour Mettre Fin au Contrôle des Fonds Spéculatifs sur les Logements de New York » (End Hedge Fund Control of New York Homes Act). D'autres législations restrictives ont été signées en mai 2025.
C'est là que réside l'analyse la plus critique. La réalité statistique contredit cette perception politique.
* Des analyses de think tanks tels que l'American Enterprise Institute (AEI) et l'Urban Institute ont examiné cette panique.
* Leurs conclusions? L'accusation est « mal placée ». Les investisseurs institutionnels (définis comme possédant plus de 100 propriétés) possèdent « moins de 1 % » du parc immobilier national.
* La véritable cause de la crise est un « manque d'offre » dû à des décennies de politiques de zonage restrictives.
Le paysage politique de 2026 n'est donc pas un concours d'idées pour résoudre le vrai problème (l'offre de logements). C'est un concours pour répondre à la perception du problème (punir les fonds spéculatifs).
Mamdani a gagné parce que sa plateforme radicale (« économats d'Etat », « gel des loyers ») est un « remède » parfaitement proportionné à la maladie perçue (« capitalisme de connivence »). Il n'a pas gagné parce que ses électeurs avaient lu Marx ; il a gagné parce qu'ils ne peuvent pas payer leur loyer et sentent que le « système est truqué ».
VI. Conclusion : Les Véritables Leçons pour 2026
Les victoires du Parti Démocrate en Virginie et dans le New Jersey, que les médias européens ont célébrées comme une « vague bleue » , sont tout sauf un symbole de changement politique. Elles sont, en fait, un retour prévisible à la normale politique.
* Virginie : La victoire d'Abigail Spanberger n'était « pas une surprise » et n'indique aucune nouvelle tendance.
o Le populaire gouverneur républicain sortant, Glenn Youngkin, était « inéligible à la réélection ». La Constitution de la Virginie, unique aux Etats-Unis, interdit à un gouverneur de briguer un second mandat consécutif.
o Plus important encore, la Virginie a une « tradition politique » qui s'étend de 1977 à aujourd'hui : l'électorat élit presque toujours un gouverneur du parti opposé au président américain en exercice. Avec un Républicain (Trump) à la Maison Blanche, l'élection d'une Démocrate (Spanberger) était le résultat politiquement attendu.
* New Jersey : L'histoire est encore plus simple. Le New Jersey est un « Etat profondément démocrate », un « Mur Bleu ». Le candidat républicain, Jack Ciattarelli, était un perdant récidiviste, ayant déjà échoué de justesse en 2021. La victoire confortable de Sherrill n'était pas une « vague », mais un « retour aux niveaux d'avant 2024 ».
L'erreur européenne a été de voir trois événements (VA, NJ, NYC) et de les amalgamer en une seule histoire (« La vague bleue anti-Trump »).
L'analyse correcte, basée sur les données, est qu'il y avait deux histoires distinctes et contradictoires :
1. L'Histoire 1 (VA/NJ) : Un retour à la normale politique, prévisible, modéré et propre à l'establishment. C'est le bruit.
2. L'Histoire 2 (NYC) : Une rupture radicale avec la normale. Un « signal de détresse » d'une génération économiquement aliénée qui a rejeté l'establishment en faveur d'un « remède » radical à une « maladie » perçue. C'est le signal.
La véritable « clé cachée » des élections de 2025-2026 est la suivante : le paysage politique américain n'est pas défini par un simple binaire pro-Trump/anti-Trump. Il est défini par une radicalisation asymétrique de son système bipartite (Section II), une instrumentalisation réciproque de ses institutions (Section III), et un schisme économique générationnel profond (Section V).
La victoire de Zohran Mamdani n'est pas un mandat idéologique pour le marxisme. C'est un appel de détresse d'une génération écrasée par la « crise du coût de la vie » et la perception d'un système « truqué » de « capitalisme de connivence ».
La leçon pour 2026 est que le mouvement politique, qu'il soit conservateur ou autre, qui ignore ce « signal de détresse » économique et ne parvient pas à y répondre, le fera à ses périls. La bataille ne se joue plus sur les anciennes lignes idéologiques, mais sur qui peut répondre de manière crédible à ce nouveau et puissant sentiment de désespoir économique générationnel.


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