Dans son nouvel essai, l'économiste Arnaud Orain pose une grille de lecture du nouvel ordre économique mondial. Il décrit un nouveau genre de capitalisme qui pourrait expliquer la trajectoire du monde. La guerre commerciale, les intentions d'achat de territoires, les visées dans certaines régions du monde... le capitalisme contemporain fait peau neuve. Dans cette terre plate où les ressources sont tarissables alors que la démographie va croissant, l'idée de « finitude » n'a jamais été autant perceptible. Remise en question de l'idée de croissance infinie, ressources limitées, tensions énergétiques... L'époque semble marquée par une prise de conscience brutale des limites. Dans son dernier essai, l'économiste Arnaud Orain propose une lecture de cette mutation systémique : celle du capitalisme de la finitude. Lire aussi | Pourquoi le capitalisme américain abandonne-t-il le vert ? Publié dans un contexte où les paradigmes néolibéraux vacillent face à la réalité physique de la planète, le livre diagnostic d'Arnaud Orain propose une nouvelle cartographie intellectuelle. Loin des discours décroissants, l'auteur pose une forme d'analyse qui permet de comprendre ce nouveau courant de cette élite en course pour amasser le plus de restes. Du capitalisme de création au capitalisme des ressources naturelles « Ce sont les économies les plus ouvertes à la "destruction créatrice" qui se développent le plus vite », explique le célèbre économiste Joseph Schumpeter dans son livre intitulé Capitalisme, socialisme et démocratie paru en 1942. Pendant des décennies, c'est cette doctrine de l'innovation qui a conduit le capitalisme contemporain. Ce capitalisme concurrentiel désigne la capacité des humains à créer des objets et à s'enrichir par leur échange ; celui de la finitude se concentre sur la rivalité insurmontable autour des ressources naturelles que sont les océans (espaces du commerce maritime et ressources halieutiques et minérales), les terres et le travail humain. Lire aussi | H2 : Les enjeux stratégiques de l'Offre Maroc Pour des économistes comme Orain, le nouveau annoncé derrière les grandes mesures de Trump est celui du capitalisme de la finitude. Prolongeant d'une façon la pensée de Braudel, l'ouvrage propose une chronologie qui démontre que le monde entre, depuis une dizaine d'années, dans une nouvelle ère de domination de cette forme de capitalisme qui vise l'appropriation des dernières formes de richesses. Orain s'appuie sur une vaste culture économique et historique pour démontrer que le capitalisme n'est pas un bloc figé, mais une structure capable de s'adapter à la rareté autant qu'à l'opulence. Le capitalisme de la finitude : un modèle qui intègre la rareté des ressources naturelles comme donnée structurelle. Flambée des prix de l'énergie, guerre économique autour des métaux rares, tensions sur l'eau, et retour de la doctrine économique de la matière : tout cela permet de comprendre la nouvelle trajectoire idéologique du monde. Une lecture utile pour décrypter l'avenir En lisant Dynamique du capitalisme de Braudel, on comprend que le capitalisme, dans sa trajectoire, a toujours privilégié « l'ailleurs ». La réflexion sur les espaces a été au cœur des âges d'or du capitalisme. Cependant, le constat, au demeurant amer, est que l'espace n'est pas une denrée qui se reproduit. Il est tangible et fixe. Le monde ne saurait s'agrandir. Et cela pose une réflexion de fond : quel rapport pourrons-nous entretenir dans un monde où gagner voudrait dire prendre à autrui ? Par ailleurs, ce nouveau capitalisme devrait pousser les autres acteurs à s'interroger sur les doctrines annexes (durabilité) de l'ancien néolibéralisme. Aujourd'hui, par exemple, pendant que l'UE défend un cadre néolibéral, à vouloir faire respecter la concurrence et casser les monopoles, de l'autre côté, aux Etats-Unis, on est dans une doctrine économique de la matière qui favorise une déréglementation au niveau des normes environnementales, de façon à encourager l'exploitation minière. Ce « capitalisme de la finitude » est donc à la fois un constat et une hypothèse. Il offre une boussole pour comprendre l'avenir économique du monde.