Rabat et Nairobi ont fait un pas vers une coopération économique plus renforcée. Décryptage ! Le Maroc, aujourd'hui, doit penser à aller vers d'autres marchés. « Et il faut noter que les pays de l'Est ont toujours été une priorité », prévient d'entrée l'économiste Mehdi Fakkir. En effet, ces dernières années, les échanges commerciaux du Maroc avec les pays africains se sont développés au cours des dernières décennies, et ce en raison de la pertinence de la diplomatie économique du Maroc, qui a su construire un véritable couloir de coopération avec certains pays d'Afrique, notamment les pays de l'Afrique de l'Ouest. Même si les efforts sont louables et les retombées économiques notables, le Maroc, cependant, n'a pas encore déployé sa présence dans certaines régions du continent. Dans ce sens, la diplomatie marocaine démarre une forme de positionnement géoéconomique. La relance des relations économiques avec le Kenya, pays-clé de l'Afrique anglophone, en est la teneur. Récemment, le Maroc et le Kenya ont donc consolidé leurs relations en procédant à la signature de cinq mémorandums d'entente, couvrant divers domaines. Lire aussi | Dans un tournant majeur, le Kenya soutient le plan marocain d'autonomie Ces accords portent sur la coopération dans les secteurs de l'habitat et du développement urbain, ainsi que sur la jeunesse. Ils incluent également une collaboration mutuelle entre l'Institut marocain de formation, de recherche et d'études diplomatiques et l'Académie kényane du service extérieur. À cela s'ajoutent une coopération dans le secteur du commerce et le renforcement des capacités dans la fonction publique. Faisant un parallèle avec la ZLECAF, l'économiste précise : « Le Maroc n'a pas attendu la ZLECAF pour exporter son savoir-faire sur le continent. Aujourd'hui, le Maroc démontre qu'il poursuit son élan au travers d'une véritable diplomatie économique ». Comme le Rwanda, le Kenya, pays d'Afrique de l'Est, est un pays stratégique de la région. Une convergence pragmatique Les échanges commerciaux étaient estimés à 24,49 millions de dollars en 2023, selon l'International Trade Centre. Les produits les plus échangés sont les viandes et abats comestibles, les produits d'origine animale, les légumes comestibles, ainsi que le café, le thé et les céréales. Pour l'économiste Driss Aissaoui : « Le Maroc peut offrir au Kenya une porte d'entrée vers l'Afrique du Nord et l'Europe via Tanger Med, ses banques panafricaines (Attijariwafa bank, BCP) ou encore son expérience en zones industrielles intégrées. Le Kenya, quant à lui, propose un marché dynamique, une main-d'œuvre jeune et un statut de hub technologique reconnu à l'échelle continentale ». Lire aussi | Sahara: le Parlement d'Amérique centrale soutient l'intégrité territoriale du Maroc Au-delà des annonces, plusieurs pistes concrètes sont évoquées : création de zones franches mixtes, financement de projets d'infrastructure, transfert de savoir-faire dans l'agriculture irriguée et l'hydrogène vert. Ce rapprochement s'inscrit aussi dans une stratégie plus large : celle de faire émerger des pôles de coopération inter-africains, sans dépendre uniquement des partenariats Nord-Sud. Dans un monde multipolaire, où les grands équilibres sont redessinés, le Maroc et le Kenya jouent la carte d'un pragmatisme diplomatique fondé sur la croissance partagée. Un axe Rabat-Nairobi est peut-être en train de naître. Reste à le nourrir d'investissements, de projets tangibles et d'un agenda économique durable. De son côté, l'économiste Hicham Alaoui déclare : « Le Maroc doit saisir la lucarne pour aller à la rencontre des régions africaines où il n'est pas encore présent, afin d'y exporter son expertise ».