Plus de cinq ans après la généralisation du RAMED, l'Observatoire national du développement humain restituera ce jeudi 19 juillet, les résultats de l'évaluation de ce Régime. Une généralisation qui a eu des effets positifs certes, mais qui a mis à l'épreuve le système de santé public. Dans le cadre de ses missions d'évaluation des projets, programmes et actions en matière de développement humain au Maroc, et compte tenu de l'importance de la question de l'accès aux soins de santé, l'Observatoire national du développement humain restituera ce jeudi 19 juillet, les résultats de l'évaluation du Régime d'assistance médicale (RAMED). Réalisée en 2017, cette étude se base sur l'examen approfondi de trois volets essentiels du RAMED, cinq ans après sa généralisation, à savoir son éligibilité, sa gouvernance financière ainsi que ses effets sur la gouvernance hospitalière et la demande de soins. Un régime qui pour finalité de faire progresser le système de santé marocain vers plus d'équité. Pour ce faire, l'ONDH a fait usage d'une méthodologie mixte se basant aussi bien sur des méthodes quantitatives que qualitatives. Le volet quantitatif a reposé sur l'exploitation des données des trois passages de l'enquête panel de ménages de l'ONDH (2012, 2013 et 2015), de celles du CHU de Fès et de celles reflétant la situation des comptes budgétaires de l'hôpital général de Rabat, des hôpitaux régionaux de Fès, Beni Mellal et Sidi Kacem. Quant au volet qualitatif, il s'est appuyé sur les résultats d'une enquête conduite dans les CHU de Fès et de Rabat auprès des bénéficiaires et du personnel médical afin d'identifier les contraintes pesant sur la gouvernance et la gestion hospitalière du RAMED. La note de synthèse de cette évaluation révèle quela stratégie de ciblage du RAMED présente un certain nombre de faiblesses de même que son déploiement au demeurant encourageant, mais en-deçà des espérances. « La généralisation du RAMED est avant tout une mise à l'épreuve du système public de soins et, partant, de l'hôpital. Celle‐ci a mis l'hôpital en situation de fournir plus de prestations de soins au moment même où ses ressources ne connaissaient pas d'augmentation significative. Ce déséquilibre entre l'offre et la demande de soins s'est traduit par une baisse de l'efficience des services rendus par l'hôpital, aggravée par une augmentation conséquente des budgets qui lui sont alloués », révèle la note de synthèse. L'hôpital public sous pression La mise sous tension de l'hôpital public suite à la généralisation du RAMED a eu des effets négatifs mais pourtant prévisibles sur l'organisation des soins et sur leur qualité, dont la dégradation concerne l'ensemble des patients, qu'ils soient ramédistes ou non‐ramédistes. La deuxième conséquence est l'accroissement de la charge de travail du personnel hospitalier. Selon les enquêtes ethnographiques effectuées in situ auprès des gestionnaires des hôpitaux, la hausse du nombre de consultations a eu un effet négatif sur les conditions de travail de ce personnel, avec la multiplication des manifestations de stress, de fatigue et de démotivation au travail. L'évaluation précise qu'en l'absence de procédures clairement définies, le personnel hospitalier est souvent placé dans la position de gérer les dossiers des patients ramédistes, ce qui génère une spirale de récriminations et de défiance réciproque. Le personnel d'accueil adopte une attitude de suspicion par rapport aux ramédistes qui, en retour, attribuent cette méfiance à la mauvaise volonté des agents. Les résultats de l'enquête ethnographique conduite par l'ONDH dans les CHU de Fès et de Rabat font ressortir une perte de motivation du personnel hospitalier confronté à l'absence de mécanismes clairs pour gérer l'afflux des patients. En effet, ce personnel a le sentiment de consacrer une partie prépondérante de son temps à la gestion des problèmes liés à l'admission des ramédistes. De fait, ils se voient attribuer le rôle de « gestionnaire de la pénurie » sans formation ni ligne directrice. Une fragilité financière avérée La mise en œuvre effective du RAMED est tributaire des moyens financiers mobilisés et de la qualité de leur gestion. Des dysfonctionnements en la matière risquent de se traduire par une fragilisation financière de l'hôpital public et, in fine, conduire à une dégradation qualitative de ses prestations. Selon des projections provenant d'une étude actuarielle datant de 2013, le coût financier du RAMED est d'environ 5,35 milliards de DH. Cependant, ces estimations comportent des limites en raison de plusieurs facteurs. Ces derniers concernent principalement la variabilité́ de la population cible, mais aussi le coût des soins, révèle la note de synthèse de l'ONDH. « En effet, dans un contexte où la plupart des hôpitaux publics ne disposent pas d'une comptabilité analytique, il est impossible d'évaluer avec précision le coût budgétaire total de la prise en charge des ramédistes à l'hôpital, en l'absence de l'enregistrement et de la factura on effectifs de cette prise en charge. De plus, la sous-évaluation des tarifs administrés des actes médicaux par rapport à̀ leur coût réel renforce cette incertitude et laisse ouverte l'interrogation quant à la charge réelle que représentent ces patients », précise-t-on. Aussi, la contribution du budget général de l'Etat au financement du RAMED passe-t-elle principalement par les crédits budgétaires alloués au ministère de la Santé, ainsi que par des dotations supplémentaires émanant du Fonds Spécial de la Pharmacie Centrale et du Fonds d'Appui à la Cohésion Sociale. Ces budgets ont enregistré une augmentation substantielle, mais qui a eu lieu en retard par rapport à la mise en place du RAMED. Malgré cette augmentation, ces financements restent insuffisants au regard de l'ampleur des besoins. De plus, les modalités de gestion prévue par la Loi 65-00 n'ont pas été appliquées. La difficulté majeure réside dans l'absence d'individualisation des ressources affectées au RAMED et le manque de clés de répartition des crédits reçus par le Fonds d'Appui à la Cohésion Sociale. Le manque de comptabilité spécifique des crédits reçus de ce fonds laisse planer le doute quant à leur effectivité réelle et à l'efficience de leur gestion. Cette fragilité financière du régime déteint également sur l'hôpital public. L'analyse des données budgétaires collectées auprès des hôpitaux de Rabat (HIS), Sidi Kacem (HGP), de Fès (HRF) et d'Azilal (HRA) font apparaître deux phénomènes majeurs. D'abord, une diminution des ressources propres des hôpitaux et leur recours accru à l'autofinancement ; Ensuite, l'ajustement incomplet et irrégulier du manque à gagner des hôpitaux par les subventions spécifiques attribuées au RAMED. Une amélioration certaine de l'accès aux soins, mais... L'amélioration de l'accès aux soins des personnes pauvres et vulnérables est un acquis indéniable du RAMED. Néanmoins, la note de synthèse nuance par les trois remarques suivantes. D'abord, l'augmentation du taux de consultation des ramédistes est, selon l'ONDH, plus forte en 2013 qu'en 2015. Ceci pourrait traduire une relative dissipation de l'effet positif du RAMED sur l'accès aux soins, à mettre en rapport avec les phénomènes d'engorgement constatés au sein de l'hôpital public et qu'accentue la baisse de la qualité des soins qui y sont prodigués. Aussi, si cette tendance se maintient, il n'est pas exclu que le RAMED perde d'ici quelques années son effectivité en termes d'accès aux soins des populations qu'il cible. Ensuite, l'augmentation de l'accès aux soins pour les populations vulnérables s'est accompagnée d'une désaffection de l'hôpital public de la part des patients solvables, principalement ceux payants ou affiliés à l'AMO. Ce constat permet de traduire à nouveau l'accentuation de la dynamique de segmentation entre l'hôpital public et le secteur privé. Enfin, la hausse du taux de consultation des ramédistes ne s'est pas traduite par une réduction des inégalités de consultation entre les 20% les plus pauvres et les 20% les plus riches de la population. Ce résultat est cohérent avec l'idée déjà mise en avant selon laquelle les populations ciblées ont un taux d'affiliation au RAMED encore faible. L'évaluation a permis de formuler plusieurs recommandations visant à améliorer la performance de ce régime et garantir sa pérennité. Notamment stabiliser et sécuriser les ressources financières dédiées au RAMED et mieux organiser l'offre de soins. Mais aussi en améliorer les critères d'éligibilité afin de garantir un accès équitable aux soins. VOIR EGALEMENT SANTE : QUEL TRAITEMENT DE CHOC POUR REANIMER LE SECTEUR ?