Il semble que le gouvernement a enfin pris conscience de la nécessité de placer le volet social au cœur des priorités stratégiques et budgétaires du pays. C'est du moins ce qui ressort de la lettre de cadrage du PLF 2019 que le Chef du gouvernement vient de partager avec les différents départements. Il faut dire qu'il est temps de prendre à bras-le-corps ce secteur qui accuse un énorme retard et un déficit qui ne cesse de se creuser enfonçant des pans de la société dans un malaise social très dangereux. Qu'apportera donc la LF 2019 de différent ? L'équipe El Othmani parviendra-t-elle à trouver enfin le juste équilibre pour garantir un développement inclusif et équitable ? Ce qui est sûr c'est que le dernier discours de SM le Roi, prononcé en marge du 19ème anniversaire de la fête du Trône, a éveillé quelques consciences. Mais pas seulement, le limogeage du ministre de l'Economie et des Finances, Mohammed Boussaid, est un message fort adressé au gouvernement ainsi qu'à toute la sphère politique sur la nécessité de se retrousser les manches pour le bien de ce pays et de son peuple. La lettre de cadrage s'inscrit dans ce sillage dans la mesure où la priorité sera donnée aux secteurs sociaux notamment la santé, l'emploi, la protection sociale, l'éducation et le dialogue social. Sans oublier, bien entendu, l'investissement, les grands chantiers et les réformes structurelles engagées. Face à tous ces défis, l'équipe El Othmani devra jouer aux équilibristes pour réussir ce pari tout en préservant les équilibres macroéconomiques. Priorités sociales Malgré les avancées que le Maroc a pu réaliser durant les dernières années dans différents domaines, force est de constater que le volet social constitue toujours le parent pauvre de cette dynamique. C'est pourquoi, et conformément aux orientations royales du dernier discours, ce volet s'accapare désormais la part léonine du PLF 2019. Education : 1ème priorité Le gouvernement s'attaque à l'un des secteurs vitaux de la société à savoir l'enseignement qui plonge depuis plusieurs années, malgré les moults réformes engagées, dans un état comateux. Il prévoit la généralisation du préscolaire et la lutte contre l'abandon scolaire à partir de la prochaine rentrée scolaire 2019. Une priorité particulière sera accordée au programme « Tayssir » à l'enseignement primaire, au transport scolaire ainsi qu'à la restauration scolaire. A travers ces mesures, le gouvernement vise à alléger les charges que supportent les familles qui peinent à joindre les deux bouts. Santé : 2ème priorité C'est l'un des secteurs qui accuse le plus de déficit en matière de qualité de service, d'équité et d'égalité d'accès ainsi que de confiance dans le système sanitaire. Il figure parmi les principales revendications des Marocains. Conscient des attentes de plus en plus pressantes, le gouvernement prévoit la mise en œuvre du Plan Santé 2025 qui vise à améliorer la qualité des services fournis, à mieux accueillir les patients dans les hôpitaux, à assurer les besoins en médicaments... Pour cela, le Chef du gouvernement appelle à corriger les dysfonctionnements dont souffre la mise en œuvre du programme Ramed et ce à partir de 2019. Il sera également question de revoir en profondeur le système national de santé. C'est une condition sine qua non pour réconcilier les Marocains avec le système. Protection sociale : 3ème priorité Là encore, le Maroc accuse un décalage énorme. Et pourtant, plusieurs programmes de soutien ont été lancés sans impact palpable en raison de la non-convergence et de la non-complémentarité entre les différents filets sociaux. Rappelons qu'environ 25 Mds de DH sont dépensés dans ces filets sociaux notamment : Ramed, Massar, bourses des étudiants, fonds de solidarité familiale (divorcées), celui d'aide aux veuves, caisse de Compensation... et qui restent insuffisants et ne répondent pas aux attentes pressantes de la population. Raison pour laquelle, le Chef du gouvernement a précisé que l'Exécutif veillera à revoir le schéma des programmes et des politiques nationaux relatifs à la protection sociale et à la mise en place rapide du registre social unifié. Une équation difficile à résoudre Pour 2019, le gouvernement prévoit une croissance de 3,2% en se basant sur un prix du baril à 68 dollars, une récolte céréalière de 70 millions de quintaux et une hausse des recettes de TVA de 3,7% (contre 3,3% en 2018). Alors pour réussir le pari social et maintenir la croissance, le Chef du gouvernement appelle les différents départements à prendre en considération, au moment d'élaborer leur budget, ces nouvelles orientations. Ils ont jusqu'au 31 août pour rendre leurs propositions. Il est question de mieux gérer les dépenses des employés notamment à travers la maitrise des prévisions budgétaires de chaque département et institution tout en respectant les plafonds fixés. Quant aux nouveaux postes budgétaires, ils doivent concerner uniquement les besoins les plus urgents visant à améliorer la qualité des services fournis aux citoyens. Le Chef du gouvernement appelle également les départements à rationaliser leurs dépenses de gestion. La balle est le dans le camp des départements qui doivent faire preuve de beaucoup de pragmatisme pour identifier les priorités et aller dans le sens de cette orientation sociale qui se veut indispensable pour garantir l'émergence du pays. Il faudra attendre le PLF 2019 pour voir comment cette prise de conscience sociale se traduira-t-elle en dispositions fiscales.