Alors que les regards restent tournés ailleurs, des ONG sahraouies ont levé le voile à Genève sur des exécutions extrajudiciaires commises dans les camps de Tindouf, pointant la responsabilité directe de l'armée algérienne. Face au Conseil des droits de l'homme (CDH) de l'ONU, elles appellent à briser le silence autour de ces crimes ignorés, perpétrés dans une zone grise où le droit semble suspendu. Cette initiative, menée en marge de la 59e session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, a rassemblé plusieurs acteurs, dont Abdelouahab Gain, représentant de l'Alliance des ONG sahraouies, et Pedro Ignacio Altamirano, écrivain espagnol et président de la Fondation Altamirano. Les deux intervenants ont remis une lettre ouverte officielle, adressée au Haut-Commissaire aux droits de l'homme, retraçant des cas de civils sahraouis non armés abattus froidement par des unités de l'armée algérienne, souvent dans des conditions opaques et sans aucune forme de procès. Stratégie de terreur et de contrôle Pour Abdelouahab Gain, ces actes ne sont ni isolés ni accidentels : ils s'inscrivent dans une logique de répression et de soumission des populations sahraouies retenues dans les camps. L'objectif serait clair : empêcher toute contestation vis-à-vis du Polisario, réprimer les velléités de fuite, et maintenir un climat de peur permanent. Plusieurs témoignages recueillis par les ONG indiquent que les victimes n'avaient manifesté ni résistance, ni provocation, au moment de leur exécution. À cela s'ajoute l'absence totale de mécanismes de justice ou de réparation pour les familles. Dans ces camps où l'Algérie délègue à une organisation armée non étatique une partie de sa souveraineté judiciaire, les auteurs de ces crimes bénéficient d'une impunité quasi totale. Une situation qui, selon les ONG, constitue une violation flagrante des engagements internationaux d'Alger, notamment en matière de protection des réfugiés et du droit à la vie. Enfants déplacés et endoctrinés L'autre point noir soulevé par Pedro Ignacio Altamirano concerne le programme « Vacances en paix », souvent présenté comme un effort humanitaire en faveur des enfants sahraouis. Ce programme, soutenu par certaines ONG espagnoles proches du polisario, est accusé d'être en réalité un outil de déplacement forcé, de lavage de cerveau et, dans certains cas, de préparation militaire. De jeunes mineurs seraient arrachés à leurs familles pour être envoyés à l'étranger, où ils sont soumis à une idéologisation intense, loin de tout cadre de protection juridique. Silence coupable de la communauté internationale Face à ces accusations documentées, les représentants du Haut-Commissariat ont exprimé leur reconnaissance pour la qualité des informations reçues. Ils ont insisté sur la nécessité de maintenir des canaux ouverts avec les ONG sahraouies pour continuer à documenter les abus commis dans les camps de Tindouf, ainsi que dans l'ensemble de la région nord-africaine. Mais pour les ONG, il ne suffit plus d'écouter. Il est temps que l'ONU et ses États membres fassent pression sur l'Algérie pour qu'elle assume pleinement ses responsabilités, mette fin à la délégation illégitime de sa souveraineté au Polisario, et permette la tenue d'enquêtes internationales indépendantes sur les exécutions sommaires et les autres violations. Elles appellent aussi à une refonte du modèle des camps, dans lequel les réfugiés pourraient bénéficier de leurs droits fondamentaux, notamment la liberté de circulation, l'accès à l'emploi légal, et la protection contre les abus, y compris pour les enfants. Ce nouveau dossier présenté à Genève confirme ce que nombre d'observateurs répètent depuis des années : les camps de Tindouf ne sont pas un espace humanitaire neutre, mais une enclave militarisée, instrumentalisée à des fins géopolitiques. Et l'Algérie, qui s'en réclame hôte humanitaire, ne peut plus se dérober derrière un silence diplomatique devenu complice.