Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a vivement critiqué la décision rendue par la Cour constitutionnelle au sujet de la loi de procédure civile, après que celle-ci a jugé plusieurs de ses dispositions contraires à la Constitution. Selon lui, la Cour aurait dû circonscrire son examen aux seuls articles faisant l'objet d'un litige, au lieu d'étendre son contrôle à d'autres dispositions. S'exprimant ce mardi lors d'une réunion de la Commission de la justice, en réponse à un amendement présenté par le groupe socialiste de l'opposition concernant le projet de loi organique n° 36.24 modifiant et complétant la loi organique n° 066.13 relative à la Cour constitutionnelle, Ouahbi a insisté sur le point de friction actuel. Celui-ci, a-t-il dit, repose sur une interrogation essentielle : « s'agit-il d'un recours ou d'un litige ? ». Le ministre a rappelé, dans ce contexte, que la Cour constitutionnelle ne statue que sur des questions faisant effectivement l'objet d'un litige. « La Cour n'a pas le droit de se prononcer sur des dispositions qui ne sont pas contestées », a-t-il affirmé. Ouahbi a expliqué que la saisine de la Cour au sujet de la loi de procédure civile signifiait nécessairement l'existence d'un litige. Pourtant, a-t-il regretté, « ils se sont mis à imaginer des griefs, à contester certaines dispositions et à en examiner d'autres, transformant ainsi la loi de procédure civile en un supermarché », selon sa formule. Abordant ensuite un amendement relatif à la récusation des membres de la Cour constitutionnelle, le ministre a précisé que le recours ne pouvait viser que les membres élus ou proposés par le Parlement, et non ceux qui sont nommés. « On ne peut contester une personne que si l'on a voté pour elle », a-t-il justifié. Le groupe socialiste, de son côté, a maintenu un amendement que le ministre a rejeté, portant sur le renouvellement des membres de la Cour constitutionnelle. Son président, Saïd Baaziz, s'est exprimé en faveur de celui-ci, rappelant que l'article 130 de la Constitution est explicite : le renouvellement d'un tiers des membres doit se faire tous les trois ans. Dès lors, affirmer qu'il faudrait prolonger le mandat d'un ou plusieurs membres pour assurer la continuité revient, selon lui, à ignorer que ce principe est déjà clairement inscrit et garanti dans la Constitution. Il a également souligné que la Constitution définit la durée du mandat à neuf ans, avec un renouvellement du premier tiers au bout de trois ans, du second au bout de six ans, et le maintien du dernier tiers pour une durée complète de neuf ans. Toute entorse à cette architecture, a-t-il averti, conduirait à accorder à certains membres un mandat supérieur à neuf ans. Baaziz a ensuite estimé que le gouvernement devait assumer la responsabilité d'une éventuelle révision des dispositions constitutionnelles. « Si le gouvernement souhaite modifier cette loi organique au profit d'une partie pour la soumettre à ses allégeances et orienter ses décisions, alors qu'il aille jusqu'à réviser la Constitution et y ajouter que la durée de neuf ans ne s'applique pas à certains membres », a-t-il déclaré. Réagissant enfin à d'autres amendements portant sur le même sujet, le ministre de la Justice a rappelé que le Maroc n'était pas précurseur en la matière : le Conseil constitutionnel français avait déjà engagé une réflexion similaire. Il a ajouté qu'il reviendrait plus en détail sur cette question lors de la séance plénière dédiée à l'adoption du projet de loi.