L'enquête au sujet du rôle de l'Etat dans le délit d'initié sur l'Affaire EADS risque de laisser impunis les dirigeants de l'époque. Thierry Breton, alors ministre des Finances, semblait être au courant, mais n'a rien fait pour empêcher la Caisse de dépôt de racheter les actions détenues par Lagardère. Les investigateurs français découvriront-ils le fin mot de l'histoire, dans l'affaire de délit d'initié à EADS, la compagnie aéronautique européenne pour la défense et l'espace ? Les dirigeants de la Caisse de dépôt et de consignation (CDC), se prononceront sur l'affaire devant le Commission des finances de l'Assemblée nationale pour répondre à des questions le mardi 9 octobre au sujet de leur rôle dans l'affaire, et devant le Commission des finances du Sénat le jour suivant. Le 11 octobre, une autre enquête interne commandée par Christine Lagarde, actuel ministre des Finances, doit rendre ses conclusions sur le rôle joué par le ministère dans l'affaire. Deux questions critiques sont à l'étude. Premièrement, En novembre 2005 et mars 2006, quand ils exerçaient leurs options d'achat d'actions, les dirigeants d'EADS, la maison mère d'Airbus, étaient-ils au courant des retards dans la construction de son nouveau super-paquebot, l'A380, lesquels retards n'ont été rendus publics qu'en juin 2006 et ont provoqué une chute de 26% dans le cours de l'action d'EADS ? Deuxièmement, l'Etat connaissaient-il également ces difficultés quand la Caisse de dépôt a aidé Lagardère, l'important groupe industriel, pour céder une partie de sa participation de 7,5% dans EADS en avril 2006 ? La semaine dernière il a été révélé que le gendarme du financier marché français avait remis des documents au sujet de son enquête en cours sur l'affaire au procureur français. La conclusion préliminaire, obtenue par le journal, Le Figaro, a montré que l'enquête focalisait sur le rôle de 21 directeurs, ce qui est de loin plus nombreux que ce que l'on pensait précédemment. Ils incluent les deux co-présidents d'alors, Noël Forgeard et Thomas Enders, et leurs deux Co-présidents, Manfred Bischoff et Arnaud Lagardère, qui est également le patron du groupe Lagardère. Bien qu'il ait affirmé à maintes reprises être innocent, M. Forgeard a démissionné en juillet 2006, et a perçu une golden parachute de 8,5 millions d'euros, soit 96 millions de dirhams. Maintenant l'attention se tourne vers le rôle joué par le gouvernement au moment de l'affaire. En novembre 2005, M. Lagardère et M. Bischoff, de DaimlerChrysler, ont dit à Thierry Breton, alors ministre des finances français, qu'ils voulaient chacun réduire leurs participations dans EADS, mais de différents montants. Un problème se posait alors, puisqu'il rompait le fragile et fin équilibre politique entre les actionnaires français et allemands dans le groupe. Les négociations ont été entamées entre les deux gouvernements sur la manière de résoudre le problème. En janvier 2006, selon Thierry Breton, il a reçu une note de l'Agence des participations publiques, recommandant que l'Etat réduise sa propre participation dans EADS car la compagnie entrerait dans bientôt «une zone de turbulence». M. Breton dit avoir décidé de ne pas suivre ce conseil, pour des raisons stratégiques. La semaine dernière, M. Breton, qui s'est rendu de nouveau à Paris à partir de son nouveau travail d'enseignement à Harvard pour être interrogé par la Commission de finances du sénat, a insisté sur le fait que cette note ne contenait aucune nouvelle information sur le retard de l'A380, mais s'est basée sur une évaluation indépendante de son cours action et sur les perspectives économiques. Le gouvernement, a-t-il ajouté, n'a joué aucun rôle dans le fait que la CDC a acheté une partie de la part du capital de Lagardère, acquisition faite en avril 2006. L'état lui-même, M. Breton rappelé, n'a jamais vendu aucune de ses propres parts dans l'EADS. Néanmoins, l'affaire semble cousue de fil blanc pour certains. La semaine dernière Philippe Marini, le rapporteur de la Commission des finances du Sénat, a affirmé qu'il a trouvé M. Breton « transparent » et « honnête » mais « pas convaincant» au sujet du rôle de l'Etat. François Chérèque, un leader syndical, était moins clément : « ou bien il ment, ou il est incompétent », il a déclaré. Les nouvelles révélations de la saga viennent à un moment politiquement difficile. Airbus subit un programme de restructuration, qui inclut la suppression de 10.000 emplois à travers l'Europe et la fermeture plusieurs usines. Et le Président Nicolas Sarkozy, qui a promis de récompenser le travail et le capitalisme "remoralisé", fait face au mécontentement populaire au sujet des salaires et du pouvoir d'achat. L'indignation au sujet du comportement supposé des dirigeants français ne nourrira qu'un sentiment général que les patrons sont non seulement surpayés, mais restent impunis face aux abus financiers. Cet article paraît à la même date dans la Gazette du Maroc et The Economist The Economist Newspaper Limited, London, 2007.