Initialement, le collège était destiné aux "enfants de notables" berbères, plutôt proches du Protectorat. ll est «progressivement conquis par les enfants issus de milieu social défavorisé», souligne l'historien, Daniel Rivet. Ces enfants intégreraient d'abord les écoles berbères les plus proches de leurs régions (Khémisset, Midelt, Aïn Leuh, Azrou...), avant de rejoindre le collège d'Azrou en tant qu'internes. Mais « Finalement, l'enseignement du collège, tout rudimentaire qu'il fut, ne manqua pas de cristalliser la conscience des élèves sur leur condition de colonisés et de les faire réagir contre la politique coloniale. S'opéra alors une métamorphose d'un milieu franco-tamazight, les N'Aït El collège, à un milieu arabo-tamazight, les N'Aït El Watan », dira Mohamed Benhlal. C'est ainsi qu'au lendemain de l'Indépendance, cette élite, formée au sein du collège berbère, va jouer un rôle essentiel dans l'évolution du système politique marocain. À la bibliothèque du lycée, on a, d'ailleurs, gardé soigneusement la liste des anciens élèves ayant marqué l'histoire du Maroc. À l'aube de l'Indépendance, ces "cadres" n'ont eu aucun mal à intégrer les structures administratives et politiques du nouvel Etat marocain. Les plus brillants avaient déjà fait carrière dans l'armée française, en s'illustrant dans les guerres coloniales : Mohammed Oufkir, Driss Ben Omar, Hammou ou Aqqa Zaïani... D'autres rejoindront l'administration : Hassan Zemmouri, Lahcen Lyoussi, Tahar ou Assou, Mohammed Chafik, Bouazza Ikken (à la Justice) … Le Colonel Ababou, Addi Ou Bihi, Driss Benaïssa, Mahjoubi Aherdane sont également issus de ce collège prestigieux. La liste de ces hommes formés à l'école de la république française qui se sont orientés vers le nationalisme s'enrichit également de noms tels que : Moulay Ahmed Zemmouri, signataire du Manifeste de l'Indépendance, Ballouk, Belhoucine, Azouggagh et autres figures emblématiques. Ils inversèrent le dessein des Français du Protectorat en prenant manifestement part au combat de libération. Mohamed Chafik, célèbre académicien, fut, pendant longtemps, directeur du collège royal de Rabat. Considéré comme le «père» du mouvement amazigh marocain, il eut son brevet au lycée d'Azrou. Il poursuivit ses études au lycée Moulay Youssef de Rabat. Il est aussi l'auteur du dictionnaire arabe-amazigh et d'une multitude de travaux sur l'amazighité. Le lycée Tarik Ibnou Zyad et ses étudiants ont donc joué un grand rôle contre le colonialisme français. Plus tard, la révolte et le militantisme politique des ses élèves ne se feront pas sans dégâts. Des centaines d'entre eux ont subi la torture des années de plomb. Certains, pour s'être révoltés politiquement, d'autres pour avoir simplement réclamé des classes chauffées en plein hiver.