Aziz Akhannouch représente Mohammed VI à la conférence de l'ONU sur le financement du développement    Procès El Mahdaoui: La Cour d'appel confirme le verdict de première instance    Le gouvernement examine le 3 juillet une réforme du Conseil national de la presse    Terrorisme : John Bolton tente de blanchir le Polisario après l'initiative de Joe Wilson    Genève : La DIDH participe aux travaux de la 59è session du Conseil des Droits de l'Homme    Production céréalière : vers une hausse de 41% pour la campagne 2024-2025    La RAM lance quatre nouvelles lignes depuis Casablanca    La BAD injecte plus de 300 millions d'euros pour dynamiser l'économie marocaine et renforcer sa résilience    Aviation : une ligne aérienne direct avec la Russie à l'étude    Bourse de Casablanca : clôture en territoire négatif    Le Premier ministre de la Palestine salue le soutien du roi Mohammed VI    Algérie : la dérive autoritaire franchit un nouveau cap avec la condamnation du journaliste français Christophe Gleizes    Le ministre chinois des Affaires étrangères en visite en Europe pour renforcer le dialogue stratégique avec l'Union européenne    Menacé de prison, Bolsonaro rêve encore de « changer le destin du Brésil »    #HakimiBallondOr    Fès : Le Prince Moulay Rachid préside la finale de la Coupe du Trône 2023-2024    CAN féminine Maroc-2024 : la CAF dévoile le nouveau trophée de la compétition le 2 juillet à Casablanca    Heatwave alert in Morocco : Chergui winds bring scorching temperatures up to 46°C    Smara se classe 6e au palmarès mondial des villes les plus chaudes    Population and Development : Morocco's experience highlighted in Geneva    Températures prévues pour le mardi 1er juillet 2025    Intoxications alimentaires : une alerte estivale devenue récurrente au Maroc    Pollution. Le Gabon interdit les sacs plastiques à usage unique    UNESCO : Essaouira ville hôte pour la Conférence des villes créatives en 2026    Trafic des biens culturels : Les mesures proactives et décisives prises par le Maroc    Jazzablanca 2025, a ten day jazz extravaganza in Casablanca    Mawazine 2025 : El Grande Toto électrise la scène OLM Souissi    Casablanca Music Week 2025: franc succès pour la première édition    Archéologie : le Maroc primé pour son passé pré-agricole    L'ICESCO mobilise les douanes contre le trafic illicite des biens culturels    Des vols directs renforcent le rapprochement sino-saoudien : une nouvelle passerelle entre Haikou et Djeddah ouvre la voie à une coopération culturelle et économique accrue    28e anniversaire du retour de Hong Kong dans la mère patrie : Entre intégration réussie et ouverture au monde    Des voix syriennes de plus en plus nombreuses appellent Damas à reconnaître la marocanité du Sahara et à classer le Polisario comme organisation terroriste    Un conseiller ministériel bangladais transportait un chargeur de pistolet dans ses bagages à destination du Maroc    Ces MRE et expatriés qui posent leurs valises au Maroc    Les prévisions du lundi 30 juin    Un général américain évoque un transfert des bases de Rota et Moron vers le Maroc    Pour le SG de l'ASEAN, SM le Roi a fait du Maroc un pays moderne et développé    Mondial des clubs : Inter-Fluminense, City-Al Hilal...les chocs de ce lundi    Oussama Idrissi dit stop à Pachuca    Sofiane Diop opéré : forfait pour la reprise avec l'OGC Nice    Samy Mmaee quittera Zagreb, sa destination presque actée    Indice IPPIEM : légère érosion des prix à la production manufacturière en mai, selon le HCP    Maroc : Sans le PJD, les membres du Congrès panarabe-islamiste soutiennent l'Iran    A finales de junio bajo 47°C: Marruecos golpeado por una ola de calor histórica    Dakhla : Acculés, les pro-Polisario poussent des mineurs à manifester    L'Olympic Safi remporte la Coupe du Trône aux dépens de la Renaissance de Berkane    Mawazine 2025 : ElGrande Toto pulvérise OLM Souissi    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Nos Juifs marocains, nos Marocains juifs
Publié dans La Vie éco le 03 - 12 - 2022

L'intellectuel et journaliste marocain Jamal Amiar a consacré deux ans à la rédaction d'un ouvrage édifiant sur ces liens multidimensionnels qui unissent le Maroc à ses citoyens juifs et, par delà, à la relation continue entre les deux Etats.
Début juin 1967. Les tensions accumulées depuis plusieurs mois entre Israël et ses voisins arabes finissent par déborder en guerre. Dans le chaudron de panarabisme des années 60, les opinions publiques arabes sont chauffées à blanc et, bien qu'éloigné du contexte géopolitique de l'époque, le Maroc n'est pas épargné par la grogne populaire. C'est dans ce contexte que l'Etat marocain déploie discrètement des soldats en civils dans des villes comme Séfrou, Essaouira et d'autres pour protéger les quelque 200 000 juifs marocains d'une éventuelle prise à partie de leurs concitoyens musulmans. De manière plus ostentatoire, des commerçants musulmans mobilisent leurs fils, cousins et amis et mettent en place des dispositifs de protection de leurs collègues hébraïques.
Juifs ? Marocains d'abord ! C'est cette ligne de conduite qui aura animé la position du Maroc au cours des 60 dernières années. C'est ce jeu d'équilibriste entre cause palestinienne et identité marocaine, réussi avec brio que décortique l'intellectuel et journaliste Jamal Amiar dans son livre* «Le Maroc, Israël et les Juifs marocains». Jeu d'équilibriste, car comme l'explique l'auteur : «Le Maroc a toujours été en pointe dans la défense de la cause palestinienne, mais sans renier ses citoyens marocains juifs, qui aujourd'hui vivent en Israël , d'où le paradoxe politique, en apparence».
En apparence seulement, quand on parcourt les 342 pages de ce livre, fort documenté et qui fourmille d'anecdotes croustillantes. Car entre le Maroc et ses juifs c'est une histoire de famille. Il faut savoir que l'établissement des juifs au Maroc remonte à 2000 ans et qu'à l'aube de son indépendance, le Maroc comptait encore quelque 300 000 juifs parmi ses citoyens. Si aujourd'hui, la population juive résidente au Maroc est réduite à quelque 3 000 personnes, il n'empêche que les Marocains juifs essaiment partout. En Israël bien entendu mais également dans de nombreux pays. Point commun entre ces personnes aux vies, horizons et parcours hétéroclites ? Un attachement au Maroc, que le message de tolérance véhiculé par le Royaume n'explique pas à lui seul. Il y a plus profond et plus dense. Pour ces juifs, le Maroc c'est la famille, ou, pour mieux en saisir la dimension sociétale : lfamila.
Au Maroc les juifs se sentaient libres de vivre en tant que juifs
Au fil des 21 chapitres que l'on dévore, on comprend mieux ce sentiment où l'on retrouve à la fois des relations cultuelles, culturelles, politiques mais également économiques. Ainsi l'on découvre qu'il existe au Maroc des saints qui sont à la fois visités par des musulmans et des juifs. Les deux communautés partagent également un large répertoire musical et des traditions sociétales communes. Le tout servi par une diplomatie active. Car s'il est une constante qui a grandement contribué à ancrer dans la mémoire collective des juifs, marocains, israéliens ou autres, c'est bien le rôle bienveillant joué par les Souverains marocains. Jamal Amiar y consacre une bonne partie de son ouvrage et parle par exemple de diplomatie de l'Alyah (émigration juive vers Israël). Le monde entier est au courant rôle joué par Mohammed V qui refusa de livrer les juifs du Maroc au régime de Vichy. Ce que l'on connaît moins c'est que le Maroc n'a jamais demandé à un de ses Marocains de confession hébraïque de partir en Israël et que ceux qui revenaient étaient accueillis à bras ouvert dans leur pays. Les déclarations répétées et les assurances fournies par les Rois du Maroc quant au caractère inviolable des droits des juifs marocains ont participé à la défense puis à la renaissance de la culture juive marocaine. Ce qui fait dire au journaliste californien David Suissa (cité dans l'ouvrage) dont la famille est originaire du Maroc : «Ceci est l'âme de leur attachement : au Maroc les juifs se sentaient libres de vivre en tant que juifs».
Quand Raymonde Al Bidaouia chante à la gloire de Hassan II à Washington
Cette family story se poursuit et s'intensifie avec le rôle joué par
Hassan II tout au long de son règne et qui, en même temps qu'il a déployé les moyens pour garder les liens des Marocains juifs avec leur pays, a également été l'artisan du rapprochement israélo-arabe. L'on découvre par exemple qu'Yitzhak Rabin se rend dans le plus grand secret à Marrakech en octobre 1976 pendant 4 jours pour préparer avec Hassan II le rapprochement avec l'Egypte qui allait déboucher sur le discours de Anouar el-Sadate à la Knesset en novembre 1977, puis les fameux accords de Camp David, deux ans plus tard. L'on retrouve encore Hassan II à l'œuvre dans le rapprochement israélo-palestinien avec la visite de Shimon Pérès à Ifrane en 1986, la Conférence de paix de Madrid en novembre 1991 où les accords de septembre 1993 à Oslo qui ont normalisé les relations entre entités. Fait à relever, à leur retour d'Oslo, Rabin et Pérès font escale à Rabat, se recueillent sur la tombe de Mohammed V et sont reçus ensuite par Hassan II. Lfamila, lfamila..., autre illustration de la force de ces liens (ne figurant pas dans l'ouvrage): en 1995, à Washington, lors d'un spectacle donné devant Benjamin Netanyahou et le vice-Président américain Al Gore, la star marocaine juive Raymonde Al Bidaouia reprend la fameuse chanson «Marrakech Ya Sidi» chantée par Hamid Zahir à la gloire de HassanII (NDRL à écouter absolument : https://youtu.be/f5K7K9mpkfk).
Autre anecdote parlante de cette volonté de Hassan II de maintenir les liens avec les Marocains juifs, en 1984, lors d'une conversation avec Dale Eickelman, (NDLR : professeur émérite au Dartmouth collège, USA) qui a préfacé l'ouvrage, l'ambassadeur du Maroc à Washington Maâti Jorio, expliquait à M. Eickelman que l'un de ses principales tâches consistait à «maintenir le contact avec les communautés juives marocaines»...
Années 2000, loin mais jamais lointaines...
La diplomatie de la médiation entamée par Hassan II perdurera et Mohammed VI s'inscrira dans la même continuité à la nuance près que la première décennie des années 2000 verra l'accroissement de tensions entre Israël et la Palestine avec les deux intifada. En dépit d'un gel des relations diplomatiques entre les deux pays, le bon sens perdure alimenté par un lien qui reste reste fort. Ainsi, en septembre 2003, le Roi Mohammed VI reçoit le chef de la diplomatie israélienne pour discuter de sécurité et de menace terroriste ; début 2006, Amir Peretz, le natif de Béjaâd, chef de l'opposition travailliste, est reçu en audience quelques semaines avant les législatives israéliennes du mois de mars. En 2010, en visite à Londres, le Souverain rappelle publiquement l'attachement et les liens unissant les Marocains juifs de la diaspora et le Maroc. Enfin, lors de la réforme de sa Constitution en 2011, le Maroc revendique entre autres composantes de son identité la dimension hébraïque. Il est le seul pays arabe à l'avoir fait et à oser le faire. Le Maroc s'assume sans complexe vis-à-vis de la question juive...
Contact jamais distendu
Les accords d'Abraham signés le 22 décembre 2020, fruits d'une volonté commune sont donc venus officialiser et intensifier un processus qui n'a jamais connu d'interruption. Car quand bien même les relations diplomatiques ont été rompues pendant près de 2 décennies, la coopération sécuritaire et économique a continué avec des rencontres officieuses et des échanges commerciaux transitant par Marseille et Barcelone. Le contact des Marocains juifs avec leur pays, lui, ne s'est jamais distendu, à l'image d'un Yariv Elbaz, dont les parents sont originaires de Béjaâd et qui a marié sa fille à Marrakech en décembre 2021 ou encore de Marc Lasry, milliardaire maroco-américain, membre du parti démocrate qui milite pour la cause marocaine au pays de l'Oncle SAM.
Aujourd'hui, «la vie juive a été remplacée par des contacts entre Marocains et Israéliens», juge Steve O'Hana, ex-Président du Conseil d'affaires liant les deux pays. Contacts économiques, politiques, culturels, ça fuse de partout et «il ne se passe pas un jour sans une actualité maroco-israélienne», mais la famila story n'est pas prête de s'éteindre. On gardera en mémoire cette image de Meir Ben Shabat, le Président du Conseil national de sécurité israélienne, reçu à Rabat en décembre 2020 et qui s'adresse au Souverain en disant «Allah ybarek fe3mer sidi, Allah ytawwel aamar sidi». Le khawa khawa existe donc... entre Marocains et juifs.
Voici pourquoi cet ouvrage, qui sortira au Maroc dans quelques jours et qui s'est classé en un peu moins d'une semaine en France en 2e position des livres les plus achetés sur le amazon.fr, vaut la peine d'être lu. Un travail d'historien, doublé d'un storytelling maîtrisé. Bravo l'artiste.
*«Le Maroc, Israël et les juifs marocains», éditions Bibliomonde, 342 pages. Disponible en librairies et en version numérique sur :
livremoi.ma, Amazon.fr, fnac.com
Hommes de l'ombre
Dans l'histoire des relations entre le Maroc et Israël un nombre considérable de Marocains juifs ont œuvré à la préservation des liens entre les deux pays. On ne saurait en parler sans citer André Azoulay, Conseiller Royal depuis 1991. Il y a également le grand rabbin David Pinto qui a joué un rôle clé dans le rétablissement des relations entre les deux pays. D'autres hommes d'affaires ou des personnages publics à l'image de Yariv Elbaz Steve O'hana, Marc Lasry, Robert Assaraf, David Amar ou encore Serge Berdugo, veillent à entretenir la flamme et l'esprit communautaire.
Ce qui pourrait affaiblir les relations Maroc-Israël
Dans le dernier chapitre de son livre Jamal Amiar évoque 7 facteurs politiques et diplomatiques qui pourraient affaiblir les relations étroites existant entre les deux pays, notamment en raison de leur impact sur l'opinion publique marocaine.
-Une guerre entre Israël et l'Iran si elle s'étend à d'autres pays arabes
-Une guerre à Gaza
-Une intifada
-Une impasse dans le processus de paix israélo-palestinien
-Le rang diplomatique traduit par l'absence d'ambassade mais seulement d'un bureau de liaison entre les deux pays, qui ne satisfait pas les Israéliens
-La restitution des biens culturels du patrimoine marocain juif
-L'opinion publique marocaine dont une partie est hostile envers l'Etat d'Israël.
*«Le Maroc, Israël et les juifs marocains», éditions Bibliomonde, 342 pages. Disponible en librairies et en version numérique sur : livremoi.ma, Amazon.fr, fnac.com.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.