«En fonction des résultats électoraux, les pouvoirs passent mais les intérêts de la France demeurent». Cette phrase que vient de prononcer le nouveau chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, lors de la passation de service avec son prédécesseur, Alain Juppé est lourde de sens. Surtout au Maroc où les premiers pas du nouveau président François Hollande et de son gouvernement sont passés à la loupe afin de déceler les signes de la position du nouveau régime à l'égard de Rabat. Il est vrai que sous Nicolas Sarkozy, les relations entre la France et le Maroc ont connu une dynamique sans précédent qui a consolidé la position de la France comme premier partenaire commercial du Maroc. C'est d'ailleurs ce qu'avait reconnu un des nouveaux hommes forts du gouvernement avant même l'investiture de François Hollande. «Les relations entre la France et le Maroc sont d'une telle profondeur, d'une telle intensité, d'une telle densité», avait en effet déclaré Pierre Moscovici, désormais à la tête du ministère des Finances, à l'issue d'une rencontre, le 9 mai dernier à Paris, avec Saâd -Eddine El Othmani. Le ministre marocain des Affaires étrangères, qui a eu l'initiative de jauger le terrain bien avant la composition du gouvernement et a pu ainsi se rassurer et surtout, établir les premiers contacts avec ses nouveaux interlocuteurs. Changement dans la continuité «Au-delà des changements politiques qui se sont produits de part et d'autre et qui sont majeurs, nous voulons rapprocher davantage encore nos deux sociétés », a ajouté Moscovici. Des propos qui confirment que rien ne changera dans les relations entre les deux pays, comme a tenu à le réitérer la première secrétaire du Parti socialiste français (PS), Martine Aubry, lors de son récent passage à Rabat. Cependant, au delà de cette position que justifient les intérêts communs, la nouvelle équipe gouvernementale française comprend des noms qui peuvent servir de relais pour plaider la cause Maroc au sein du nouvel Exécutif. La plus en vue, et la mieux placée, est certainement la nouvelle égérie «de la politique de la diversité», la franco-marocaine Najat Vallaud-Belkacem. La ministre des Droits de la femme et porte-parole du gouvernement a déjà fait ses preuves du temps où elle était membre du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME). Tout comme le nouveau chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, un fin connaisseur des enjeux régionaux et aussi du dossier marocain qui dispose, d'ailleurs, de beaucoup d'affinités avec des socialistes marocains. C'est le cas, également, pour le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, qui connaît assez bien le royaume, notamment Agadir où il a séjourné à plusieurs reprises. Il va sans dire que comme l'a promis Hollande, il serait difficile pour le Maroc de pouvoir garder la place qu'il occupait sous Sarkozy au niveau de l'Exécutif français, mais pas au point de remettre en cause l'état des relations entre les deux parties. La preuve, Martine Aubry est allée plus loin dans son soutien au Maroc, en affirmant clairement que le PS, dont elle dirige le secrétariat national, soutient la proposition d'autonomie proposée par le Maroc dans la résolution du dossier du Sahara. De quoi s'attendre à un changement dans la continuité dans les relations franco-marocaines, contrairement à ce que pensent certaines sources inquiètes, par exemple, de la présence d'Arnaud de Montebourg au sein du gouvernement. Ce dernier, adepte du concept de «démondialisation», occupe le très stratégique poste de ministre chargé du Redressement productif. Reste à la diplomatie marocaine de savoir utiliser ses réseaux pour garder la place qu'elle occupe, dans le sillage des nouvelles mutations géopolitiques en cours dans la région. Ces hommes et femmes sur lesquels le Maroc peut compter Najat Vallaud-Belkacem La nomination de cette native de Béni-Chiker a été bien accueillie au Maroc. Celle, qui dirige désormais le ministère des Droits de la femme et surtout aura la responsabilité de porte-voix du gouvernement, n'a en effet jamais coupé les liens avec son pays d'origine. La Franco-Marocaine, 34 ans, a d'ailleurs siégé, au Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) de 2007 à 2011. Pour cette simple raison, le gouvernement sait qu'il peut compter sur son réseau et sa présence au gouvernement dans toutes les questions qui intéresseront le Maroc. Même si elle ne sera pas «une nouvelle Rachida Dati», qui n'a jamais hésité à prendre position en faveur du Maroc à chaque fois que l'occasion s'était présentée, les Marocains attendent beaucoup de cette fille du pays, qui a pu «réussir ailleurs». Pierre Moscovoci Le nouveau ministre des Finances françaises figure parmi les hommes clés du nouveau régime. C'est d'ailleurs lui qui a tenu à établir le premier contact avec le gouvernement marocain. Le 9 mai dernier, quelques jours après les élections du 2nd tour qui ont consacré la victoire de Hollande à la présidentielle française, il a eu un entretien avec le ministre marocain des Affaires étrangères et de la coopération, Saâd-Eddine El Othmani. L'ancien directeur de campagne de François Hollande, qui a été chargé d'assurer la transition présidentielle a souligné, à cette occasion que «les relations entre la France et le Maroc sont d'une grande profondeur, d'une grande intensité et d'une grande densité». Pour annoncer le ton, il a ajouté qu'au-delà des changements politiques qui se sont produits de part et d'autre et qui sont majeurs, «nous voulons rapprocher davantage encore nos deux sociétés». Pour Othmani qui voulait jauger la position du nouveau régime à l'endroit du Maroc, c'est tout dire. Laurent Fabius À la tête de la diplomatie française, l'ancien Premier ministre français connaît assez bien le dossier marocain, ainsi que les enjeux régionaux. Il s'est, d'ailleurs, rendu au Maroc du temps où il était Premier ministre (1984-86). Son passage à plusieurs reprises au gouvernement, notamment en 2000, lui a permis de tisser des liens avec ses camarades socialistes de l'USFP. Ce réseau pourrait bien être utile au Maroc. L'énigme Jean-Marc Ayrault La nomination du député-maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, 62 ans, à la tête du premier gouvernement socialiste de l'ère Hollande, a soulevé des doutes au sein de l'opinion marocaine. En cause une lettre, qui a vite fait le tour de la Toile, datée de mars 2011 et dans laquelle le président du groupe PS à l'Assemblée nationale française avait affiché une position aux antipodes des intérêts marocains. Du coup, nombreux sont ceux qui s'inquiètent de voir la position de Paris sur ce dossier changer avec l'arrivée d'Ayrault. Une conclusion hâtive, puisque la première secrétaire du PS Martine Aubry a clairement exprimé le soutien de son parti à la proposition d'autonomie. Un message qu'elle a tenue à porter à la connaissance du souverain, à la veille des élections lors de sa visite au Maroc. Le nouveau Premier ministre est d'ailleurs un fin connaisseur du Maroc, puisqu'il a eu à travailler sur plusieurs dossiers relatifs au royaume et à la région, ayant fait partie de groupes parlementaires d'amitié avec nos pays. La ville qu'il dirige, Nantes, est en outre jumelée, depuis plusieurs années, avec celle d'Agadir, qu'il a visitée à plusieurs reprises. Il est, d'ailleurs, très lié au maire socialiste de la cité berbère, Kabajje.