Longtemps pénalisée par l'enclavement et la faiblesse des opportunités économiques locales, la région Nord-Est engage une transformation d'envergure. Soutenu par la Banque mondiale, le projet mobilise 250 millions de dollars pour améliorer la connectivité, renforcer la formation professionnelle et attirer les entreprises. Un changement de trajectoire assumé. Dans les provinces de Nador, Driouch, Al Hoceïma et jusqu'aux reliefs de Taounate et Taza, la géographie économique est en train de se redessiner. Le Projet de développement économique du Nord-Est, approuvé avec un financement de 250 millions de dollars, entend corriger durablement ce qui freinait la région. L'isolement routier, l'inadéquation entre formation et marché du travail, la dispersion des initiatives économiques et la difficulté à attirer l'investissement privé.Cette dynamique s'inscrit dans la continuité d'une vision nationale qui place la réduction des disparités territoriales et l'activation de nouveaux pôles économiques au cœur du modèle de croissance du Maroc. Le Nord-Est, longtemps perçu comme périphérique, pourrait devenir un espace pivot. Un projet pensé comme une charpente structurante du territoire L'essence du projet repose sur une logique d'intégration territoriale. Il ne s'agit pas de juxtaposer des chantiers, mais d'organiser des conditions durables de croissance. La stratégie prévoit d'abord l'élaboration d'une feuille de route d'investissement cohérente, centrée sur le corridor Nador Nador West Med. Ce corridor n'est pas un simple axe de circulation. Il est pensé comme un futur tronc logistique reliant le port en eaux profondes, les zones d'activité émergentes, les villes intérieures et les espaces ruraux qui s'ouvrent difficilement aux marchés. Dans cette logique, la route devient un instrument de transformation économique. Elle change le coût du transport, la rapidité des échanges, l'accès aux opportunités, donc les arbitrages d'implantation des entreprises. La transformation d'un territoire ne se mesure pas uniquement en kilomètres de routes ou en millions investis. Elle se mesure en trajectoires humaines. L'OFPPT modernise des centres à Nador, Taourirt, Berkane et Sidi Maafa afin de proposer des filières en adéquation avec les secteurs émergents. Mécatronique, froid industriel, logistique portuaire, technologies numériques. La région compte une jeunesse nombreuse, souvent peu visible dans les chaînes de valeur formelles. L'enjeu est de transformer une forte disponibilité de main-d'œuvre en avantage compétitif. L'infrastructure comme vecteur de basculement économique La composante la plus engageante financièrement porte sur l'amélioration de 250 kilomètres d'axes routiers structurants. Le dédoublement de la RN2 entre Nador et Driouch et la mise à niveau de la RN16 entre Nador West Med et Al Hoceïma créent une nouvelle dorsale de circulation. Ces routes relient le port aux centres urbains, les centres urbains aux zones industrielles, et les zones rurales aux marchés. L'enjeu est celui du désenclavement, mais il est aussi celui de la compétitivité. Un produit agricole, artisanal ou manufacturé n'a de valeur que s'il peut circuler. Au-delà des infrastructures, le Centre régional d'investissement de l'Oriental coordonne la construction d'un cadre d'accueil pensé pour les entreprises. Identification de foncier disponible. Simplification de procédures. Identification de chaînes de valeur orientées export. Dispositifs d'accompagnement et de veille économique. La région ne cherche pas seulement à attirer l'investissement, mais à orienter celui-ci selon une logique productive et durable. Ce projet marque un tournant. Le Nord-Est ne se contente plus de compenser ses fragilités. Il construit les conditions de son affirmation. Les routes en chantier, les centres de formation en modernisation et les travaux d'ingénierie territoriale témoignent d'une même ambition. Rendre la région visible, lisible, fluide et attractive. Une ambition qui ne produira ses effets que dans le temps long, mais qui s'écrit déjà dans le paysage. Nador West Med, colonne vertébrale de la transformation Situé sur la rive méditerranéenne, Nador West Med s'affirme comme l'un des piliers de la stratégie nationale de diversification des pôles portuaires. Conçu comme un complexe intégré, il comprend un port en eaux profondes, des zones logistiques, industrielles et de services, et des connexions destinées à irriguer l'intérieur du territoire. Sa vocation dépasse la seule activité maritime. Il est pensé comme un moteur de rééquilibrage économique, capable d'attirer des industries nouvelles, de générer des emplois qualifiés et d'ancrer les chaînes de valeur à l'échelle régionale. Le projet de développement économique du Nord-Est s'inscrit directement dans cette dynamique. Le dédoublement de la RN2 et la mise à niveau du corridor reliant le port à Al Hoceïma permettent de fluidifier les flux de marchandises, d'abaisser les coûts de transport et de relier les bassins de production à un marché plus vaste. Les industries ciblées dans les programmes de formation professionnelle, notamment dans la logistique, la mécatronique et les métiers industriels, ont été identifiées pour répondre aux besoins futurs induits par le port. Nador West Med devient ainsi non seulement un point d'entrée maritime, mais aussi un point d'ancrage économique. Il structure la stratégie de diversification du territoire, renforce sa lisibilité auprès des investisseurs et permet de donner une formulation concrète à un objectif longtemps souhaité. Faire du Nord-Est un espace de production, d'innovation et d'exportation. Faiza Rhoul / Les Inspirations ECO