Président de la fondation GGSF et animateur du podcast «The strategic mindset» À la suite du vote historique du Conseil de sécurité des Nations unies consacrant le plan d'autonomie marocain comme base exclusive de règlement du différend du Sahara, l'expert Ali Moutaïb décrypte la portée politique et diplomatique de cette résolution. Dans cet entretien, il revient sur les coulisses du vote, l'évolution du rapport de forces au sein du Conseil et les perspectives d'une paix régionale durable entre le Maroc et l'Algérie. Quelle lecture faites-vousdu résultat du vote à l'ONU concernant le Sahara marocain ? C'est un vote historique, car pour la première fois au sein du Conseil de sécurité, la résolution reconnaît le plan d'autonomie marocain comme la base de la solution au conflit du Sahara, c'est-à-dire comme la base de négociation, excluant l'organisation d'un référendum, comme demandé par le Polisario et surtout par l'Algérie. Les contours du langage diplomatique impliquent que l'Algérie est définitivement partie prenante. Cette orientation reflète également la position de la diplomatie américaine, qui appelle désormais Alger à s'engager directement dans un processus de paix avec Rabat. La résolution vient ainsi couronner un travail patient et méthodique conduit depuis des années par l'ensemble de l'appareil étatique marocain, en particulier sa diplomatie. Il faut rappeler le chemin parcouru. Il y a une dizaine d'années, le Maroc faisait face à des tentatives, sous l'ère du secrétaire général Ban Ki-moon, d'imposer une résolution favorable au Polisario, centrée exclusivement sur l'organisation d'un référendum et sur l'élargissement du mandat de la MINURSO à la surveillance des droits de l'homme. Cette démarche avait finalement échoué, mais le Royaume se trouvait alors dans une position diplomatique fragile. Depuis, un important travail de fond a été mené pour redéfinir les équilibres et consolider le soutien international. Le tournant décisif est intervenu avec la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur son Sahara et de son plan d'autonomie comme seule base réaliste pour résoudre le différend. Le retour de l'administration Trump a redonné un nouvel élan à cette dynamique. Soutenue par un réseau d'alliances renforcées – de l'Espagne à la France, des pays de l'Union européenne à ceux d'Afrique et du monde arabe –, la position marocaine s'est imposée comme une référence diplomatique majeure, scellant ainsi une victoire politique et symbolique d'envergure. Le soutien ou l'opposition de certains pays vous a-t-il surpris ? C'est une victoire diplomatique majeure pour le Maroc. La résolution a été adoptée par onze voix pour et trois abstentions, confirmant un large soutien au plan d'autonomie marocain. La Russie et la Chine, qui s'étaient déjà abstenues lors des deux précédents votes, ont maintenu cette fois encore une position de neutralité qualifiée de «positive». L'hypothèse d'un veto russe, un temps évoquée, ne s'est finalement pas matérialisée, à la faveur de récents échanges entre les diplomaties marocaine et russe. Le Maroc a su préserver un équilibre mesuré dans ses relations avec les grandes puissances, y compris Moscou. Le premier projet de résolution présenté par les Etats-Unis avait fait l'objet de plusieurs ajustements, essentiellement sous l'impulsion de la Russie, plus soucieuse de rééquilibrer le texte face à Washington que de soutenir les thèses du Polisario. Malgré ces nuances, le texte final adopté s'avère largement favorable au Maroc, confirmant la reconnaissance internationale du plan d'autonomie comme fondement réaliste et durable de la solution. Quelques abstentions ont toutefois attiré l'attention, notamment celle du Pakistan, probablement motivée par la volonté de ménager l'Algérie. À l'inverse, la Slovénie, traditionnellement proche d'Alger en raison d'un partenariat gazier, a voté en faveur de la résolution. Ce ralliement inattendu témoigne de l'efficacité du travail diplomatique mené par le Royaume et de sa capacité à consolider de nouveaux appuis au sein du Conseil de sécurité. À chaud, quelles implications géopolitiques ce vote pourrait-il avoir pour le Maroc et ses relations internationales ? Ce vote vient nous libérer et conclure un long processus. Il reste encore, espérons-le, à concrétiser la démarche initiée par les Etats-Unis, qui travaillent à établir un accord de paix et d'intermédiation entre le Maroc et l'Algérie sous soixante jours. On verra ce que cela donnera, dans la perspective d'un véritable rééquilibrage et d'une paix régionale durable. Dans cette perspective, le discours du Roi Mohammed VI a réaffirmé la main tendue du Maroc à l'Algérie et appelé à une réconciliation totale. Le Souverain a rappelé que le voisin de l'Est demeure la principale partie prenante du différend et a plaidé pour le retour des réfugiés marocains des camps de Tindouf à la mère patrie, dans un esprit d'unité nationale. Sur le plan géopolitique, le Royaume consolide plus que jamais sa position d'acteur central dans la région. Il s'est imposé grâce à une stratégie fondée sur la stabilité, la fiabilité et l'attractivité économique. Comme l'a souligné le discours royal, le pays a su instaurer un climat propice aux investissements, tout en se distinguant par sa constance politique et sa solidité institutionnelle. Ces atouts ont permis au Maroc de s'affirmer comme une puissance régionale moyenne, mais incontournable, dans la construction de la paix et de l'équilibre géostratégique au Maghreb et au-delà. Les grandes puissances – des Etats-Unis à la Chine, en passant par la Russie – reconnaissent désormais dans le Royaume un partenaire crédible, un facteur de stabilité et un acteur stratégique sur lequel elles peuvent compter. Sanae Raqui / Les Inspirations ECO