Dans une note publiée après la résolution 2797 du Conseil de sécurité, le chercheur Jamal Machrouh appelle le Maroc à préparer minutieusement la phase décisive des négociations autour du statut d'autonomie du Sahara. Sept recommandations structurent sa réflexion pour consolider la position du Royaume dans cette nouvelle ère diplomatique. «Désormais, il y aura un avant et un après 31 octobre 2025». Cette phrase du Roi Mohammed VI, prononcée au soir de l'adoption de la résolution 2797 du Conseil de sécurité, marque un basculement historique. En consacrant le plan marocain d'autonomie comme base exclusive des négociations, la communauté internationale a scellé une nouvelle étape dans le traitement du différend. Mais pour Jamal Machrouh, Senior Fellow au Policy Center for the New South, ce moment de reconnaissance ne doit pas conduire à l'euphorie. Il y voit à la fois «une raison profonde de satisfaction et une invitation à la vigilance». Le chercheur rappelle que la résolution du Conseil de sécurité «représente un commencement de la fin de l'affaire du Sahara et non pas la consécration de sa résolution définitive». L'enjeu pour le Maroc consiste désormais à négocier les paramètres et les contours du texte final, dans ce qu'il qualifie de «véritable bataille politico-juridique où la performance diplomatique doit aller de pair avec l'expertise juridique et l'ingénierie rédactionnelle». Clarifier, calibrer et harmoniser la proposition marocaine Au cœur de sa réflexion, Jamal Machrouh plaide pour que la future proposition d'autonomie soit perçue non comme un minimum de concessions, mais comme un tout cohérent et équilibré. «L'Initiative marocaine d'autonomie ne devrait pas être considérée comme un minimum d'avantages accordés d'emblée», écrit-il, soulignant que tout déséquilibre reviendrait à violer le principe de bonne foi qui guide les négociations. Le texte, insiste-t-il, doit préserver son esprit global, sans se prêter à de nouvelles concessions à mesure que le dialogue avance. Cette vigilance s'étend à la définition même du concept d' «autonomie véritable», notion qu'il juge glissante et susceptible d'interprétations excessives. Il prévient contre toute importation de modèles étrangers d'autonomie «géographiquement éloignés ou incompatibles avec les spécificités du droit positif marocain». Pour lui, les standards internationaux peuvent servir de repères, mais ne constituent en rien des obligations. Chaque schéma d'autonomie, dit-il, «est le fruit d'un processus singulier qui s'applique à un espace donné dans un contexte temporel particulier». Le chercheur consacre également une attention particulière à la consultation référendaire prévue par le texte marocain de 2007. Celle-ci, précise-t-il, ne saurait être comprise comme un retour au référendum d'autodétermination, mais comme une validation politique du texte d'autonomie. «La question qui pourrait être posée ne portera nullement sur celle de l'indépendance mais uniquement sur le texte négocié et arrêté par les parties», souligne-t-il, tout en laissant ouverte la possibilité d'une approbation par des représentations locales plutôt qu'un vote général. Dans cette architecture en devenir, la place de l'Algérie reste à calibrer. Jamal Machrouh note que le Conseil de sécurité reconnaît désormais la nature régionale du différend et nomme explicitement Alger comme partie prenante. Mais il invite à ajuster son rôle selon les phases du processus. Si l'Algérie doit être associée aux négociations initiales, son implication «devrait être réduite durant la phase transitoire et celle de la mise en œuvre». Progressivement, son statut pourrait «glisser de celui de partie au différend à celui de facilitateur, avant de cadrer naturellement avec celui d'un Etat tiers tenu par l'obligation de non-immixtion». Enfin, la réussite du texte final dépendra aussi de sa compatibilité avec le droit national. Machrouh rappelle que depuis la première proposition d'autonomie en 2007, la Constitution de 2011 et la loi organique sur les régions de 2015 ont profondément redéfini le cadre institutionnel du Maroc. D'où la nécessité «d'harmoniser la proposition d'autonomie avec les normes constitutionnelles et administratives du Royaume» afin de garantir la cohérence de l'ensemble du corpus juridique national. Un équilibre entre intégrité territoriale et unité nationale La réflexion s'achève sur une idée forte : l'unité nationale doit accompagner l'intégrité territoriale. Le chercheur estime que «le principe de l'unité nationale devrait constituer le corollaire indispensable du principe de l'intégrité territoriale». En d'autres termes, protéger le territoire ne suffit pas ; il faut aussi protéger la cohésion du peuple marocain face aux tentatives de fragmentation. «Après leur échec à diviser le Maroc par la séparation de son territoire, certains pourraient être tentés de le diviser par la segmentation de son peuple», avertit-il. Pour Machrouh, cette articulation entre unité et intégrité trouve d'ailleurs son fondement dans la Constitution de 2011 et dans le discours royal du 31 octobre 2025, où les deux notions apparaissent dans la même ligne. «Tout autant que le territoire, la nation est une et indivisible», conclut-il, traçant ainsi les contours d'une autonomie pensée non comme un compromis, mais comme une affirmation souveraine. Faiza Rhoul / Les Inspirations ECO