Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
Loi 10-20 relative aux matériels et équipements de défense et de sécurité, aux armes et aux munitions : vers un encadrement juridique stratégique de l'industrie de défense au Maroc
Managing Partner Westfield Morocco Par l'adoption de la loi n° 10-20, le Maroc s'est doté d'un cadre juridique novateur visant à encadrer les activités sensibles relatives à l'industrie de défense. Ce texte marque un tournant stratégique en autorisant, sous conditions strictes, l'intervention d'opérateurs privés dans un secteur historiquement réservé aux institutions étatiques. Décryptage du champ d'application et du régime de contrôle mis en place. Un champ d'application strictement encadré La loi n° 10-20 s'applique aux activités de fabrication, de commerce, d'importation, d'exportation, de transport, de transit et de transbordement de matériels et équipements de défense et de sécurité. Elle introduit une classification tripartite des équipements en trois catégories (A, B et C), dont les listes, évolutives, sont annexées au décret d'application. Ces catégories couvrent les armes, munitions et matériels militaires, mais excluent expressément les armes de destruction massive (nucléaires, bactériologiques, chimiques et radiologiques), en cohérence avec les engagements internationaux du Royaume. La détention ou l'usage de ces matériels est prohibée pour les personnes physiques et morales, sauf dérogation expressément accordée par l'Administration de la défense nationale (ADN). Seules les Forces armées royales (FAR) et les services de sécurité intérieure sont autorisés de plein droit à mener ces activités, dans le cadre de leur réglementation propre. Pour les opérateurs privés, l'accès au secteur repose sur un régime d'autorisations strictement encadré, conditionné par le respect de cahiers des charges exigeants, et susceptible d'être refusé pour des motifs tenant à l'ordre public et à la sécurité nationale. Un régime de contrôle articulé autour de quatre leviers 1. La fabrication Toute activité de fabrication de matériel de défense est soumise à une autorisation préalable délivrée par l'ADN après avis de la Commission nationale des matériels et équipements de défense et de sécurité. Ce régime est réservé aux sociétés commerciales de droit marocain et aux établissements publics. L'autorisation couvre un champ étendu incluant l'assemblage, la transformation, la réparation, la modernisation et la destruction de matériels. Les titulaires doivent se conformer à des obligations strictes de traçabilité, de stockage, de sécurité, de reporting et de conservation documentaire. 2. L'importation et l'exportation Ces activités sont également soumises à autorisation, exclusivement accessible aux fabricants agréés. La loi étend la notion d'exportation au transfert de savoir-faire, technologies, brevets ou informations techniques sensibles. Les procédures sont minutieusement encadrées : obtention d'une autorisation avant la signature du contrat, clause de suspension à défaut, engagement de l'utilisateur final de ne pas réexporter le matériel, et possibilité de limiter contractuellement l'usage du matériel exporté. Ces mesures visent à garantir la maîtrise du cycle de vie des produits stratégiques, même à l'international. 3. Le commerce national Le commerce de matériels de défense au sein du territoire marocain est prohibé par principe. Toutefois, les fabricants agréés peuvent, par dérogation, vendre leurs produits à certains destinataires précis : les Forces armées royales (catégories A, B et C), les forces de sécurité intérieure (catégories B et C), les autres fabricants agréés, et les armuriers autorisés pour la seule catégorie C. Cette approche vise à éviter toute forme de courtage incontrôlé et à préserver une traçabilité rigoureuse des équipements en circulation. 4. Le transport Le transport de matériels classés est soumis à une autorisation distincte, délivrée par le ministère de l'Intérieur, et exclusivement réservée aux titulaires d'une autorisation de fabrication. La réglementation encadre le transport selon des itinéraires définis et impose des mesures de sécurité drastiques : désactivation temporaire des armes, conditionnement sécurisé, séparation des armes et des munitions, escorte armée, véhicules adaptés, etc. L'objectif est d'anticiper tout risque en matière de sécurité publique. Un texte fondateur à fort enjeu stratégique La loi n° 10-20 se distingue par la rigueur de son dispositif juridique, traduisant la volonté du Royaume de bâtir une industrie de défense nationale conforme aux standards internationaux les plus exigeants. En s'appuyant sur des mécanismes de contrôle robustes et une centralisation des autorisations par l'ADN, le Maroc cherche à attirer des investissements industriels tout en conservant une maîtrise souveraine sur les flux de matériel sensible. Au-delà de l'encadrement sécuritaire, cette réforme vise aussi à structurer un véritable écosystème industriel national, dans une logique de souveraineté technologique et d'indépendance stratégique. Elle s'inscrit dans une dynamique plus large de montée en puissance du complexe de défense marocain, en cohérence avec la révision de la doctrine d'achat militaire du pays, davantage tournée vers la coproduction et le transfert de technologie.