Principalement porté par la montée des tensions géopolitiques, l'affaiblissement du dollar et les anticipations de baisse des taux américains, l'or enchaîne les records et s'impose plus que jamais comme la valeur refuge de référence. Dans un contexte de fébrilité des marchés financiers et d'incertitudes sur la trajectoire de l'économie mondiale, la flambée du métal jaune pourrait davantage s'affirmer, entraînant l'argent dans son sillage. Les métaux précieux poursuivent leur ascension spectaculaire, portés par un environnement économique et géopolitique de plus en plus incertain. Après avoir déjà inscrit un record en octobre dernier, l'or a franchi un nouveau seuil historique en dépassant les 4.400 dollars l'once, affichant une progression de plus de 67% depuis le début de l'année. Dans son sillage, l'argent s'est également illustré en franchissant la barre symbolique des 67 dollars l'once, un plus-haut historique, avec une valeur quasiment doublée en l'espace de quelques mois. Cette flambée reflète un regain marqué de l'appétit des investisseurs pour les valeurs refuges, dans un contexte mondial caractérisé par les tensions géopolitiques, la guerre commerciale menée par les Etats-Unis et une perte progressive de confiance dans le dollar. En effet, depuis la fin octobre, les marchés boursiers évoluent dans une forte fébrilité. Les principaux indices alternent phases de repli et rebonds techniques, sans parvenir à dégager une trajectoire de croissance durable. Cette absence de visibilité renforce l'attrait pour l'or, actif refuge par excellence. Pour rappel, l'épopée du métal jaune s'est amorcée à l'été 2020, lorsqu'il franchissait pour la première fois le seuil des 2.000 dollars l'once. Depuis, la dynamique ne s'est jamais véritablement essoufflée. Après une année 2024 exceptionnelle, clôturée sur un bond de 24%, l'or a poursuivi sa trajectoire ascendante en 2025. En mars, il atteignait les 3.000 dollars l'once, avant d'exploser à l'automne au-dessus des 4.000 dollars. Politique monétaire américaine, le catalyseur majeur Selon Abdessalam Kabli, analyste financier, cette envolée s'inscrit dans un contexte macroéconomique particulier. D'un côté, la Bourse de New York affiche une hausse d'environ 15% depuis le début de l'année, largement portée par les valeurs liées à l'intelligence artificielle et aux nouvelles technologies. Mais cette performance masque des fragilités structurelles. Nombre d'entreprises du secteur ont financé leurs investissements massifs par l'endettement, en pariant sur une baisse prochaine des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine (Fed). Or, plusieurs indicateurs récents sont venus troubler ce scénario. Les dernières données publiées par les agences de statistiques, notamment celles relatives à l'emploi non agricole, font état d'un ralentissement des créations d'emplois, nourrissant des inquiétudes quant à la solidité de l'économie américaine. Dans le même temps, l'inflation persiste. L'indice des prix à la consommation (PCE) évolue toujours autour de 3%, alimenté par la vigueur de la demande intérieure et les mesures tarifaires. «La Fed se retrouve ainsi tiraillée entre deux impératifs contradictoires, soutenir un marché du travail en perte de vitesse tout en maîtrisant une inflation qui refuse de refluer», souligne Kabli. Toutefois, ces décisions demeurent favorable à l'or. Les opérateurs anticipent au moins deux baisses des taux directeurs en 2026, voire un retour vers un niveau proche de 3%. Dans un tel environnement, les rendements obligataires devraient reculer, renforçant mécaniquement l'attrait des actifs non rémunérés comme l'or. Par ailleurs, la faiblesse du dollar constitue un autre facteur de soutien. Depuis le début de l'année, l'indice du dollar (DXY), qui mesure sa valeur face à un panier de devises, affiche un recul d'environ 9%. Or, les matières premières étant libellées en dollars, leur prix tend à augmenter lorsque la devise américaine se déprécie. Face à ces incertitudes, les investisseurs se replient également sur d'autres valeurs refuges, comme le yen japonais, poussant la Banque du Japon à relever ses taux et à brandir la menace d'interventions sur le marché des changes. Quelles perspectives à moyen terme ? Au-delà des investisseurs privés, les banques centrales jouent un rôle crucial dans la dynamique actuelle. Ces dernières années, elles ont considérablement renforcé leurs réserves en or afin de diversifier leurs actifs et réduire leur dépendance au dollar. Cependant, l'analyste financier indique que l'évolution des résultats des grandes entreprises technologiques constituera également un indicateur clé. Une déception sur les performances de certains poids lourds de l'intelligence artificielle pourrait accentuer les flux vers l'or. À l'inverse, une confirmation de leur solidité financière pourrait temporairement rediriger les capitaux vers les actifs risqués. Sur le plan local, l'impact de cette flambée reste mesuré. La réglementation limite les investissements des opérateurs marocains dans les actifs libellés en devises étrangères, y compris l'or. Les investisseurs institutionnels locaux demeurent donc moins exposés aux mouvements internationaux que leurs homologues étrangers. Néanmoins, le secteur minier coté en Bourse mérite une attention particulière. Le focus est principalement mis sur les introductions en bourse. Au final, à moyen terme, la trajectoire des métaux précieux pourrait continuer à soutenir les performances des acteurs miniers, dans un contexte mondial où l'incertitude reste la norme. Maryem Ouazzani / Les Inspirations ECO