Promis, juré, c'est mon dernier billet sur le Salon du livre. C'est vrai, j'en ai trop tartiné, à l'instar de tous ceux qui y sont passés. Qu'est ce que ça a papoté ! Je savais que les «littérateurs» étaient des bavards, mais là, ça a dépassé toutes les limites du son. C'est à celui qui fera le plus de bruit. Il faut reconnaître que s'il y a eu un seul principe de respecté, c'est celui de la réciprocité. Tu me mousses, je te pousse, tu m'élèves, je te soulève, tu m'auréoles, je te couronne. Ce qui est drôle, c'est que personne ne semblait outré par tant d'éloges panégyriques et dithyrambiques diarrhéiques. Personne n'a rougi, ni les donneurs, ni les récipiendaires. Bien au contraire... Les uns signaient, les autres persistaient. En tout cas, ce n'est pas de ça que je voulais vous parler aujourd'hui, mais de choses, pardon, de personnes autrement plus intéressantes. Comme tout voyeur qui se respecte, je suis allé jeter un dernier coup d'œil au Salon, histoire de voir, et surtout d'être vu. Il paraît qu'être vu au salon, surtout plusieurs fois, c'est plutôt bien vu. Bien entendu, si vous vous baladez chaque jour dans les couloirs du salon, il faut que vous ayez un prétexte valable. Moi, j'avais une bonne raison d'y être, mais ma modestie légendaire m'empêche de vous la répéter (Si vous ne vous en souvenez pas, vous n'avez qu'à retourner à tous les derniers numéros de cet illustre journal pour vous rafraîchir la mémoire). D'autre part, si vous n'êtes pas de la partie, vous avez également une autre manière de justifier votre présence redondante, c'est la méthode dite des «sacs pleins». Elle est simple ; acheter le maximum de bouquins, de toutes sortes, qu'importe, l'important c'est que vous en ayez plein les bras. Même si elle est un peu onéreuse, elle a plusieurs mérites. D'abord, ça vous évite de vous arrêter pour saluer n'importe qui. Vous hochez juste la tête en esquissant un sourire hautain, signifiant que vous les avez vus, mais que vous n'avez pas que ça à faire. Et l'affaire est dans le sac ! Et d'un. De deux, vous devenez aux yeux de tous un érudit connu et un lettré reconnu, même si vos sacs ne sont remplis que de prospectus ou d'illustrés pour vos bambins. Et il y a, enfin, ceux qui viennent au Salon pour prendre un bain. Un bain de foule s'entend. Justement, ce dimanche, j'ai fait le plein de célébrités. Il y a eu d'abord mes deux amis ministres, cool et éloquents, l'un tout jeune et tout sportif, et le second ne manquant pas de culture. Et alors que nous les écoutions religieusement, le grand troubadour de Mogador, tout chic et tout souriant, fit son entrée, resta avec nous quelques moments, mais a dû nous quitter, car appelé lui-même à officier juste au-dessus de nous. Moins de cinq minutes plus tard, c'est quasiment toute l'équipe dirigeante de Super Tractor qui fit une entrée triomphale dans la salle exiguë. Quelques accolades et embrassades plus tard, tout ce beau monde s'installa avec nous, juste à côté de nous. À ce propos, et par souci de transparence – d'ailleurs, je ne peux pas le cacher car tout le monde m'a vu – j'ai non seulement serré la pince à M. le Président de la Chambre des conseillers, mais j'ai même, à la joie des photographes, échangé quelques mots très courtois avec son illustre mentor – si, si, je vous assure que c'est vrai - et dont je garderai la teneur et la primeur au meilleur offrant. Blague à part, je trouve ça, sincèrement, moderne, voire avant-gardiste. Que des hommes politiques viennent se frotter au peuple, de surcroît, dans un temple du savoir, fût-il provisoire, c'est un geste plutôt sympa et qui peut sans doute s'avérer utile le moment venu. Alors, juste un dernier mot : bravo !