La culture, à quoi ça sert ? C'est la question à laquelle a tenté de répondre l'écrivain Driss Ksikes lors de la première conférence du cycle des mercredis de l'association Racines. Dans la liste de ses propositions, Driss Ksikes suggère aux acteurs associatifs de gérer les centres culturels. Les détails. Lancer cent offres publiques d'achat (OPA) sur les complexes culturels au Maroc, c'est ce que propose l'écrivain Driss Ksikes lors d'une conférence mercredi 5 janvier à la Fabrique culturelle des anciens abattoirs de Casablanca. Ce dramaturge a joué le jeu édicté par l'association Racines. «Une critique doit être suivie d'une proposition», souligne Adil Essaâdani, le président de cette association fraîchement créée. Driss Ksikes a bien compris le principe. Invité à animer la première rencontre du cycle des mercredis de Racines, il a tenté de répondre à la question : à quoi sert la culture ? Pour cela, cet intervenant a jugé bon de se baser sur trois préalables. Il a ainsi fait référence à la pensée de Gilles Deleuze, Bruno La Tour et Fréderic Janssen. «Il ne s'agit pas de réinventer la roue, pour cela je ferais tout d'abord référence à trois intellectuels qui ont beaucoup réfléchi et écrit sur la culture», justifie le conférencier. Le public venu nombreux à cette conférence apprendra entre autres que Gilles Deleuze a toujours défendu le fait que la culture n'est pas une préfiguration d'un produit naturel mais une construction de ce qui advient. «Avec Gilles Deleuze, nous sommes passés de l'esthétique du miroir rassurant à l'éthique du peuple déstabilisant», déclare Driss Ksikes avant de poursuivre : «Cela nous sort du concept de la vérité, de la morale et de la croyance et cela nous projette dans la pluralité partageable». Driss Ksikes a voulu à travers son intervention -et comme il l'a lui-même déclaré- chambouler les prérequis et combattre le prêt-à-penser. «Beaucoup posent cette fameuse question : pourquoi la culture quand le strict minimum n'est pas assuré ? Moi, je dis que la culture est notre strict minimum». En se basant toujours sur ses propres références, il relève le fait que la culture est toujours considérée comme une fin en soi : «Pourquoi la culture ne serait-elle pas un moyen vers quelque chose ?». L'écrivain dira que l'enjeu est plus gros. «La culture est un lieu de construction et de mobilisation des capitaux, la culture est génératrice de sens et de richesse». Pour argumenter, il se réfère à d'autres pays dont la Corée. «En Corée du Sud, le décollage économique est venu grâce à la culture du travail, la culture de l'effort. C'est donc le culturel qui a produit des résultats économiques». Driss Ksikes n'oublie d'évoquer le cas du Maroc. Là commencent les critiques avant les propositions. «Il y a trois décalages au Maroc. D'abord, le manque d'utilisation des infrastructures culturelles. Il y a des espaces mais ils ne sont pas utilisés» souligne-t-il. Driss Ksikes regrette également le fait que la culture soit greffée au tourisme. «La culture a normalement un objectif d'extraction et non pas d'attraction, cela doit être un rapport avec soi et non pas avec les autres». Enfin, pour Driss Ksikes, les festivals qui sont organisés ne doivent pas être vus comme une sorte de fin en soi. L'écrivain a proposé aux acteurs associatifs de s'occuper des centres culturels et ne pas attendre l'intervention de l'Etat. Driss Ksikes propose également d'instaurer la théorie du relais. «Il faut arrêter de faire les choses de manière cloisonnée».