Ambitieux, le programme du gouvernement, que le chef de l'Exécutif présente ce jeudi devant le Parlement, se veut également réaliste. S'il promet bien des avancées, il omet certaines des principales promesses du PJD, à commencer par le Smig à 3000 DH. Un taux de croissance de 5,5% ! A lui seul ce chiffre nous renseigne sur les grandes ambitions du gouvernement PJD qui ne riment malheureusement pas avec le contexte économique actuel. Autre promesse de taille, il est prévu également de contenir le taux d'inflation à un niveau inférieur ou égal de 2%, de porter à terme le déficit budgétaire à son taux classique de 3%. Sans oublier l'objectif de réduire le taux de chômage à 8% en créant ainsi et progressivement entre 150.000 et 200.000 postes d'emploi annuellement. Le gouvernement parle également de réduire le déficit en logement à 400.000 unités au lieu de plus de 1,5 million aujourd'hui. Il faut dire que Benkirane place la barre très haut. Un peu trop. D'abord il faut se donner les moyens de ses ambitions pour prétendre atteindre ce taux de 5,5%. Une remarque s'impose. Nous sommes loin du taux de 7% promis dans le programme électoral du parti de la Lampe. Mais la crise est passée par là. Ce réalisme nouveau, bien qu'il puisse paraître séduisant, reste déconnecté de la réalité des choses. Et ce n'est pas la langue des chiffres qui dit le contraire. Bank Al-Maghreb prévoit pour 2012 un taux de croissance de 4,5%. Pour sa part, le jeu d'hypothèses établis par le Centre marocain de conjoncture (CMC) laisse dégager une croissance de l'ordre de 3,2%, « marquant ainsi un recul de près d'un point par rapport à l'année 2011 et plus d'un point et demi comparativement à la moyenne des cinq dernières années », peut-on lire dans la dernière note du centre. Il ne faut pas perdre de vue que 2012 s'annonce très difficile pour l'économie nationale. « Le secteur agricole qui constitue l'un des piliers de la croissance devrait enregistrer des performances assez modestes en raison du déficit pluviométrique cumulé depuis le début de la campagne. La valeur ajoutée agricole devait progresser dans les hypothèses les plus favorables d'à peine 2,5 % par rapport à l'exercice précédent », prévoit le CMC. Difficile à croire Devant cette cacophonie des chiffres, il est très difficile de trancher…et de croire en les promesses de l'Exécutif. S'agissant du déficit budgétaire et vu la récession dans laquelle plonge la zone euro qui vient d'encaisser une dégradation d'un cran de ses réalisations économiques , ainsi que le niveau élevé des cours internationaux des matières premières, il paraît encore une fois très difficile d'atteindre, du moins pour l'exercice en cours, le niveau escompté. À cela il faut ajouter le fait que le scénario de recours au marché international pour la levée de fonds n'est pas tenable. Seule lueur en vue, la finance islamique. Là encore, bien que des accords ont été conclus avec des investisseurs qataris, la vigilance est de mise. La résistance aussi. Le Smig, le grand oublié La seule piste encourageante demeure par excellence la demande interne, en mesure de sauver les meubles. Curieusement, le plan quinquennal tel qu'il est présenté n'a pas soulevé la hausse prévue du Smig pour le hisser à 3 000 dirhams. Le doute étant permis, comment pourrait-on alors booster cette demande ? Par ailleurs, Benkirane envisage de réformer de fond en comble les mécanismes régissant la Caisse de compensation. Ainsi une politique de ciblage verra le jour. Le fonds de solidarité concocté par le gouvernement sortant sera reconduit. Des aides financières directes sont prévues pour les zones enclavées. « Il n'est pas question de chambouler l'état actuel des choses dans le court terme. Cette réforme s'opérera d'une manière progressive », tient à souligner Abdesslam Seddiki, membre du comité central du PPS (majorité).Il est envisagé aussi d'institutionnaliser le Ramed et d'élargir à l'ensemble de la population le régime de l'assurance maladie obligatoire. Pour les couches nécessiteuses, l'aide médicale de l'Etat prévoit d'assurer la prise en charge des soins de santé à hauteur de 30% de la population. La Caisse de retraites est également dans le collimateur.À noter enfin que l'immobilier fait partie prenante dudit programme. Benkirane continue sur la voie de ses prédécesseurs en reconduisant le programme du logement social, bien que le prix de 250 000 dirhams est jugé trop « cher ». La classe moyenne aura également droit à un logement, digne de ce nom. On parle d' une offre dédiée à un prix estimé à 800 000 dirhams. Si la finance islamique, telle que pratiquée sous d'autres cieux, arrive à officialiser son entrée et se faire une place sur le marché bancaire national, dans ce cas là on peut dire que Benkirane aura réussi un sacré coup, du moins pour l'accès au logement.