Sur fond de préparatifs pour un congrès contesté, le RNI vit une crise sans précédent. Décryptage. Nombreuses sont les questions que se posent les RNIstes au sujet la situation actuelle du parti. En effet, plusieurs membres du Rassemblement national des indépendants (RNI) se demandent si leur parti ne serait pas en train de couler petit à petit. On estime ainsi que les promesses faites par le président Salaheddine Mezouar la veille du congrès extraordinaire tenu en janvier 2010, n'ont été que des paroles en l'air. Et que, en réalité, rien n'a été fait en matière de renouveau et d'assainissement au sein du parti, et encore moins en ce qui concerne le changement en terme de politiques adoptées du temps de Ahmed Osman et Mustapha Mansouri. «Le 9 mars ne leur a rien appris» «Il est clair que plusieurs dirigeants du RNI n'ont pas assimilé le discours royal du 9 mars dernier», tonne un cadre du parti. Selon lui, le parti est en train de perdre sa base dans diverses villes et régions du royaume comme Tanger, Casablanca, Marrakech et Fès. D'autres membres au sein du parti arguent que les maux du RNI ont pour cause la gestion de M. Mezouar lequel repose sur des personnes de «l'ancienne ère ne bénéficiant pas d'aucune légitimité auprès des militants et de la population». D'ailleurs, lors des différentes marches qu'a connues le pays, de nombreuses personnalités ont été décriées pour leur passé trouble, dont certains membres du RNI. Des sources au sein du parti soulignent que le prochain congrès annoncé pour juin sera organisé sur la base des résultats des législatives de 2002 et 2007 ainsi que des communales de 2003 et 2009. «Si cela se confirme, estime ce cadre du parti, ce ne fera que confirmer le manque de clarté et l'absence de volonté réformatrice.» Dans le même registre, des sources au sein du RNI ont affirmé au Temps que, un an après l'élection de Salaheddine Mezoua à la tête du parti, les militants vivent une réelle déception. D'après les dires de nombreux militants, M. Mezouar, qui avait promis un renouveau et une modernisation du RNI ainsi qu'une forte volonté de rompre avec les anciennes pratiques, a tout simplement failli à ses promesses. «Cette situation est la conséquence de manigances de certaines personnes ne voulant pas du bien au parti», nous dit un membre du parti. A cela s'ajoute, l'inexpérience de Salaheddine Mezouar dans le domaine politique. Dans ce sens, d'aucuns ne manquent pas de rappeler qu'il a été «pistonné» pour accéder à la présidence du parti. Et ce, au moment où le parti dispose de compétences reconnues. «Il est certain que feu Mustapha Oukacha et Mustapha Mansouri auraient agi différemment de l'actuel président pour donner au RNI l'éclat qu'il mérite», juge un observateur de la scène politique nationale. «Pas étonnant, ajoute notre interlocuteur, puisque le parti a mis au devant plusieurs intrus n'ayant jamais foulé les locaux du RNI. Certains ont même été nommés ministres sous la bannière RNI, d'autres ont été promus sans expérience prouvée aux postes de responsables régionaux.» Quand la Justice s'en mêle... Le mécontentement exprimé par les militants du RNI ne sera pas sans suite. Plusieurs jeunes avocats de Marrakech, Tanger, CasablancaRabat et Salé ont décidé de poursuivre en justice des dirigeants du parti, coupables à leurs yeux de ces maux. D'autant plus que la tenue du prochain congrès constitue une violation du règlement interne qui stipule que la décision incombe au Comité central et non au président et autres membres du Comité exécutif. Justement, s'agissant du prochain congrès, des RNIstes craignent qu'il y ait parachutage de responsables dont le seul souci est de servir leurs propres intérêts et non ceux du parti et du pays. Dans ce même registre, plusieurs militants du RNI se disent choqués par le nombre de représentants des régions qui sont appelés à assister au congrès. A titre d'exemple, Casablanca occupe la première place avec plus de 241 congressistes, ce qui est considéré comme une discrimination pure et simple dont sont victimes les autres régions du royaume qui regorgent également de militants ayant leur mot à dire. S'agissant toujours de représentativité, la région de Chaouia Ourdigha (180 congressistes) séparée de la région de Casablanca, est en contradiction avec le rapport de Omar Azzimane sur la régionalisation qui a fusionné ces deux régions. Plus étonnant encore est le fait de se rendre à l'évidence le nombre de congressistes dont disposent des régions comme Marrakech (330), Souss Massa Daraâ (545) et Taza Heociema Taounate (378) Droit dans le mur! A l'instar de nombreux partis politiques souffrant de l'absence de démocratie dans la prise de décision, le RNI, depuis l'éviction de Mustapha Mansouri, ne tient plus des réunions suivant le règlement interne du parti. D'ailleurs, lors d'une réunion tenue à Bouznika au lendemain du discours royal du 9 mars, des voix s'étaient élevées pour dénoncer cet état de fait. «Normal, s'indigne un cadre RNIste qui s'est confié au Temps. Que peut-on attendre de dirigeants porté aux postes de responsabilité par un putsch et qui balayent d'un revers de la main tous les principes ?» Selon des observateurs, Salaheddine Mezouar risquerait de ne pas remplier à la tête du parti tant sa politique est largement contestée. En annonçant, contre l'avis des militants du RNI, la tenue d'un congrès extraordinaire, M. Mezouar aurait-il brûlé ses dernières cartes ? Pour rappel, la réunion du comité central programmé le 26 mars dernier à Settat, a été tout simplement annulée bien que plusieurs militants aient confirmé leur présence. Certains, sans être avisés de cette annulation, avaient même fait le déplacement. Un autre grief retenu contre M. Mezouar auquel des militants vont même jusqu'à lui reprocher de «porter atteinte à l'image du parti». Au vu de cette situation, le RNI est vraisemblablement mal en point. Le parti semble avoir perdu son âme et ne plus savoir où il va ni ce qu'il veut. M. Mezouar qui, lors de son élection a promis monts et merveilles, semble conduire le parti droit dans le mur. Un exemple, entre autres de la mauvaise gestion tant décriée par de nombreux membres du parti, le siège du parti à Rabat a été fermé sans raison valable. A sa place, des locaux ont été loués moyennant des sommes faramineuses, ce qui n'a fait qu'aggraver la situation de la trésorerie du parti déjà mal en point. Le parti qui a essuyé moult revers avec une cuisante défaite lors des élections de 2009 et la perte de la présidence des deux Chambres, sans parler de la fuite vers d'autres formations politiques de plusieurs députés et élus locaux, ne semble pas près de se remettre sur les rails. Faute d'une équipe de gestionnaires rompus à la chose politique, le navire RNIste risque de couler. Et les prochaines élections pourraient lui être fatales. Mohcine Lourhzal et Hakima Ouhajou Abdelilah Mkinsi, membre du Comité central du RNI, dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas... «Notre parti achève bien ses militants» Dans le cadre de la situation critique par laquelle passe le RNI, comment voyez-vous le mécontentement exprimé par des voix au sein du parti ? En réalité, à cause de ma forte personnalité, j'ai toujours été combattu au sein du Regroupement National des Indépendants (RNI). J'estime, et ce n'est en aucun cas du narcissisme, que je suis quelqu'un d'instruit. Malheureusement au sein du parti, des mains usent de tous les moyens pour stopper toute tentative qui viserait à redonner au RNI son éclat d'antan. A mon sens, le RNI n'est pas un parti au vrai sens du terme mais constitue un socle qui regroupe des personnes liées d'intérêts personnels. Je constate à mon grand regret que le RNI, n'a pas réussi à mettre en application les slogans qu'il scandait, à savoir le libéralisme et la démocratie basée sur le social. Le RNI, il ne faut pas le nier, n'a pas la même histoire que le Parti de l'Istiqlal (PI). Le PI a donné une place de choix à des gens comme Karim Kadiri et Mohamed Boucetta. Je me demande où est le RNI dans tout cela ? Notre parti achève bien ses militants. En ce sens où il combat toute personne qui essaierait de donner un souffle novateur au parti. Où sont passés le Dr Chaouadka et Anas Bensaleh Zemrani ? A travers ces deux noms, je veux parler de toute une génération de leaders enterrés vivants par les dirigeants du RNI. Que répondez-vous à ceux qui estiment que le RNI est dirigé dans les coulisses par des barons ? Vous avez tout à fait raison ! Nous savons tous que depuis la naissance du RNI, plusieurs dirigeants se sont succédés à la tête du parti : de Ahmed Osman à Salaheddine Mezouar en passant par Mustapha Mansouri. Néanmoins une seule personne a toujours dirigé, en catimini, le parti. Il s'agit de Mohamed Bentaleb. Je considère que c'est cette personne qui dirige en réalité le RNI, qui ne peut continuer de fonctionner de la sorte. Il faut savoir que M. Bentaleb a toujours opté pour la politique d'épouvantail. Ainsi, il faisait croire aux secrétaires généraux qui ont pris les commandes du parti, qu'il existe des personnes qui souhaitent les évincer. A travers cette politique mesquine, ce dernier a pu maintenir sa place au sein du RNI en compagnie de ses disciples. L'actuel SG du RNI Salaheddine Mezouar a été au lendemain de son élection à la tête du parti, une vraie source d'optimisme quant à l'avenir. Néanmoins, au fil du temps, ce dernier n'a pas réussi à accomplir la mission qui est la sienne à cause de plusieurs facteurs dont un sabotage effectué par plusieurs personnes travaillant dans l'ombre. Vous êtes l'un des pionniers du RNI. De ce fait, quels conseils donneriez-vous aux RNIstes pour sortir du gouffre ? Une des premières recommandations que je ferai est qu'une commission centrale soit rapidement convoquée afin de statuer sur la tenue du prochain congrès du parti. Aussi devrions-nous bien choisir les représentants des régions et provinces qui assisteront au congrès, ainsi que le choix minutieux des délégués qui veilleront au bon déroulement de ce rendez-vous. Plusieurs autres points devront être débattus au sein du parlement du RNI et notamment le Conseil et la Commission nationale. Ces piliers de tout parti ne doivent pas être traités au sein d'un bureau exécutif regorgeant de personnes qui ne courent qu'après leurs intérêts. Propos recueillis par Hakima Ouhajou (MAY) Editing: Mohcine Lourhzal Ces barons qui tiennent le RNI ! Mohamed Bouhdoud. Le parrain du Souss Grand notable devant l'éternel. Celui qui a été de tous les combats du RNI exerce un règne sans partage sur son fief historique : la région de Souss-Massa-Draa dont il est le premier vice-président du conseil. Son énorme fortune et ses relais territoriaux l'assurent d'un puissant soutien électoral. Manifestement, l'homme fort d'Agadir use et abuse de son influence. Il nous a été rapporté par une source requérant la discrétion que M.Bouhdoud s'adonne à un diktat financier sur ses proches collaborateurs et un certain nombre de militants influents. Selon notre source, M.Bouhdoud profiterait de l'ascendant qu'il exerce au sein du bureau exécutif du RNI pour avaliser les candidatures aux législatives dans le Souss-Massa, moyennant des rétributions en monnaie sonnantes et trébuchantes. Pis, l'homme, un richissime exploitant agricole, serait décrié par ses constituants en raison d'une gestion approximative de la chose locale. Il aurait notamment selon divers témoignages, procédé à une allocation arbitraire des dotations en ciments et des bourses réservées aux associations culturelles et de quartiers. Moulay El Bachir Badalla : L'homme détesté de Chichaoua Ce membre de la commune rurale Sid El Mokhtar dans la province de Chichaoua est brocardé par ses constituants pour une gestion calamiteuse de la chose publique doublé d'un absentéisme notoire du temps où il en assurait la présidence entre 2003 et 2009. En 2006, la population locale l'accuse de s'être octroyé une ferme de 210 hectares d'olives aux abords de douar «Jaafra» pour un prix dérisoire. La transaction a suscité l'ire des jeunes de la région de Sid El Mokhtar, car, le dit terrain ayant auparavant appartenu à la «SOGETA», ces derniers s'attendaient à un partage de la propriété en vue d'incuber de mini-projets créateurs d'emplois. Pis, M.Badalla tremperait selon des sources dans la manipulation électorale. Ainsi, il a été auditionné le 25 juin 2009 par le juge d'instruction près la Cour d'Appel de Marrakech pour négoce de voix. L'affaire étant actuellement en cours, aucun jugement n'a encore été rendu. Rachid Talbi Alami : Fraudeur fiscal Ce député et membre de la commune urbaine de Tétouan brille par des pratiques fiscales pour le moins douteuses. Directeur de la société «Norvecuir» basée à Tétouan, il a été présenté à de nombreuses reprises, à la justice pour émission de chèques sans provisions sans jamais qu'une condamnation ne soit prononcée à son encontre, ce dernier s'acquittant chaque fois de ses dettes. Toutefois, le Fisc de la ville de Tétouan a épinglé «Norvecuir» pour cause de retards accusés dans le paiement des impôts. Ainsi, la société est sommée de régler 3.961.093,23 DH au titre des retards cumulés. Par ailleurs, des commissions d'inspection des impôts, de la délégation du travail et de la CNSS de Tétouan, ayant effectué des contrôles à «Norvecuir», ont noté que les employés de la société de M.Talbi Alami, ne sont guère déclarés à la CNSS et travaillent en outre dans des conditions déplorables. Mohamed Bouhriz : Trafic de drogues C'est l'histoire d'un petit employé de société devenu grand. Aujourd'hui membre du Conseil de la Ville de Tanger, ses incursions dans l'immobilier lui assurent une fortune considérable. Ses projets tangérois, dont «les terrasses du golfe», lui assurent le cash-flow nécessaire pour entamer une carrière politique parsemée de démêlées avec la justice. A ce titre, son historique est éloquent. En 1992, au lendemain des élections communales, il est présenté à la Cour d'Appel de Tanger pour «association de malfaiteurs et trafic de stupéfiants». Il sera alors incarcéré à la prison civile. En 2009, M.Bouhriz récidive dans un autre registre de délits : la fraude électorale. En effet, le 18 juin de la même année, il est poursuivi par la Cour d'Appel de Tanger pour négoce des voix lors des élections communales. Il avouera au juge d'instructions s'être effectivement rendu coupable d'avoir «soutenu» financièrement une certaine Rabia Chakkour tout en soulignant que l'aide octroyée n'avait aucun rapport avec le scrutin. Par ailleurs, de nombreuses sources indiquent que M.Bouhriz se serait également impliqué dans un trafic de véhicules volés entre les Pays-Bas, la Belgique et le Royaume. En matière de fraude fiscale, l'élu tangérois n'est pas en reste. En effet, celui-ci serait redevable aux impôts d'une somme de 444 755 DH relative à des défauts de règlements liés à ses multiples activités dans la promotion immobilière. Mohamed Bentaleb : Condamné par la Justice Ce membre du bureau politique du parti de la colombe, ancien proche d'Ahmed Osman est réputé pour être un expert en matière de réseautage. Ancien fonctionnaire à la préfecture de Casablanca, il bénéficie de la tutelle bienveillante de l'ex-gouverneur Moulay Mustapha Belarbi Alaoui, pour étendre son influence sur Casablanca. Son enrichissement rapide suscite interrogations et questionnements dans les milieux avertis. En 1996, Bentaleb est condamné par le tribunal de première instance de Casa-Anfa, à un an de prison ferme, peine commuée en appel à huit mois d'emprisonnement, et au paiement de la somme de 342 973 DH au profit de l'administration des douanes, pour des délits de contrebande, abus d'utilisation du régime des admissions temporaires et manœuvres frauduleuses, dans le but, d'échapper au règlement des taxes douanières. En outre, nous avons appris que la BMCE diligenterait une enquête portant sur un défaut de déclaration de biens appartenant à M.Bentaleb. En effet, le RNIste dissimulerait au Fisc un terrain d'une superficie de 7,8 hectares situé sur la route de Médiouna. Le terrain dont le numéro du titre foncier est 22666/C est officiellement la propriété pour les trois quart à l'Etat et le quart restant à la société Lunadahane. Après vérification, nous avons constaté que la propriété dite Blad El Bir II a été segmenté en plusieurs périmètres locatifs. Le revenu tiré de la location s'élèverait selon nos sources à environ 100 000 DH/mois. Mohamed Abbou : Négoce de voix Héritier d'une gigantesque fortune et grand suzerain de la région de Taounat, ce notable politico-agraire de père en fils gère une huilerie et un réseau tentaculaire de commerces à Fès. Ex-ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la modernisation des secteurs publics, il n'a qu'un crédo : la réélection à tous prix. C'est ainsi que selon nos sources, son élection aux législatives de 2007 à la circonscription de «Thar Souk» est entachée par des rumeurs de négoce de voix. Ainsi, sa députation acquise, le Conseil Constitutionnel n'a pas tardé à invalider son mandat à la Chambre des Représentants suite aux plaintes déposées à son encontre les 28 et 28 novembre 1997 au secretariat général du même conseil par ses concurrents Ahmed Zarouf et Mohamed Zarif (ex-FFD), pour fraude électorale.