Grève des agents de bord: les avions d'Air Canada cloués au sol dès samedi    Chefchaouen : le feu de forêt de Derdara circonscrit    HB Mondial U19 : Premier succès des Lionceaux    CHAN 2024 : Ce vendredi, Karboubi, Guezzaz et El Fariq pour Niger-Afrique du Sud    CHAN 2024 : Une finale Maroc-RDC dimanche prochain    L'humeur : Un espace verdoyant amoché par un théâtre    Cheb Khaled, l'êtoile algérienne du Raï, épaté par le Moussem Moulay Abdallah Amghar    Brésil : Bolsonaro nie son rôle dans les événements du 8 janvier 2023 et demande son acquittement    La récupération d'Oued Eddahab, une étape empreinte des plus nobles valeurs patriotiques    Brésil : exportations de viande au plus haut malgré les tensions avec les Etats-Unis    Air Canada : vols annulés dès samedi faute d'accord avec le personnel navigant    Etats-Unis : 26 millions USD offerts pour capturer les chefs des "Cárteles Unidos"    Canada: la Chambre des communes cible d'une cyberattaque    Plan de Netanyahou: l'Etat d'Israël contre le monde et contre lui-même    Les prévisions du vendredi 15 août 2025    Les températures attendues ce vendredi 15 août 2025    France : La justice annule le refus de titre de séjour, l'OQTF et l'IRTF visant une diplômée marocaine    Moroccan team triumphs over Zambia 3-1 in CHAN Group A clash    Sahara : John Bolton se prononce sur l'avenir de la MINURSO    Afrique du sud : Ramaphosa mobilise les siens pour briser l'isolement du Polisario    Rabat accueille la première édition d'«Africa Shield» consacrée à la lutte contre la prolifération d'armes de destruction massive    Pékin achève la première répétition générale des célébrations du 80e anniversaire de la victoire du peuple chinois pendant la Seconde Guerre mondiale    Après la rencontre de l'Alaska, un sommet trilatéral avec Zelensky sera « très important » pour un accord sur l'Ukraine    DST du Maroc... Héros de l'ombre et artisans de la sécurité dans le silence    En Alaska, Trump et Poutine discuteront "en tête-à-tête" de l'Ukraine, selon Moscou    Saisie record de cocaïne au large des Canaries grâce à la coopération du Maroc    Espagne: une trentaine d'arrestations en lien avec les incendies meurtriers    Barça: l'absence longue durée de Ter Stegen validée par la Liga    Sektioui: Nous étions avides de victoire    Moussem Moulay Abdellah Amghar : La "tbourida féminine" séduit le public    La Tbourida au cœur du dialogue citoyen    France : les Marocains toujours en tête des étudiants étrangers, les ingénieurs indétrônables    Liberté d'expression au Maroc : Les observations des Etats-Unis    Après la victoire du PSG en Supercoupe de l'UEFA, Hakimi devient le joueur maghrébin le plus titré de l'histoire    El conductor que atropelló a la pequeña Ghita en la playa de Sidi Rahal recibe una condena de 10 meses de prisión    Soufisme au Maroc : Surprenant retournement à la tête de la tariqa Boutchichya    Le tribunal de Berrechid condamne à dix mois de prison ferme l'auteur de l'accident ayant grièvement blessé une fillette à Sidi Rahal    À Rabat, le bureau africain spécialisé de l'ONU contre le terrorisme, un pôle d'excellence qui a fait ses preuves    Bitcoin : Nouveau record au-dessus de 124.000 dollars    Mohammed Ihattaren se relance au Fortuna Sittard    Spéculation immobilière : élus et fonctionnaires dans le viseur des autorités    L'Afrique et le Japon : Co-créer un avenir grâce à la jeunesse, à l'innovation et au partenariat    Le Maroc classe la demeure historique Dar El Haj Thami El Mezouari El Glaoui au patrimoine national    Tourisme en images – EP3. Les immanquables de Marrakech-Safi    Quand les mensonges se brisent sur le mur infranchissable du renseignement marocain    Le Maroc parmi les marchés visés par la poussée concurrentielle mondiale du blé, selon Interfax    L'ambassade de Chine au Maroc félicite le Marocain Saïd Oubaïa pour sa médaille d'or en karaté aux Championnats du monde 2025 à Chengdu    Salon du livre de Panama : Inauguration du pavillon du Maroc, invité d'honneur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Entretien avec Yousra Abourabi : « L'agroécologie en mal d'encadrement et de reconnaissance »
Publié dans L'opinion le 11 - 03 - 2021

«L'agroécologie est une source d'amélioration des revenus des agriculteurs et de la santé des individus», Yousra Abourabi, professeure et chercheuse à l'UIR.
- L'agroécologie, le « beldi », l'agriculture biologique, l'agriculture biodynamique... Quelles nuances ?
- L'agroécologie est souvent confondue avec les produits dits « beldi ». En réalité, si l'agroécologie repose en partie sur des modes d'agriculture traditionnels, elle est aussi fondée sur un savoir-faire scientifique moderne, permettant d'atteindre différents objectifs. Le premier objectif est la dimension naturelle des cultures, sans produits de synthèse (pesticides, engrais chimiques...). D'ailleurs, c'est le principal point commun entre « l'agroécologie » et « l'agriculture biologique ». Le deuxième objectif concerne la diversité des cultures, c'est le principal point commun entre l'agroécologie et la « permaculture ».
A l'inverse, on peut pratiquer l'agriculture biologique selon un modèle de monoculture, en plantant un seul produit sur plusieurs hectares. Dans un espace agroécologique, divers produits peuvent être semés, participant ainsi à l'écosystème global. L'agroécologie se veut également « régénératrice », c'est-à-dire participer à renforcer naturellement la qualité des sols et restaurer leur fertilité, améliorant ainsi la résilience et la productivité des plantes à plus long terme. Il s'agit donc d'un type d'agriculture qui peut englober toutes les autres pratiques durables connues !
- L'agroécologie est contre l'agro-industrie. Est-ce un cliché ?
- Il s'agit d'un grand débat. L'agroindustrie est le modèle qui domine notre économie. Celle-ci a des avantages (la grande productivité à court terme et la capacité de participer à la sécurité alimentaire) et des inconvénients (l'usage nocif des sols et de l'eau, la dégradation progressive de l'environnement et parfois aussi celle de la santé). L'agroécologie est souvent critiquée pour sa dimension marginale, et par conséquent sa faible participation à la sécurité alimentaire. On évoque souvent la question des rendements pour comparer les deux modèles.
Cependant, il convient de souligner que la qualité des produits agro-écologiques est souvent meilleure, et que si l'agroécologie est marginale, c'est aussi parce qu'elle est faiblement subventionnée et encouragée. Enfin, le rapport au travail et les rapports sociaux sont mieux valorisés dans les exploitations agro-écologistes. De nombreux agro-écologistes critiquent l'agro-industrie pour sa dimension agressive sur les plans socio-économique et environnemental. Cette critique ne signifie pas que les deux modèles ne peuvent cohabiter, mais elle suppose que l'agroécologie soit aussi reconnue et soutenue par des politiques publiques dédiées, de la même façon que l'agro-industrie a été, et continue de faire, l'objet d'incitations.
- Quels sont les bénéfices immatériels de l'agroécologie ?
- En plus des gains matériels, les agro-écologistes acquièrent aussi des gains immatériels. Premièrement : le savoir et les connaissances acquises par l'échange constant d'informations, à travers les réseaux de professionnalisation qui se créent, dont le Réseau des Initiatives Agroécologiques au Maroc. Deuxièmement : pratiquer l'agroécologie, c'est aussi rendre service à l'environnement, ce qui est un gain à la fois immatériel et matériel. Troisièmement : du fait du rapport au travail, qui n'est pas le même, de nombreux ouvriers agricoles convertis à l'agroécologie renforcent leur estime de soi. C'est la raison pour laquelle on trouve de nombreuses femmes propriétaires ou dirigeantes de projets agroécologistes.
- De nombreux Marocains se tournent désormais vers l'agroécologie, représentée comme une façon de protéger la santé des individus. Quelle importance revêt cette approche ?
- Effectivement. Au départ, les consommateurs de produits agroécologiques au Maroc étaient majoritairement des résidents étrangers. Aujourd'hui, la part des Marocains est plus importante. Cette nouvelle vague de consommateurs fait le choix conscient d'une augmentation du budget alloué à la nourriture saine et de l'adaptation de leurs repas aux produits de saison, pour des raisons environnementales, mais surtout sanitaires.
- L'agroécologie est faite pour des petites exploitations ou des coopératives, de façon à lutter contre la pauvreté au niveau local. Comment peut-on la valoriser ?
- Vous avez raison de dire que l'agroécologie permet de lutter contre la pauvreté au niveau local : elle repose sur un système socio-économique plus inclusif et plus équitable. Pour la valoriser, il faut agir au niveau du consommateur et de l'Etat. Un consommateur possède deux pouvoirs : celui de voter ou de participer à la décision politique, et celui de consommer. Plus les citoyens seront sensibilisés à leur rôle en tant que consommateurs, en faveur d'une agriculture durable, plus ce type de modèle sera démocratisé. Le deuxième niveau est étatique.
L'agroécologie nécessite un encadrement, une reconnaissance et des aides spécifiques. Depuis 2013, il existe un cadre juridique relatif à la production biologique. L'agriculture biologique marocaine est certifiée depuis 2018. Cependant, il n'est pas aisé d'obtenir cette certification. Il faut répondre à un cahier des charges spécifique et investir dans sa transition. De plus, comme je l'ai souligné tout à l'heure, l'agriculture biologique ne prend pas en compte toutes les dimensions environnementales et socioéconomiques promues par l'agroécologie. Cette dernière fait donc l'objet d'un label participatif par le RIAM, qui n'est pas étatique mais associatif, et qui permet aux producteurs de diffuser leurs paniers auprès des consommateurs. Je suis moi-même consommatrice de paniers agroécologiques et j'en suis très satisfaite !
- Quelles recommandations faitesvous aux décideurs pour valoriser cette approche écologique ?
- La première, et la plus importante, est de reconnaître l'agroécologie au niveau étatique comme un modèle pertinent – ce qui n'est pas encore le cas. La deuxième est de ne plus considérer l'agroindustrie et l'agroécologie comme des modèles incompatibles, mais de penser en termes de « mix agricole », de la même façon que l'on pense en termes de « mix énergétique ». La troisième réside dans un ensemble de mesures d'encadrement et d'aides spécifiques aux agroécologistes.
Recueillis par Safaa KSAANI
Portrait
Yousra Abourabi cherche à améliorer les rendements des cultures tout en respectant l'environnement
Cette Professeure et chercheuse à l'Université Internationale de Rabat (UIR) s'intéresse particulièrement à l'agroécologie au Maroc et vise à susciter une réflexion élargie sur le sens normatif de l'agroécologie comme modèle agricole, mais aussi comme mode de consommation responsable, modèle économique durable et instrument de revendication d'une identité solidaire et développementaliste.
Cette docteure en science politique, de l'université de Lyon Jean Moulin, a soutenu, en 2016, sa thèse qui porte sur la politique africaine du Maroc. Après avoir enseigné à l'Université Lyon 3, elle a rejoint l'UIR. En tant que professeure assistant à Sciences po Rabat, elle enseigne la science politique, les relations internationales et la gouvernance africaine. En tant que chercheure associée au Laboratoire de Sciences Sociales et Humaines (LEPOSHS), elle s'intéresse aux enjeux diplomatiques et de coopération sectorielle (climat, migration, genre) en Afrique.
Elle a publié de nombreuses contributions académiques et médiatiques sur le Maroc et l'Afrique. Elle a récemment publié un ouvrage sur le «Maroc» aux éditions De Boeck, avant de réaliser son reportage intitulé "L'importance d'adopter l'agroécologie au Maroc".
Par ailleurs, elle travaille en tant que consultante pour plusieurs organismes internationaux. Elle est notamment membre du cluster Affaires Politiques de l'ECOSOCC (Union Africaine) et membre du Conseil académique du Global Campus For Human Rights.

S. K
Repères
Reportage sur « L'importance d'adopter l'agroécologie au Maroc »
Dans le cadre de son programme pluriannuel « Transform Africa – Vers une transformation écologique et sociale en Afrique », la Fondation Heinrich Böll, en collaboration avec le RIAM (Réseau d'Initiatives Agro-écologiques au Maroc), publie sa nouvelle publication en format reportage écrit et réalisé par le Pr Yousra Abourabi. Ce reportage, réalisé à partir d'une série d'entretiens menés auprès des agroécologistes, se propose de bien définir et de faire un point sur l'état de l'agroécologie au Maroc. Le 5 mars, ce reportage a été présenté sur les réseaux sociaux lors de la 14ème édition du Green Salon.
Elargir l'agroécologie : un pari réalisable
Selon les nombreux agro-écologistes interviewés par le Pr Yousra Abourabi, l'élargissement de l'agroécologie n'est pas difficile, comme le pensent les partisans de l'agro-industrie. "Il s'agit d'un pari réalisable, d'autant plus qu'il existe une portion suffisante de ménages marocains ayant des bourses capables de supporter le surcoût éventuel de la production biologique", nous explique-t-elle, avant de détailler que "pour ne compter que l'agriculture biologique, entre 2010 et 2020, les superficies cultivées sont passées de près de 4000 hectares à près de 10.000 hectares. A cela s'additionnent les parcelles dites "spontanées" (c'est à dire qui n'ont pas été plantées par les humains), certifiées biologiques, estimées en 2020 à 180.000 hectares. Ces chiffres ne prennent pas en compte les parcelles cultivées dans un esprit agroécologiste non certifiées par le Réseau des Initiatives Agroécologiques au Maroc".


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.