Le Parlement reprend ses travaux au moment où le gouvernement continue de préparer le PLF 2023 qui dominera l'agenda de la rentrée. C'est l'année des grandes réformes et des grands choix budgétaires. Détails. Après les vacances, les députés s'apprêtent rejoignent les bancs de l'Hémicycle pour entamer la nouvelle année parlementaire. Les vacances n'ont pas été oisives pour la majorité des élus, dont quelques-uns en ont profité pour se livrer à leur exercice de prédilection qu'est la diplomatie parlementaire. Exemple : la commission parlementaire mixte Maroc-UE qui a tenu une série de réunions avec les eurodéputés afin de consolider les liens et réduire l'influence des séparatistes au Parlement de Strasbourg. La session d'octobre, comme le veut la Constitution, a été inaugurée ce vendredi, le deuxième du mois d'octobre, par SM le Roi Mohammed VI qui a adressé un discours très attendu, vu qu'il constitue une feuille de route pour le gouvernement dans la conduite de la politique générale de l'Etat. Pour la première fois depuis deux ans, la session parlementaire est inaugurée en présentiel, sachant que lors des deux dernières années, le Souverain a prononcé Son discours à distance. Vers des débats plus animés ? La nouvelle année parlementaire devrait être plus animée en termes de débats, vu les nombreuses réformes importantes qui s'accumulent aux commissions compétentes et que les députés vont examiner (Voir repères). La première année, rappelons- le, a été caractérisée par une faible production législative et une ambiance qualifée par les commentateurs de morose au sein de l'Hémicycle. Chose reprochée aux élus de la Nation, majorité et opposition confondues. Toutefois, cela a été jugé normal par certains députés, dont Allal Amraoui, qui arguent du renouvellement de la représentation nationale et du temps qu'il a fallu aux nouveaux parlementaires pour s'accommoder aux méandres de l'institution et apprendre les subtilités du fonctionnement de l'agora. Quoi qu'il en soit, la première année, la première Chambre a été parvenue à faire voter des lois de grande importance, comme celle relative à la liberté des prix et de la concurrence et celle qui encadre l'arbitrage et la médiation conventionnelle. Des réformes et des contraintes budgétaires ! Mais le plus important reste à venir. En plus des grandes réformes que le gouvernement a promis de finaliser en 2023 (voir repères), la rentrée parlementaire sera sans aucun doute accaparée par le projet de Loi des Finances, qui est devenu au l du temps un rituel. Les discussions s'annoncent vives sachant que le gouvernement a fait des confidences et des indiscrétions intéressantes sur le texte que va présenter aux députés la ministre de tutelle, Nadia Fettah Alaoui. Parmi les mesures annoncées, des baisses d'impôt au profit de la classe moyenne, sachant que l'Exécutif se dirige vers une baisse de l'IR sur les revenus moyens, ce qui permettra d'exonérer les revenus en dessous d'un certain seuil de sorte qu'ils ne payent plus l'impôt. Le degré de la baisse et les nouvelles fourchettes de l'IR devraient susciter le débat d'autant que nombreux sont ceux qui jugent l'effet d'une telle mesure minime sur le pouvoir d'achat des citoyens bien qu'elle soit, en gros, bénéfique. Le Secrétaire Général du Parti de l'Istiqlal, Nizar Baraka, a, quant à lui, révélé une surprise lors de son passage à MFM Radio en annonçant une éventuelle suppression de la TVA sur les médicaments qui pourra réduire considérablement les prix. Toujours sur le volet fiscal, le gouvernement est très attendu sur le débat ambiant à propos de la taxe sur les superprofits, d'autant que le rapport alarmant du Conseil de la Concurrence sur le marché des hydrocarbures ne laisse personne indifférent. L'impôt sur la fortune s'est invité également au débat. Au-delà des mesures spécifiques, dans sa volonté de soutenir le pouvoir d'achat, le gouvernement se heurte toujours à une conjoncture économique défavorable. Effets de la sécheresse, stress hydrique, faiblesse de la croissance, et la guerre en Ukraine qui semble loin de se terminer et dont les répercussions continuent de se faire ressentir, surtout en ce qui concerne les prix des hydrocarbures et de l'énergie. La décision de l'OPEP+ de réduire la production du pétrole est susceptible de pousser les prix à des niveaux plus élevés. Idem pour le gaz et les prix des matières premières qui demeurent à un niveau diffcilement supportable. A cela s'ajoute une inflation galopante qui a dépassé les 8%. Une situation aussi ardue pèse lourdement sur le budget de l'Etat qui se voit assujetti à supporter les charges de compensation toujours plus grande quitte à réduire l'investissement public ou à laisser filer la dette. Celle-ci s'est creusée à 83,3% pour l'année en cours et devrait augmenter à 83,6% l'année prochaine. Les bruits courent sur une possible levée d'un milliard de dollars de droits de tirages spéciaux auprès du FMI. Le Royaume, rappelons-le, semblerait privilégier l'instance de Bretton Woods et sa ligne de précaution jugée confortable, plutôt que d'aller vers les marchés nanciers dont les taux sont très élevés et volatiles. Le défi des marges budgétaires Mais pour l'instant, l'Exécutif tient bon d'autant que les perspectives sont, du moins sur le papier, rassurantes. L'inflation devrait reculer à 2,4%, à en croire Bank Al-Maghrib, qui table également sur un recul du déficit budgétaire à 5% au lieu de 5,9%. Cependant, le grand défi est de mobiliser les ressources nécessaires pour soutenir l'effort financier que requiert l'édifice de l'Etat social, l'objectif suprême du gouvernement d'Aziz Akhannouch. L'année dernière, l'Exécutif a alloué un budget record (245 MMDH) à l'investissement public, la grande question est de savoir si l'équipe gouvernementale sera plus audacieuse en 2023, d'autant que les réformes prévues s'annoncent coûteuses. On en cite la réforme du système de Santé, la hausse des salaires dans le secteur public et notamment dans la médecine publique, la réforme de l'école et d'autres mesures, sans oublier les dépenses de compensation et les plans de sauvetage des secteurs impactés par la crise qui risque de durer plus longtemps que prévu. En cette dernière année, la hausse des recettes fiscales (+36 MMDH attendues à la n de 2022) et les marges de manoeuvre qu'offraient les financements innovants ont permis à l'Exécutif de résister aux soubresauts de la crise et de poursuivre les réformes sociales tout en finançant les dépense de compensation. Cette année, on verra ! Anass MACHLOUKH
L'info...Graphie Propositions de lois Vers plus d'initiatives ?
Lors de l'année législative précédente, les propositions de lois n'ont pas été nombreuses, seules trois ont été adoptées. L'opposition parlementaire s'est plainte de ce qu'elle appelle « la réticence du gouvernement et son manque de réactivité ». La Majorité, pour sa part, réfute ces critiques et pointe du doigt la faible prise d'initiative des membres de l'opposition. En effet, jusqu'à présent, 171 propositions sont en stand-by, dont la plus ancienne date du 18 octobre 2021. Comme l'initiative législative est du ressort aussi bien du gouvernement que du Parlement, la gestion des propositions des lois est encadrée par la Constitution. L'article 80 stipule que « les projets et propositions de lois sont soumis pour examen aux commissions dont l'activité se poursuit entre les sessions ». La loi, rappelons-le, autorise le gouvernement à venir chaque mois pour se prononcer sur les propositions de textes qui lui sont présentés. Concernant le contrôle du gouvernement, la cadence des Missions exploratoires demeure encore faible. Il y en a quatre qui sont actuellement en cours, dont une porte sur l'opération Marhaba 2022.
Législation En attente des « Grandes réformes »
En plus de la Loi des Finances, le gouvernement est attendu sur plusieurs réformes jugées cruciales, dont certaines sont promises depuis longtemps. Parmi les textes les plus attendus, celui de la réforme du Code pénal et de la procédure du Code pénal, portée par le ministre de tutelle, Abdellatif Ouahbi. Après le retrait du texte précédent, le ministre n'a eu de cesse de divulguer certains détails de la nouvelle version qui se veut plus « progressiste ». Au milieu des spéculations médiatiques, ce dernier a annoncé que le texte sera prêt en avril 2023. La réforme, rappelons-le, est tellement attendue qu'elle est censée changer en profondeur le Code actuel, en introduisant les peines alternatives et en renforçant les droits de la défense. Aussi, le ministre veut-il, à travers la réforme, restreindre le recours à la détention préventive. Toujours dans le domaine de la Justice, la réforme du droit de la famille est aussi attendue. La reprise du Parlement est une occasion de boucler le processus législatif de certaines lois qui traînent depuis longtemps à l'Hémicycle, dont celle relative à l'exception d'inconstitutionnalité qui sera votée en deuxième lecture. Pour sa part, le gouvernement semble pressé de faire voter la Charte de l'investissement, vu son importance. Celle-ci a été adoptée en commission il y a quelques jours et devrait être votée en séance plénière. Actuellement, la Charte de l'investissement est le seul texte finalisé déposé au Parlement.
Trois questions à Fouad Douiri «Le gouvernement est appelé à faire preuve d'innovation»
Fouad Douiri, membre de l'Alliance des Economistes Istiqlaliens et ancien ministre en charge de l'Energie et des Mines, a répondu à nos questions sur les défis que pose le PLF 2023. - Le PLF va certainement dominer la rentrée parlementaire. A votre avis, la tâche du gouvernement sera-t-elle plus diffcile qu'en 2022 ? - On espère en 2023 qu'on aura moins besoin de dépenses de compensation imprévues, puisqu'en théorie, il est prévu que l'inflation se calme et que le coût de la vie en général n'augmente pas plus qu'en 2022. Par conséquent, les dépenses seraient moins coûteuses, ce qui pourrait donner des marges au gouvernement. Par contre, il pourrait y avoir un recul de certaines recettes, dont l'impôt sur les sociétés qui peut diminuer vu que les résultats des entreprises en 2022 risquent d'être un peu plus faibles. Cela dit, nous ne sommes pas encore sûrs que l'IS sera aussi rentable que l'année dernière. A mon avis, le gouvernement va poursuivre la politique d'investissement. Mais, l'Exécutif est appelé à investir dans des secteurs plus productifs et à fort potentiel de création d'emploi, et à prendre des décisions d'investissement sur la base d'un calcul mûrement réfléchi. Je rappelle que nous avons toujours un problème de faible rentabilité de l'investissement. Le débat est posé, le gouvernement doit trouver des réponses. - Que pensez-vous du débat concernant la taxe sur les superprofits ? - Actuellement, le gouvernement n'a pas tranché sur cette mesure, la contribution de solidarité, par contre, pourrait être renouvelée une nouvelle fois. Mais jusqu'à présent, nous ne disposons d'aucun indice qui renseigne sur les intentions du gouvernement sur cette question qui fait débat. - Le gouvernement a fait part de sa volonté de réduire l'IR, quel impact une telle mesure pourrait-elle avoir sur le pouvoir d'achat ? - Cette mesure, je rappelle, est dirigée directement vers les classes moyennes puisque la classe défavorisée ne paye pas l'IR sachant que les revenus les plus bas ont obtenu une valorisation du SMIG. Cette baisse apportera probablement des dizaines ou des centaines de dirhams supplémentaires aux bénéficiaires. A mon avis, le gouvernement a fait le choix le plus simple. La réflexion doit continuer sachant qu'il existe d'autres solutions. Je rappelle que l'amélioration des services publics pour que les gens ne soient pas obligés d'aller vers le privé est une manière de protéger leur pouvoir d'achat. En définitive, le gouvernement reste équilibriste en n'augmentant pas beaucoup les salaires, vu les conséquences sur l'inflation. La marge de manoeuvre est très étroite. Recueillis par A. MACHLOUKH