Croissance robuste malgré les chocs climatiques, inflation maîtrisée, système bancaire résilient et dynamique boursière soutenue... Le rapport annuel sur la stabilité financière 2024, publié par Bank Al-Maghrib, dresse un bilan plutôt rassurant de la santé financière du Royaume. Malgré un contexte international incertain et une nouvelle campagne agricole compromise par la sécheresse, le Maroc a enregistré une croissance de 3,8% en 2024. Ce rebond, légèrement supérieur à celui de 2023 (3,7%), repose principalement sur la vigueur des activités non agricoles (+4,8%). L'agriculture, en revanche, a subi une contraction de -4,8%, plombée par l'irrégularité des précipitations. La taille du secteur financier marocain a franchi un nouveau palier en 2024, illustrant le rôle de plus en plus prépondérant que joue ce secteur dans le financement de l'économie nationale. Selon le rapport sur la stabilité financière publié conjointement par Bank Al-Maghrib (BAM), l'Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS) et l'Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC), le total des actifs du système financier s'est élevé à 3.441 milliards de dirhams (MMDH), en progression de 9,8% par rapport à 2023. Ce volume représente désormais 216% du Produit Intérieur Brut (PIB), confirmant une profondeur financière remarquable au regard de la taille de l'économie marocaine. Cette expansion est attribuable à la croissance soutenue des bilans bancaires, à l'essor des organismes de placement collectif (OPCVM et OPCI), ainsi qu'à la solidité du secteur des assurances et des fonds de retraite. Cette montée en puissance du secteur financier reflète non seulement l'élargissement des canaux d'intermédiation, mais aussi la confiance des investisseurs institutionnels et particuliers dans les instruments financiers marocains. Elle s'inscrit dans une dynamique de développement continu, favorisée par des réformes structurelles, une régulation prudente, et une diversification progressive des produits et véhicules d'épargne et de placement. Toutefois, le rapport appelle à la vigilance quant à la concentration du crédit bancaire, aux déséquilibres des régimes de retraite, et à la nécessité de renforcer l'inclusion financière pour que cette croissance profite à l'ensemble des composantes économiques et sociales du pays. L'investissement a connu un net regain de vitalité avec une croissance de 10,9%, tandis que la consommation des ménages (+3,2%) et celle des administrations publiques (+5,6%) ont également contribué à la dynamique. Le moteur de la croissance reste donc la demande intérieure, bien que les échanges extérieurs nets aient eu une contribution négative de -2,5 points au PIB, les importations ayant progressé plus vite que les exportations.
Un système bancaire stable et bien capitalisé Les fondamentaux du secteur bancaire marocain se sont renforcés. Le résultat net agrégé des banques a atteint 15,7 milliards de dirhams, soit un retour sur fonds propres (ROE) de 9,5% et un rendement des actifs (ROA) de 0,9%. Les indicateurs prudentiels sont largement au-dessus des seuils requis, avec un ratio de solvabilité global de 16,2% (réglementaire ≥12%) et un ratio de fonds propres de base moyen à 13,5%. En termes de liquidité, le ratio LCR s'élève à 182%, bien au-dessus du minimum de 100%, malgré l'augmentation de la circulation fiduciaire. Côté crédit, les prêts bancaires au secteur non financier ont crû de 2,6%, freinés par la faiblesse des prêts aux entreprises privées. Les créances en souffrance des entreprises atteignent 70 milliards de dirhams, soit un taux de défaut de 11,1%, tandis que celui des ménages se stabilise à 10,4%. La dette des ménages, à 427 MMDH, représente 27% du PIB.
Assurances et marchés : Une dynamique encourageante Le secteur des assurances poursuit sa croissance avec un chiffre d'affaires global de 58,8 MMDH (+5,1%), dont 30,5 MMDH pour la branche non-vie et 28,3 MMDH pour la branche vie. Le résultat net comptable s'est établi à 4,4 MMDH, porté par de bonnes performances financières et un rebond des plus-values (+70%). Sur les marchés de capitaux, l'indice MASI a enregistré une performance remarquable de +22,16%, avec une capitalisation boursière en hausse de 20%. La liquidité s'est nettement améliorée, atteignant 12,45% contre 8,88% en 2023. Le PER global est passé à 21,7%, traduisant une valorisation plus soutenue du marché. Les OPCVM ont poursuivi leur expansion, avec un actif net en hausse de 16,7% à 653,2 MMDH, tandis que les OPCI ont connu une progression de 28%. Le capital-investissement affiche aussi une croissance, avec trois nouveaux Fonds créés et un actif net total de 3,14 MMDH.
Finances publiques et comptes extérieurs sous contrôle Le déficit budgétaire hors privatisation s'est allégé à 3,9% du PIB en 2024, contre 4,4% en 2023, grâce à la hausse des recettes fiscales, aux financements innovants (35,3 MMDH) et à la baisse de la charge de compensation. La dette du Trésor s'est réduite à 67,7% du PIB. Le déficit courant, malgré une détérioration du solde commercial à -305 MMDH, reste maîtrisé à 1,2% du PIB, grâce à la résilience des recettes de voyage (112,5 MMDH, +4,6%) et des transferts MRE (119 MMDH, +3,3%). Les IDE ont atteint 43,8 MMDH (+10,2%). Les réserves de change ont couvert 5 mois et 9 jours d'importations, un niveau jugé confortable. Malgré les avancées notables relevées dans le rapport, plusieurs fragilités structurelles continuent de peser sur la stabilité à long terme du système financier marocain. En premier lieu, les régimes de retraite, en particulier ceux du secteur public, restent confrontés à des déséquilibres persistants. Si les hausses salariales intervenues en 2024 ont temporairement atténué certains déficits, elles ne remettent pas en cause la trajectoire préoccupante des finances de ces régimes, dont les engagements dépassent largement les ressources disponibles. À cela s'ajoute la situation de la CNSS, dont la branche longue durée est fragilisée par une sous-tarification chronique et des assouplissements successifs ayant affecté sa soutenabilité. Autre point d'alerte, l'endettement élevé des agents non financiers, qu'il s'agisse des ménages ou des entreprises, qui accroît leur vulnérabilité face à d'éventuels chocs économiques ou financiers. Enfin, le secteur immobilier, bien qu'ayant enregistré un regain d'activité avec une hausse des transactions de 17,9 %, demeure en stagnation du point de vue des prix, qui n'ont progressé que de 0,2% en 2024. Ce décalage entre la dynamique des volumes et l'atonie des prix pourrait refléter un marché encore fragilisé, en attente d'une relance plus structurelle de la demande ou d'un ajustement de l'offre. L'ensemble de ces signaux impose une vigilance continue des autorités et un suivi renforcé des risques systémiques.