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Ouahbi et les avocats : Après le grand orage, l'accalmie ? [INTEGRAL]
Publié dans L'opinion le 26 - 11 - 2025

Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi prépare sa réconciliation avec les avocats à la veille de la présentation de la loi encadrant la profession. Décryptage.
C'est une sorte de mea culpa à peine déguisée à laquelle s'est livré le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, face aux avocats lors d'un séminaire. Nous sommes le 21 novembre, le ministre est invité à s'adresser aux représentants des barreaux. Le climat est serein contrairement à l'ambiance orageuse qui a longtemps régné entre lui et la profession depuis son arrivée au ministère.

Cet exercice de communication est plutôt facile pour le ministre habitué aux plaidoiries et au vacarme des prétoires. Lui, reconnaissons-le, qui reste fidèle à son franc-parler, quitte à susciter colère et indignation de ses pairs.

Des confessions et des louanges

Bien qu'avocat à la parole parfois débridée, le ministre demeure un fin politicien. Il sait trouver les mots doux quand il le faut pour adoucir l'atmosphère après des années de tension avec ses confrères. Il en a trouvé. Le discours est plein de louanges à l'égard d'une profession à laquelle il se vante d'appartenir.

Il joue la carte du "retour à la maison" pour combler le fossé qui s'est créé entre lui et ses confrères depuis le début de son aventure ministérielle. Retour aux origines, dit-on. "Que peut dire un avocat sur une profession qui a été de tout temps le berceau de grands hommes politiques", a-t-il confessé, dans un aveu si élogieux comme il en a rarement fait auparavant. "Comme j'aurai aimé rester avocat", a-t-il poursuivi.

Il a qualifié l'avocat de chevalier de la parole, le garant de la présomption d'innocence et l'un des piliers d'une démocratie, à qui il incombe de défendre les gens et d'avoir le courage de poser les questions difficiles que la société tente d'éviter.


L'heure est à la sincérité sans détour. A entendre le ministre, on voit à quel point il reconnaît le poids de la responsabilité ministérielle sur ses choix. Il a reconnu que les contraintes de la responsabilité ont pesé de tout leur poids sur sa vision de la réforme de la justice. "J'aurai aimé être l'avocat de la profession au sein de l'appareil si sensible qu'est l'Etat, mais je vous demande de me trouver des excuses si je n'ai pas satisfait à toutes vos revendications", a-t-il lâché.

Apaiser les tensions

Depuis son arrivée au temple de la Justice, Abdellatif Ouahbi est venu porteur d'une vision pour changer l'appareil judiciaire. Son style jugé parfois trop personnel dans la genèse des réformes n'a guère plu aux barreaux contre lesquels il s'est heurté plusieurs fois. La dernière en date sur la procédure pénale, rejetée par une grande partie de la profession. Les avocats jugent que la réforme n'a pas tenu ses promesses en ce qui concerne la défense et son poids face au parquet.

Bien que la nouvelle loi soit promulguée au grand dam des robes noires, celles-ci ont trouvé du réconfort dans le coup de massue de la Cour Constitutionnelle qui a invalidé la réforme de la procédure civile dont le texte sera amendé et voté à nouveau.

Il y a juste quelques mois, les avocats étaient vent debout contre leur ministre de tutelle qu'ils accusent de vouloir leur imposer une "apostasie législative". En gros, ils s'estiment exclus des réformes judiciaires récemment passées au parlement qui, disent-ils, portent atteinte au droit de la défense et fragilisent son statut. D'aucuns parlaient de virage autoritaire, d'autres de régression démocratique... Bref ! Les critiques furent virulentes.

Tout cela n'était que la suite d'une relation qui a mal démarré. Dès 2021, les deux parties se sont écharpées sur le pass vaccinal dans les tribunaux. Le régime fiscal a exacerbé le désamour. La tension avec l'Association des Barreaux du Maroc (ABAM) était telle que le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a dû intervenir pour apaiser les choses et trouver un compromis. Chose faite. Un deal sur l'imposition des robes noires et ses modalités de paiement a été entériné dans le Projet de Loi de Finances 2023 suite à de longues tractations.

Cette relation tumultueuse atteint son pic en septembre 2024 lorsque 17 barreaux ont fait une démonstration de force avec un rassemblement massif suivi d'une série de protestations pour marquer leur désaccord plein et entier avec la réforme de la justice version Ouahbi. Puis, la tension s'est désamorcée peu à peu pour laisser place à un calme prudent.

Le projet de loi tant attendu bientôt dévoilé

Reste maintenant un dossier qui continue d'envenimer le climat. Abdellatif Ouahbi veut réorganiser la profession depuis son investiture. Les avocats ne partagent pas sa vision telle qu'elle a fuité dans un avant-projet de loi dévoilé en 2022 qui les a rendus fous de rage. Le texte a été massacré de critiques à tel point qu'il a été différé jusqu'à maintenant faute de consensus. "Je n'ai jamais fermé la porte au dialogue", a confié le ministre à «L'Opinion» dans un échange il y a quelques mois. Il semble visiblement vouloir tenir parole.

Vendredi, face aux barreaux, il a annoncé une bonne nouvelle. Il a été décidé de programmer le projet de loi à l'ordre du jour du Conseil de gouvernement à la mi-décembre.

Le texte devrait être adopté et transmis ensuite au Parlement. A en croire le ministre, cela fera l'objet de discussions approfondies avec l'ABAM qui aura voix au chapitre. Les barreaux seront invités à des journées d'études à la Commission de la Justice de la Chambre des Représentants pour contribuer à enrichir le processus législatif.

Finir en beauté !

En gros, le ministre relance le débat dans de bonnes conditions afin que la concertation ne dérape pas quelles que soient les pommes de discorde.

Pour l'instant, on ignore si le ministère compte s'appuyer sur le texte initial comme base amendable. En tout cas, compte tenu de la forte contestation de la profession en 2022, il faudrait que celle-ci change profondément pour aller de l'avant. L'ABAM avait rejeté catégoriquement la version initiale.

Les avocats se sont opposés à plusieurs aspects jugés attentatoires à leur profession, surtout en ce qui concerne la formation, l'accès à la profession, l'organisation des barreaux... Le tollé reste encore gravé dans les esprits.

En gros, le ministre tâte le terrain. Il s'est félicité des récentes discussions menées avec l'ABAM, qui se sont conclues, selon lui, par des convergences de vues.

A presque un an de son départ, le ministre de la Justice, qui fait planer le doute sur son avenir post-gouvernement Akhannouch, semble vouloir trancher ce marronnier à l'instar des autres professions judiciaires comme les huissiers, les magistrats et les Adouls, dont il a réglé le statut au prix d'une série de bras de fer. En sera-t-il de même pour les robes noires ?

Trois questions à Omar Benjelloun : « Le problème des galons a été réglé, il n'en est plus question »
* Quels sont les aspects qui vous paraissent les plus problématiques dans la réforme de votre profession ?
Le texte initial avait porté atteinte à la question fondamentale de la formation. C'est l'un des principes fondateurs de l'indépendance de la défense conformément aux principes du droit international et de la convention de La Havane. Les instances ordinales qui régulent la profession doivent avoir cette prérogative alors que la tutelle a tenté de se l'approprier avec la mise en place d'un institut sans y mettre ni les barreaux ni les bâtonniers. En France, par exemple, une avocate a été nommée à la tête de l'école de la magistrature. Ce qui montre que cela dépend de la volonté politique.

* Qu'en est-il de la polémique des galons et l'organisation des barreaux ?
- Je pense qu'il y a eu une tentative d'ingérence dans l'organisation des instances ordinales. Il y a eu une volonté de dicter la façon dont il faut élire nos représentants aux barreaux. Une aberration ! Imaginez qu'on a pensé qu'un bâtonnier ne peut concourir au bâtonnat qu'après 20 ou 25 ans d'exercice. Cela signifie qu'il faut avoir au moins 55 ans pour devenir bâtonnier. C'est à dire en fin de carrière sachant qu'il s'agit d'une mission noble qui requiert beaucoup d'énergie. Je trouve ça aberrant. Comment se fait-il qu'on exige un certain âge pour occuper une tel poste représentatif alors qu'on ouvre de plus en plus la porte des responsabilités ministérielles aux jeunes. J'estime que cela traduit une volonté d'empêcher les barreaux de fonctionner de façon autonome. Financièrement parlant, il est important de garantir une plus grande autonomie vis-à-vis de la CDG en matière de maniement de fonds.
Pour ce qui est des galons, ce souci a été réglé. Ils ont été enlevés suite à un long débat avec le ministère de tutelle. Il n'en est plus question. Il était clair qu'il fallait en finir avec une telle absurdité. Il est hors de question d'établir une hiérarchie entre les avocats quel que soit leur statut.

* Concernant les cabinets internationaux, êtes-vous favorable à leur intégration ?
- On voit qu'il y a de plus en plus de cabinets labellisés qui s'installent au Maroc. Je trouve que le gouvernement a une volonté de les ancrer davantage dans son orientation pro-business. Raison pour laquelle il veut les intégrer dans le projet de loi pour protéger leurs intérêts. Les avocats ne voient pas cette ouverture tout à fait légitime si elle ne respecte pas la déontologie. Il faut que cela soit pensé dans le cadre d'un équilibre entre la défense et le conseil juridique dans le système judiciaire.
Profession d'avocat : Les pommes de discorde
La version initiale du projet de loi encadrant la profession d'avocat a été rejetée. Le texte qui a fuité en 2022 a provoqué un tollé chez les robes noires. L'Association des Barreaux du Maroc (ABAM) avait exigé son retrait immédiat.

Plusieurs points ont suscité l'incompréhension, à commencer par la distinction entre les avocats par des galons sur leurs robes. La copie en fixe quatre catégories, à savoir les avocats stagiaires, les avocats titulaires, ceux de l'administration et les bâtonniers. De quoi provoquer la stupéfaction générale.

D'autres points problématiques ont été soulevés, tels que l'interdiction d'établir un contrat avec un avocat en tant que conseiller juridique aux entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à trois millions de dirhams.

Les avocats ayant moins de 15 ans d'ancienneté ont été interdits de rédiger des contrats.

Pour ce qui est de l'organisation des barreaux, le texte interdit aux nouveaux avocats ayant moins de cinq ans d'ancienneté d'élire leurs représentants au sein des instances ordinales.

Autant de points jugés trop restrictifs par la profession qui s'est sentie ciblée. L'ABAM avait regretté qu'un texte plus consensuel, élaboré par l'ancien ministre, Mohammed Ben Abdelkader, soit passé à la trappe.

Maintenant, le nouveau projet de loi promis devrait être plus fédérateur. Les prérogatives des avocats devraient être plus élargies pour être en phase avec l'évolution de la justice ces dernières années, surtout en matière de médiation et de contentieux commerciaux.

Péril numérique : La menace tant redoutée
Dans son discours face aux avocats, Ouahbi s'est montré un peu pessimiste sur l'avenir de la profession, menacée selon lui par l'Intelligence Artificielle dont il redoute les conséquences sur la justice.

L'IA est selon lui de nature à bouleverser le travail des avocats et du corps de la magistrature avec les nouveaux outils numériques comme ChatGPT.

Mais, aux yeux du ministre, un autre défi est plus dangereux. L'espace numérique est d'autant plus périlleux que les réseaux sociaux se sont mutés en tribunaux médiatiques où la justice se rend en dehors des prétoires.

"L'avocat digne de ce nom est celui qui plaide dans la salle d'audience", a-t-il rappelé, faisant allusion à ceux qui portent les affaires judiciaires hors des tribunaux au mépris du devoir de réserve. Ouahbi a mis en garde contre un tel scénario où l'avocat devient inconsciemment un piètre journaliste sans déontologie.

Ce péril numérique fait que l'honneur des justiciables soit jeté en pâture à la vindicte populaire sur des réseaux où tous les coups sont permis.


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