En attendant la convergence vers deux pôles de retraites, l'un public et l'autre privé, la réforme du régime civil a été conduite dans une approche de maintien de l'équilibre financier, même à court terme, au détriment de la garantie de la protection sociale des adhérents du système. Les paramètres concernés par cette réforme, à savoir notamment le report de l'âge de départ à la retraite de trois ans, l'augmentation du taux de cotisation de quatre points, la réduction du taux d'annuité de 0,5% et la révision du mode de calcul de la pension, lequel sera désormais basé sur la moyenne des salaires perçus sur les huit dernières années au lieu du dernier traitement, tout ceci est venu pénaliser doublement et en bloc toute une génération d'actifs, affiliés au régime des retraites civiles, en particulier celle en début de carrière. Le premier effet apparaitra au niveau de la vie active du fonctionnaire, d'une part par le fait du relèvement de l'âge de départ à la retraite à 63 et d'autre part via l'augmentation du taux de cotisation de quatre points. Concernant le décalage de l'âge légal donnant droit à la retraite, il permettra à la caisse marocaine des retraites de maintenir le niveau d'entrée des recettes sous forme de cotisations et de retarder la période du paiement de la pension aux retraités. Cependant, la réforme n'a pas tenu compte des contraintes et des aléas de la vie professionnelle de certains métiers pénibles (éducation, santé...), ce qu'est de nature à mettre en danger la santé et le bien être de cette catégorie d'adhérents. De même, le risque est assez grand sur la dégradation de la productivité et du rendement des fonctionnaires, et par conséquent, sur l'efficacité de l'administration publique, déjà située à un niveau très bas. Pour l'augmentation du taux de cotisations de quatre points, même progressivement, elle aura certainement un effet négatif sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires, déjà détérioré, dans un contexte de stagnation des salaires et de l'augmentation sans cesse du coût de la vie. Le deuxième effet apparaitra dans la baisse de la pension du fonctionnaire, lors de son départ à la retraite, induite par la prise en compte dans le mode de calcul de la pension, d'un taux d'annuité de 2% au lieu de 2,5% actuellement et de la moyenne des salaires perçus sur les 8 dernières années au lieu du dernier traitement. Pour le même salaire et le même nombre d'années de service, une baisse de 0,5% du taux d'anuité engendre une diminution de 20% du montant de la pension de la génération des fonctionnaires qui commenceront leur carrière à partir de l'entrée en vigueur de la réforme, comparativement à la génération précédente. Cela affectera négativement le pouvoir d'achat des retraités, dont la pension ne suit ni l'évolution de l'inflation ni le coût de la vie et accentuera le fossé entre les différentes générations de retraités. L'accent est présentement mis sur les effets directs que recèle cette réforme sur les adhérents au régime civil, sans pour autant se pencher sur bien d'autres effets susceptibles de compromettre d'autres niveaux d'équilibre. De ce fait, le chantier de refonte d'une politique publique, en l'occurrence les systèmes de retraites, doit tenir compte à la fois de l'équilibre financier du régime et de la protection sociale des adhérents, tout en veillant sur la dynamisation de l'emploi des jeunes et sur l'efficacité de l'administration publique. Faire assumer le gros des conséquences d'une mauvaise gouvernance des régimes de pensions aux adhérents est de ce fait non seulement aberrant mais constitue en sus un flagrant contournement du respect du principe de la reddition des comptes. De même, la refonte d'une politique publique, au sens du nouveau mangement public, nécessite l'association et l'adhésion des partenaires sociaux notamment les syndicats. Or, ces derniers semblent ne pas être suffisamment outillés pour interagir et débattre avec les gouvernements, et ne disposent pas, par ailleurs, d'un projet et d'une vision claires pour prétendre à sauver les régimes de retraites. Leur approche d'intervention devrait être revisitée afin de devenir une force de proposition, loin de la logique revendicative orientée vers le classique appel à la préservation des droits. Dans l'attente d'une réforme globale des régimes de retraites, force est de relever que le gouvernement a opté pour la voie la moins compliquée, lui permettant de retarder les menaces substantielles pesant initialement sur la pérennité du régime. Sachant que l'objectif affiché au départ pour gagner la confiance des électeurs était celui - qui est de la mission de tout gouvernement - de l'amélioration de la croissance économique et par là du bien être social collectif, et non d'une maigre réforme, qui plus est paramétrique et asociale. *Chercheur en Sciences Economiques