Nous l'avons vu, des progrès ont été réalisés, mais sur quels niveaux de pauvreté résiduelle faut-il axer les politiques ? Lesniveaux de pauvreté par pays, en s'appuyant sur les données disponibles les plus récentes. Les barres les plus longues signalent les niveaux de pauvreté résiduelle les plus élevés, ce qui nécessite que les pouvoirs publics y accordent une attention plus grande. D'après ces données, les pays qui requièrent le plus d'attention pour réduire les trois indices FGT de la pauvreté sont Madagascar, la Zambie, le Burundi, le Malawi et la RCA. Inversement, les pays qui exigent le moins d'attention sont l'Afrique du Sud, le Botswana, le Cap Vert, l'Égypte, le Maroc, la Namibie et la Tunisie. En fait, il semble exister un lien négatif entre les progrès déjà réalisés dans la lutte contre la pauvreté et le niveau résiduel de pauvreté, ce qui n'a rien d'étonnant si l'on part d'un niveau de pauvreté comparable, toutes proportions gardées. Les coefficients de corrélation calculés sont respectivement de 0,65 (5,22), 0,51 (3,65) et 0,43 (2,88) pour l'incidence, l'intensité et la sévérité de la pauvreté25. Au niveau régional, l'Afrique de l'Est et l'Afrique centrale enregistrent la pauvreté résiduelle la plus élevée (à des niveaux quasiment identiques), suivies de l'Afrique australe, de l'Afrique de l'Ouest et enfin, loin derrière, de l'Afrique du Nord. Le classement est le même pour l'intensité de la pauvreté et sa sévérité. À un moment donné, une personne peut être pauvre parce qu' elle l'a toujours été ou parce qu'un événement l'a fait basculer temporairement en dessous du seuil de pauvreté. La définition de la vulnérabilité à la pauvreté est largement étudiée dans la littérature. Pour certains auteurs, c'est la probabilité pour un ménage pauvre de rester en dessous du seuil de pauvreté ou, pour un ménage non pauvre, de descendre un jour en dessous de ce seuil, selon son revenu initial ou sa consommation (Dercon et al., 2000 ; Bourguignon et al., 2004). À partir de cette définition, la pauvreté du ménage est considérée comme temporaire ou chronique. De leur côté, Kamanou et Morduch (2002) définissent la vulnérabilité comme la variabilité du revenu ou de la consommation. Pour ces auteurs, un ménage ou un groupe de ménages peut être considéré comme vulnérable à la pauvreté si l'écart type par rapport à son revenu ou à sa consommation passée est élevé. Pour évaluer la dynamique de la pauvreté, nous utilisons des bases de données de quatre pays d'Afrique : l'Éthiopie, la Sierra Leone, le Ghana et le Rwanda. Seule l'Éthiopie dispose de données de panel. Pour les trois autres pays, nous avons généré des pseudo-panels à partir de données d'enquêtes indépendantes afin d'évaluer l'évolution des situations de pauvreté26. Nous avons limité notre analyse aux ménages dont le chef de famille est âgé de 25 à 55 ans. En outre, nous avons utilisé deux mesures de mobilité de la pauvreté : (i) la mobilité de la pauvreté comme probabilité conditionnelle d'échapper à la pauvreté ou de tomber dans la pauvreté, et (ii) la mobilité absolue de la pauvreté, qui correspond au pourcentage de ménages qui sortent de la pauvreté ou qui y sombrent entre deux cycles d'enquêtes. Les résultats montrent que les principaux facteurs qui font qu'un ménage tombe dans la pauvreté ou en sort sont l'éducation et la démographie. L'influence de l'urbanisation sur la dynamique de la pauvreté L'urbanisation influe-t-elle la dynamique de la pauvreté ? Dans les trois pays étudiés au tableau 2.1 (les données pour l'Éthiopie concernent uniquement les ménages ruraux), la pauvreté est plus faible en zone urbaine qu'en zone rurale. En Sierra Leone, l'incidence de la pauvreté est passée de 44 % en 2003 à 27 % en 2011 en zone urbaine ; dans les zones rurales, elle a simplement régressé de 64 % à 62 %. Au Ghana, en zone urbaine, l'incidence de la pauvreté a enregistré un net recul, de 24 % en 1999 à 8 % seulement en 2005 ; en zone rurale en revanche, elle est passée de 36 % à 39 % sur la même période. Au Rwanda, entre 2000 et 2010, la pauvreté urbaine est tombée de 50 % à 20 % alors que, sur le même intervalle, la pauvreté rurale n'a que légèrement reculé, passant de 53 % à 48 %. Il y a donc, dans ces trois pays, plus de personnes qui échappent à la pauvreté en zone urbaine qu'en zone rural. Par ailleurs, ces chiffres montrent que le risque de tomber dans la pauvreté est moins élevé pour les habitants des zones urbaines que pour ceux des zones rurales, tout au moins pour le sous-groupe étudié dans chaque enquête (personnes âgées de 25 à 55 ans). L'urbanisation joue donc un rôle dans la réduction de la pauvreté. Influence de l'éducation sur la dynamique de la pauvreté Les les ménages dont le chef de famille n'a pas fait d'études ont plus de risques de tomber dans la pauvreté, mais si le chef de famille a fréquenté le système éducatif (primaire, secondaire ou supérieur), son risque de devenir pauvre est inversement proportionnel à son niveau d'études et à ses diplômes. Ainsi, au Ghana, le pourcentage de ménages tombant dans la pauvreté n'est respectivement que de 5 % et 1 % pour les ménages ayant suivi un enseignement secondaire ou supérieur, contre 37 % pour les ménages qui n'ont pas été scolarisés. Et les ménages dont le niveau d'études augmente voient s'accroître leurs probabilités de sortir de la pauvreté. Au Rwanda, par exemple, respectivement 81 % et 98 % des ménages pauvres ayant suivi un enseignement secondaire ou supérieur ont pu sortir de la pauvreté entre 2000 et 2010. En résumé, les chances de sortir de la pauvreté sont d'autant plus grandes que le niveau d'études du chef de famille est élevé. Pour les ménages qui ne sont pas en situation de pauvreté, l' élévation du niveau d'études réduit le risque de tomber dans la pauvreté. L' éducation est donc bien un facteur important de réduction de la pauvreté et un garde-fou pour éviter d'y tomber.