Au mois de février 2018, les partis de la coalition gouvernementale signaient une « charte de la majorité ». Elaborée au lendemain d'un épisode de crise entre ses composantes, la charte se voulait un document « contractuel et cadre de référence politique et moral encadrant l'action commune [des partis de la coalition] sur la base d'un programme clair et des priorités bien définies ». Approche de principe somme toute noble qui suppose la promotion d'un exercice de pouvoir exécutif performant, empreint de cohérence, d'efficacité, d'homogénéité et de responsabilité solidaire. Mais à quoi assiste-t-on depuis la signature de cette charte ? A la négation de cette même charte. A un désordre aux relents de désastre fait de querelles, de luttes intestines, de jérémiades, d'accusations et contre accusations… au détriment de la mise en œuvre de politiques publiques conséquentes et de traduction sur le terrain des projets de réforme objet d'engagement devant le Parlement, et des projets de développement à caractère stratégique, objets de directives royales. En lieu et place d'un sursaut gouvernemental qui puisse être salvateur après que la crise économique et sociale ait pris des dimensions alarmantes, et au moment où des réformes déterminantes attendent leur lancement, le citoyen, ahuri, assiste à l'ouverture d'ores et déjà des hostilités électorales entre les deux principales composantes de la majorité qui se livrent une bataille de leadership stérile, obnubilées comme elles sont par une hasardeuse polarisation. Le citoyen, frustré, assiste à l'effondrement des secteurs sociaux, faute de vision intégrée, et subit une dégradation continue de son pouvoir d'achat en raison d'une imposition excessive et de la libéralisation des prix après la suppression, mal préparée socialement, de la Caisse de Compensation. Le citoyen, désabusé, assiste à l'abandon d'engagements antérieurs et à l'ajournement d'autres à des fins électoralistes, le tout sur fond de gel du dialogue social. Le citoyen, estomaqué, réalise à quel point le discours du gouvernement, faussement engagé aux côtés des régions et zones marginalisées, est contredit par la réalité sur le terrain. Il se rend compte de l'absence, fortement pénalisante pour ces régions, de la coordination entre les différents secteurs et départements gouvernementaux. Le citoyen, stupéfait, découvre un gouvernement qui s'oppose à lui-même. Un gouvernement qui adopte en Conseil de gouvernement le projet de loi-cadre pour la réforme du système d'éducation, de formation et de recherche scientifique et qui s'y oppose au parlement, sans état d'âme. Même chose pour le projet de loi organique de la langue amazighe, première loi organique prévue par la Constitution de 2011, qui devait être adoptée au plus tard cinq années après, soit avant septembre 2016, ou encore pour la création du Conseil national des langues et de la culture marocaines, quand bien même le gouvernement dispose d'une majorité parlementaire. Le citoyen, déboussolé, se rend compte, à l'occasion de la discussion de la facture électronique pour les commerçants, de la duplicité dont fait état le gouvernement. Le citoyen, trompé sur la question de l'emploi, réalise à quel point le gouvernement manque de crédibilité. Un million 200 mille opportunités d'emploi en quatre ans, avait promis l'Exécutif, ce qui appelle une croissance annuelle de 15%. Une utopie bien sûr et, bien évidemment, le gouvernement, qui peine à réaliser un petit 3%, le savait très bien. Promesse mensongère donc. Le citoyen, terriblement déçu, se lamente sur la faiblesse de rendement du gouvernement dont les composantes, trop occupées par leur guéguerre interne et par leur course au leadership, n'arrivent pas à se mettre d'accord sur une vision gouvernementale pour un nouveau modèle de développement. Ces tares et bien d'autres renseignent sur la faiblesse de l'Exécutif et sur son improductivité dues principalement à l'inefficacité d'une majorité gouvernementale qui ne cesse de démontrer son immaturité. Jamal HAJJAM