C'est la crise législative autour du projet de loi-cadre pour la réforme du système d'éducation, de formation et de recherche scientifique. Une situation pathétique et inédite du fait que le blocage que connaît ce projet à la Chambre des représentants est le résultat, d'une part de la guerre fébrile que les composantes de la majorité se livrent par pur souci électoraliste et, de l'autre, du reniement par le groupe du PJD, parti qui conduit l'Exécutif, d'un compromis auquel tous les groupes parlementaires étaient parvenus auparavant en vue de permettre l'adoption du texte. Il ne serait pas rébarbatif de rappeler ici que c'est le gouvernement dirigé par le SG du PJD qui a élaboré le texte et l'a soumis au Parlement pour approbation. Cet énième épisode dans le processus de fissuration de la majorité et d'incohérence gouvernementale, s'ajoute à une longue série de dysfonctionnements autour de questions déterminantes pour le présent et l'avenir, mais malheureusement livrées à l'humeur des composantes d'une majorité franchement irresponsable. L'image est celle d'un désordre désastreux fait de querelles et d'accusations et contre accusations qui interpelle sur la capacité du gouvernement et de la majorité à engager, à mener et à traduire les projets de réforme en souffrance et ceux de développement à caractère stratégique. Le doute est permis et c'est pourquoi il est temps que le gouvernement et la majorité s'expliquent devant l'opinion publique et se livrent au jeu de la vérité pour, soit redresser la barre et repartir sur une base assainie, soit délivrer le pays et ses institutions de ce qui s'apparente désormais à une mascarade gouvernementale. C'est là où il faut comprendre l'appel du Parti de l'Istiqlal, parti d'opposition mais dont le groupe parlementaire est partie prenante au compromis renié par le PJD, à l'application de l'article 103 de la Constitution en vertu duquel les istiqlaliens pressent le Chef du gouvernement à engager la responsabilité de l'Exécutif en liant le vote du projet de loi-cadre sur l'éducation à un vote de confiance. Cet appel constate la gravité de la situation découlant d'une crise politique qui ne dit pas son nom et s'inquiète de ses graves retombées sur la crédibilité des institutions constitutionnelles, particulièrement l'exécutive et la législative. Il ne s'agit pas d'une motion de censure, mais d'une sorte de test constitutionnel pour déterminer si, devant la déliquescence de la majorité, le chef du gouvernement continue-t-il de disposer d'une majorité solidaire et engagée conformément aux principes régissant les coalitions ou bien se contente-t-il de constater les dégâts. L'intérêt supérieur du pays en dépend. Il est en effet inconcevable que de grands projets de réforme demeurent tributaires des humeurs et livrés aux luttes intestines à visées électoralistes. Un gouvernement a le devoir d'engager les réformes et d'exécuter les projets de développement. Mais une incapacité systémique est à craindre, l'expérience ayant démontré que les composantes gouvernementales renient souvent les engagements comme cela a été le cas à l'occasion de la discussion de la facture électronique pour les commerçants, ou au sujet du nouveau modèle de développement ou encore celui de la formation professionnelle... Le recours à l'article 103 de la Constitution est de nature à clarifier la situation une fois pour toutes. C'est ce dont le pays a grandement besoin en ce moment. A condition bien-sûr que le chef du gouvernement daigne donner suite à cette suggestion et se départisse de sa fâcheuse et habituelle posture des « trois singes de la sagesse » avec la sagesse en moins. Jamal HAJJAM