Sahara : De Mistura démystifie le «statut d'observateur» de l'Algérie    Maroc-UE : Un partenariat renforcé sur la recherche scientifique    Une étudiante marocaine brille au concours « Pont de la langue chinoise »    Palestine : Six colons tués et plusieurs autres blessés dans une opération de la résistance à Al Qods    Ferhat Mehenni fixe la date pour proclamer officiellement l'indépendance de la Kabylie    Le Maroc figure sur la liste européenne des pays d'origine sûrs tandis que l'UE+ voit chuter ses demandes d'asile de 23 % au premier semestre 2025, un chiffre historique    Maroc-Sénégal: Premier contact entre Bourita et Cheikh Niang    La télévision algérienne diffuse l'image du drapeau de la "République kabyle" depuis le stade Mohammed V à Casablanca    Rentrée scolaire 2025-2026 : Environ 8,27 millions d'élèves rejoignent les bancs de l'école (ministère)    Honolulu: Una exposición celebra el arte marroquí y marca el hermanamiento con Rabat    Esports: Los Ravens coronados campeones del Free Fire Battle de Marruecos 2025    Le Maâlem Mustapha Baqbou n'est plus    L'Alhambra de Grenade accueille un nouvel espace amazigh en l'honneur de la Dr Leila Mezian    Moroccan Gnaoua master Maalem Mustapha Bakbou passes away at 72    Séisme en Afghanistan : la Chine envoie une aide d'urgence.    Rachid M'Barki... De l'éviction en France à un retour en force sur l'écran de Medi1 TV...    Zambie-Maroc: Les Lions en mode confirmation    Azemmour: Le melhoun, un patrimoine vivant au cœur de l'identité nationale    Addis-Abeba accueille le 2e sommet africain sur le climat avec la participation du Maroc    Bundesliga : le Danois Kasper Hjulmand prend les rênes du Bayer Leverkusen jusqu'en 2027    Le président Joseph Aoun reçoit à Beyrouth Ali Dahar, nouvel ambassadeur du Liban auprès du Maroc    Un résident d'Utrecht condamné à une amende après avoir perturbé un vol vers le Maroc    Casablanca s'embrase pour la victoire des Ravens au Free Fire Battle of Morocco 2025    Fédération nationale du Crédit Agricole : Meriem Echcherfi prend les rênes    Réglementation des TIC : le Maroc intègre le top 10 africain    Eliminatoires Mondial 2026 : «Nous affronterons la Zambie avec l'objectif de gagner» (Walid Regragui)    Prépa CDM U20 Chili 25/ Le Maroc et les Etats Unis dos à dos    Stade Prince Moulay Abdellah : une enceinte d'élite pour les grands rendez-vous mondiaux    Post-séisme à Marrakech : Les monuments historiques renaissent de leurs cendres    Honolulu : Une exposition célèbre l'art marocain et marque le jumelage avec Rabat    Taroudant : Une dynamique accélérée de reconstruction après le séisme d'Al Haouz    Alerte météo : orages et fortes rafales ce lundi    Espagne : Démantèlement d'un réseau de trafic de téléphones vers le Maroc    Santé : le ministère de la Santé s'engage à recruter tous les infirmiers diplômés d'ici fin 2025    Tanger Med. Une centrale solaire flottante pour préserver l'eau    Transport maritime : le Maroc consolide son rôle de hub entre Europe et Afrique    Gaza : l'Espagne durcit ses sanctions contre Israël et augmente son aide humanitaire    France : vote décisif à l'Assemblée nationale pour le gouvernement de François Bayrou    La 23ème édition du festival Tanjazz se tiendra, du 18 au 20 septembre 2026    Le Maroc se hisse au 6e rang des destinations mondiales en 2025 selon Kayak    Erick Baert, l'homme aux 100 voix, de retour au Maroc avec son spectacle "Illusions vocales"    Qualifs Mondial 2026 / Aujourd'hui, les Lions face à la Zambie pour confirmer : Horaire ? chaînes ?    Bourse de Casablanca : ouverture dans le vert    Le Maroc enregistre 67 produits à base de cannabis et intensifie ses inspections    Association professionnelle des établissements de paiement : Nouveau bureau et gouvernance renforcée    Zakaria El Ouahdi réagit à son absence avec les Lions de l'Atlas    Marrakech : Deux morts dans un incendie au douar Moulay Azzouz Elmelk    82e Mostra de Venise: "Calle Malaga" de Maryam Touzani remporte le Prix du public    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'impudeur du mal
Publié dans Maroc Diplomatique le 25 - 04 - 2017

La galerie La Palette de l'Art de Casablanca expose les peintures récentes de l'artiste Abdellatif Mehdi à partir du jeudi 4 mai. Dans le texte du catalogue, l'écrivain Youssef Wahboun interroge cette fascination de la mort et de l'abject qui traverse l'œuvre du peintre.
Vous ne regarderez les toiles d'Abdellatif Mehdi que si vous vous apprêtez à vivre une expérience esthétique des moins jubilatoires, que si vous acceptez de livrer votre regard comme vos entrailles aux agressions de l'angoisse et à l'imagerie la plus lancinante de la mort. Abrégé noir de la condition humaine, l'art du peintre met en scène des êtres qui semblent purger leur damnation au cœur même de cet enfer à ciel ouvert qu'est la vie terrestre, des parias décharnés par le désespoir et que le temps s'amuse à accumuler dans l'antichambre du néant. D'un expressionnisme aigu qui sacrifie souvent la sûreté du dessin à l'intensité de la vision intérieure, la peinture cherche à porter à son plus haut degré l'accent tragique dont elle imprègne la symbolique macabre qu'elle adopte, bravant toute pudeur à tutoyer l'horreur, à dévisager les plaies incurables de l'homme, à clamer sa fascination pour la cruauté de l'existence. Il semble même que le geste de peindre se délecte de ces mises en scène de la morbidité la plus spectaculaire : un homme marche sur une ribambelle de têtes coupées ; une série de cadavres placés dans des cercueils attendent leur tour pour être engloutis dans le vide; une silhouette compressée rampe, tel un reptile ulcéré, sous une avalanche de ténèbres. Quand les corps disloqués débarrassent le support de leur carcasse de charogne, c'est pour donner lieu à un insatiable acharnement sur le visage, trituré sous de larges traits aussi offensants que désinvoltes. Le sujet de certaines toiles n'est autre qu'une multitude de visages, qui s'appellent et s'ignorent à la fois, incrustés dans les cavités d'un édifice sans commencement ni fin. Figures froissées à l'excès, elles font entendre jusqu'à leurs râles les plus inaudibles. De qui sont ces visages borgnes, ces grimaces à la fois familières et abjectes ? De toute évidence, l'œuvre de Mehdi affectionne ces épaves humaines que sont les ivrognes. Elle y voit un douloureux emblème de la déchéance, l'incarnation d'un monde sans dieu ni repères. Accoudés à une table bancale, des personnages vous toisent d'un regard qui n'est plus de ce monde, à la fois résigné et menaçant. Ils sont enfermés dans un décor dont l'architecture disharmonieuse imite les chairs poncées et chancreuses, ployant sous des murs noirs qui, dans de stridents contrastes, s'accompagnent d'un rouge ou un orange sirupeux pour dire « le ranci de la désolation » et la consistance du mal, pour faire voir la profondeur de la blessure.
Peindre le peintre et la peinture
La solitude de l'homme n'est souvent peuplée que d'un animal aussi désabusé et malade. Une poétique est de mise dans l'iconographie cauchemardesque de l'artiste, celle de la rencontre de l'homme et de la bête. Suivant l'homme jusqu'aux contrées les plus arides, l'animal est moins adjuvant qu'encombrant et tristement spéculaire. L'homme n'y voit que lui-même, à savoir un ennemi à abattre. Non sans prolonger cette lignée de peintures où s'opère un fatidique face-à-face entre l'homme et l'animal, de Goya, Picasso, Bacon ou El Hayani, un tableau montre sur une sorte de ring un nu masculin qui prend le temps de respirer pour s'enquérir de la mise à mort qu'il vient d'infliger à une bête inidentifiable. Dans d'autres toiles, l'animal, en forme d'oiseau rapace trônant dans un ciel sans soleil, prend sa revanche en déployant ses ailes pour escorter une foule de vies humaines vers la nuit éternelle. C'est certainement dans les tableaux consacrés à la foule que la peinture de Mehdi conjugue l'expression de l'horreur à une soigneuse volonté de composition. Une tripartition de la toile place un ciel rouge et noir au-dessus d'un cortège funèbre et d'un corps nu gisant au premier plan. Alignés en désordre les uns après les autres, une kyrielle de visages se renfrognent à contempler la mort. Parfois, le ciel s'efface au profit d'une architecture dont la violente torsion rappelle les paysages de Cagnes de Soutine. La géométrie urbaine semble s'écrouler sous un séisme qui menace d'engloutir la foule enragée de faire éclater les frontières du support. Dans certaines pièces, c'est une marine qui occupe le fond, barrée verticalement de silhouettes rassemblées autour d'un mort recraché par les eaux meurtrières. Par autant sa composition que son intention narrative, une toile serait le sombre écho d'un tableau de Drissi, peintre de prédilection de l'artiste, dit Autoportrait à la palette et au chat. Avec cette différence que, devant le corps retrouvé sur une plage que peint Mehdi, c'est un chien étrange qui vous fixe d'un œil vide, un Cerbère agonisant dans l'odeur de la mort. Le cadavre que représente Mehdi est celui d'un noyé, alors que le moribond de Drissi est un artiste, la main indéfectiblement accrochée à une palette. C'est l'une des constantes dans l'œuvre des deux artistes : peindre le peintre et la peinture. Dans les toiles d'Abdellatif Mehdi, l'atelier, le personnage du peintre et les attributs du métier sont une interrogation à la fois inquiète et cocasse sur la création artistique. L'artiste y paraît frappé de la même fatigue existentielle que ses personnages, en quête d'une issue à son destin, à l'instar de ces âmes calcinées qu'il arrache à l'abîme. Une toile montre nu un peintre au pinceau dressé devant un tableau où il a esquissé les contours d'une difformité à venir. Des spectateurs s'interposent debout, entre le tableau et l'artiste, le dos tourné au premier, le regard fixant le second, comme pour le dissuader d'en rajouter un autre aux innombrables cadavres qui, chaque jour, martèlent la laideur insoutenable du monde.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.