Le marché de la tomate connaît une flambée des prix, qui atteint 13 dirhams le kilo et révèle des tensions dans une filière stratégique. Entre transition saisonnière, contraintes phytosanitaires et défis logistiques, ce pic tarifaire met en lumière les enjeux de résilience et de compétitivité pour les producteurs nationaux face aux pressions locales et internationales. Ces derniers jours, le prix de la tomate a fortement augmenté sur les marchés marocains, atteignant jusqu'à 13 dirhams le kilo. Cette hausse soudaine surprend de nombreux consommateurs, surtout que les conditions climatiques sont favorables et que l'offre semble suffisante. Pourtant, derrière cette apparente normalité, plusieurs facteurs expliquent cette situation, comme l'a révélé une enquête du journal Les Inspirations Eco. Le secteur de la tomate traverse un moment délicat. La production sous serre, qui est dominante en hiver et au printemps, arrive à sa fin. En même temps, la production en plein champ, qui devrait prendre le relais pendant l'été, n'est pas encore complètement opérationnelle. Ce décalage entraîne une baisse temporaire de l'offre sur le marché national, ce qui pousse les prix à la hausse. À cette période de transition s'ajoutent des problèmes techniques. Des maladies ont touché les cultures dans certaines régions, une situation aggravée par un manque de semences résistantes. Plusieurs producteurs font état de pertes importantes, pouvant aller jusqu'à 30% dans certains cas, tandis que même les moins touchés annoncent une baisse de leur production d'environ 20%. Lire aussi : ONU: La rhétorique sélective et fallacieuse de l'Algérie sur le Sahara marocain mise à nu devant le C24 Malgré ces difficultés, les professionnels du secteur restent confiants. Ils comptent sur le développement rapide des cultures en plein champ et sur le renforcement des circuits de distribution locaux. Un producteur de la région du Souss explique que certains producteurs, qui travaillaient jusqu'ici pour l'exportation, se tournent temporairement vers le marché local. Même si la qualité des tomates de plein champ peut être un peu inférieure, les volumes disponibles devraient permettre de stabiliser les prix pendant l'été. Cette situation révèle toutefois les faiblesses du modèle agricole marocain actuel, notamment la forte dépendance de la filière de la tomate aux intrants importés comme les semences hybrides, les engrais chimiques ou les équipements de serre. « Une grande partie de ces intrants provient de l'Union européenne », souligne le rapport. Cette dépendance rend la filière vulnérable en cas de rupture d'approvisionnement ou de hausse des coûts à l'import. Par ailleurs, les infrastructures de stockage et de distribution ne sont pas toujours adaptées pour gérer les pics de production ou réguler efficacement le marché intérieur. En l'absence d'un système de régulation performant, toute tension sur l'offre se traduit rapidement par une hausse des prix à la consommation. Ironiquement, la tomate reste l'un des produits agricoles marocains les plus exportés, générant plusieurs milliards de dirhams de recettes chaque année. Le Maroc a même dépassé l'Espagne sur certains segments du marché européen, grâce à une période de production plus longue, à des coûts de main-d'œuvre plus bas et à une bonne organisation logistique. Cependant, cette réussite commerciale suscite des critiques. Plusieurs syndicats agricoles en Europe dénoncent une « concurrence déloyale » et accusent le Maroc de bénéficier d'accords commerciaux déséquilibrés. Ces voix demandent une révision des conditions d'accès des tomates marocaines sur le marché européen, surtout en période de forte production. Des plaintes officielles ont été déposées par des organisations professionnelles européennes, accompagnées d'actions syndicales dans plusieurs pays.