Le conflit israélo-iranien suscite une pluralité d'interrogations, surtout à propos des causes de son déclenchement et de son impact sur la géopolitique du Moyen-Orient, cette zone à haute tension et regorgeant d'enjeux énergétiques et symboliques juteux. L'enchevêtrement de l'Histoire, de la culture, de l'économie et de la politique au Moyen-Orient le soumet, d'une façon ininterrompue, à des convulsions et des clivages aussi opposés que l'eau et le feu. Concrètement, le Moyen-Orient ne guérit d'une inflammation que pour se faire violemment secouer par une autre. Le premier signe avant-coureur d'un remodelage inédit ou d'une reconfiguration structurelle du Moyen-Orient réside dans l'élection de Trump à la présidence des USA. Durant son premier mandat, Trump avait déjà acté des mesures inhabituelles et déconcertantes afin de renforcer la prééminence militaire d'Israël dans une région constamment instable. C'est dans ce sens que Trump a reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël édictant, ainsi, une décision névralgique qu'aucun de ses prédécesseurs n'a osé mettre en œuvre. Lire aussi : Le Bitcoin grimpe à 106.000€ dans un climat de prudence autour du cessez-le-feu Israël-Iran Aussi, Trump a exercé des pressions directes, et largement médiatisées, sur les monarchies arabes du golfe et pu obtenir la normalisation de leurs relations diplomatiques avec Israël, sous l'égide des accords d'Abraham. Le mur psychologique entre Israël et les régimes arabes qui, jadis, les contraignaient à coopérer d'une manière officieuse, a été anéanti par la diplomatie fortement transactionnelle de Trump. Dans ses discours, l'actuel président américain ne fait aucune référence au droit international. D'ailleurs, il n'a pas hésité à critiquer sévèrement le rôle des organisations internationales voire à en préconiser la suppression car elles ne constituent, d'après lui, que des mastodontes institutionnels budgétivores et surtout inefficaces. Le trumpisme serait une doctrine qui, en étant sceptique à l'égard du droit international, attribue à chaque conflit des termes de référence spécifiques. Concrètement, la diplomatie trumpiste est assimilable à un répertoire de TDR applicables différemment aux crises internationales. Bien qu'il remette en cause les politiques de ses prédécesseurs, aux moins ceux qui ont dirigé le pays depuis 2000, le Locataire de la Maison Blanche n'accrédite pas, à l'image des présidents américains depuis Obama, les conflits engageant directement l'armée conventionnelle. Ainsi, Trump peut ordonner des opérations militaires ponctuelles afin d'aider ses alliés sans pour autant engager solennellement ou durablement l'armée de son pays. Cependant, dans le conflit opposant l'Iran et Israël, Trump a publiquement déclaré que l'armée américaine y est intervenue pour appuyer le Tsahal en réalisant des opérations armées chirurgicales visant la destruction des capacités nucléaires iraniennes. En l'état actuel des équilibres de force au Moyen-Orient, il serait difficile de supprimer le régime iranien manu militari. Les peuples de la région ne cessent, par des dynamiques contestataires, de demander à leurs dirigeants de revenir sur la reconnaissance d'Israël. En d'autres termes, le tempérament populaire dans le monde musulman est sensiblement favorable à l'Iran qui, contrairement aux autres Etats arabo-musulmans, a osé lancer des salves de missiles en direction d'Israël malgré le soutien intégral duquel les USA font indéfectiblement bénéficier cette dernière. De plus, la présence de la théocratie chiite iranienne au Moyen-Orient alimente significativement une sempiternelle course à l'armement profitable au complexe militaro-industriel américain d'une part et à l'axe sino-russe de l'autre. Néanmoins, les facteurs défavorables à la dislocation du régime iranien par une intervention israélo-américaine ne rend pas ledit régime infaillible dans la mesure où ses divergences endogènes peuvent, en cas d'excitation étrangère répétitive, déclencher un processus d'autodestruction. Sous l'effet de la précision chirurgicale des raids aériens israélo-américains ayant, faut-il le rappeler, anéanti des infrastructures stratégiques, l'Iran risque de se transformer, à petit feu, en une vieille pieuvre dépourvue de ses tentacules, surtout après la fragilisation du Hizbollah au Liban, la chute de Bachar Al Assad en Syrie, la recrudescence de l'influence du Hamas à Gaza et l'instabilité politique éclaboussant l'Irak. Au demeurant, d'aucuns estiment que les russes et les chinois se coalisent pour maintenir le régime iranien. S'il est vrai que ces deux pays ont ourdi des relations cardinales avec le gouvernement de Téhéran, il n'est pas moins vrai que le soutien qu'ils lui apportent présente des nuances. D'abord, les déclarations appuyant les Ayatollahs s'expriment, le plus fréquemment, par des responsables de rang de ministre. Il convient de remarquer dans ce contexte que ni le président russe Vladimir Poutine ni son homologue chinois Xi Jinping n'ont, jusqu'à présent, déclaré sans équivoque qu'ils œuvrent pour l'affermissement du régime iranien. Ils se limitent, plutôt, à ressasser le droit de l'Iran à un programme nucléaire civil. Selon le même ordre d'idées, l'appui sino-russe est relayé par l'entremise des canaux multilatéraux conventionnels que Trump bafoue et dénonce à l'occasion de presque l'ensemble de ses apparitions médiatiques consacrées au Moyen-Orient. Le bilan des attaques israélo-américaines et le caractère oscillatoire du positionnement sino-russe seraient, combinés, annonciateur de négociations sur la forme et le contenu de l'Iran post-Ayatollahs. (*)Hicham BERJAOUI Professeur de droit international, Université Mohamed V, Maroc.