Malgré des atouts et une infrastructure numérique solide, le Maroc peine à capter sa part des investissements étrangers dans ce secteur, révèle un récent rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED). En cause : un manque de stratégie cohérente qui empêcherait le Royaume de concrétiser son potentiel en véritable levier économique. Alors que les investissements directs étrangers (IDE) dans les technologies numériques connaissent un essor spectaculaire à l'échelle planétaire, le Maroc peine à se positionner comme un acteur majeur de cette dynamique. Le dernier rapport de la CNUCED met en évidence une contradiction : le pays possède des atouts indéniables, mais manque d'une stratégie cohérente et coordonnée pour transformer ce capital en véritable pôle d'attraction pour les investisseurs. D'après le « World Investment Report 2025 » de la CNUCED, les pays en développement ont attiré plus de 530 milliards de dollars dans leurs secteurs numériques entre 2020 et 2024. Toutefois, près de 80 % de ces flux financiers se sont concentrés sur une poignée d'Etats, notamment l'Inde, l'Indonésie ou encore le Mexique. Le Maroc, bien que profitant de la montée en puissance des investissements en Afrique, reste en marge de ce cercle restreint. Le retard du Royaume ne découle pas d'une faiblesse technologique. Au contraire, il bénéficie d'une infrastructure performante, d'une connectivité nationale avancée, d'un réseau de fibre optique en pleine expansion et de zones industrielles spécialisées dans le numérique. À cela s'ajoutent des programmes ambitieux pour digitaliser les services publics. Mais ce potentiel, encore mal exploité, ne se traduit pas par une attractivité suffisante aux yeux des grands acteurs internationaux. Lire aussi : Le Maroc, modèle de résilience économique en Afrique selon la CNUCED La CNUCED identifie une faille principale : l'absence d'une articulation claire entre les ambitions numériques et la politique d'attraction des IDE. Seule une minorité – environ 20 % – des stratégies digitales des pays en développement impliquent activement leurs agences de promotion des investissements. Le Maroc n'échappe pas à cette tendance : ses initiatives en matière d'e-gouvernement, de cybersécurité ou de soutien aux start-ups restent souvent cloisonnées, sans lien fort avec une vision industrielle et économique globale ni avec une diplomatie ciblée sur les segments les plus porteurs comme les centres de données, le cloud, la fintech ou la logistique intelligente. Une fenêtre d'opportunité s'ouvre pourtant. Selon le rapport, 40 % des IDE numériques à destination des pays en développement proviennent désormais d'autres économies du Sud. L'Afrique devient à la fois investisseur et bénéficiaire. Grâce à son réseau de partenariats continentaux, à l'implantation de ses banques en Afrique subsaharienne et à sa position géostratégique, le Maroc pourrait jouer un rôle central comme hub d'accueil et de redistribution de ces capitaux. Pour concrétiser cette ambition, l'environnement réglementaire est déterminant. Les investisseurs attachent une grande importance aux cadres juridiques en matière de protection des données, de propriété intellectuelle, de fiscalité numérique et de cybersécurité. Si une législation sur cette dernière est en cours d'élaboration, les dispositifs d'incitation restent trop généraux et le soutien aux technologies émergentes comme l'intelligence artificielle ou la blockchain demeure embryonnaire. La CNUCED appelle à un alignement plus marqué des politiques publiques. Si le Maroc veut devenir une plateforme régionale incontournable pour l'investissement digital, ses institutions clés, telles que l'Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), l'Agence de Développement du Digital (ADD) et la Direction générale de la sécurité des systèmes d'information (DGSSI), devront non seulement disposer de moyens renforcés, mais surtout travailler sur des feuilles de route communes afin de relier le potentiel technologique du pays à une stratégie d'attractivité claire, ciblée et offensive.