Soupçons de gaspillage de fonds publics, pénalités réduites de plusieurs millions et tensions persistantes autour du service de propreté : à El Jadida, un dossier explosif met à l'épreuve la transparence de la gestion municipale et pourrait rebattre les cartes des relations entre élus, prestataire et habitants. À El Jadida, la polémique sur la gestion des déchets franchit désormais le seuil des tribunaux. Ce qui relevait jusque-là de la contestation citoyenne prend une tournure judiciaire, avec l'ouverture d'une enquête sur un accord controversé entre la commune et la société délégataire du service de nettoyage, Arma Environnement. À la suite d'une plainte déposée par l'Instance Nationale pour la Protection des Deniers Publics et la Transparence, le procureur général près la Cour d'appel de Casablanca a confié le dossier à la Brigade Nationale de la Police Judiciaire (BNPJ). L'association reproche aux deux parties d'avoir conclu un arrangement réduisant considérablement les pénalités infligées à l'entreprise, privant ainsi la commune de recettes de plusieurs millions de dirhams. Lire aussi : Casablanca mise sur l'énergie des déchets pour verdir son avenir urbain Selon des éléments rapportés par les médias, le montant total des amendes, initialement fixé à 2,5 millions de dirhams, a été ramené à 673.101 dirhams. Les sanctions pour manquements liés aux ressources humaines ont chuté de 2,1 millions à 660.728 dirhams, tandis que celles concernant les équipements sont passées de 544.728 dirhams à 50.400 dirhams. Plus surprenant encore, toutes les pénalités couvrant la période de novembre 2023 au 12 juin 2024 ont été annulées, au prétexte de dysfonctionnements constatés sur le site d'enfouissement de Moulay Abdellah Amghar. Pour l'Instance nationale, cette réduction spectaculaire s'apparente à un « gaspillage de fonds publics » et à une « entente préjudiciable aux intérêts de la collectivité territoriale ». Elle dénonce un manque à gagner important pour les finances locales et réclame que toute la lumière soit faite sur les circonstances de cet accord. Cette affaire éclate dans un contexte où la question de la propreté cristallise depuis longtemps la colère des habitants. Dans plusieurs quartiers d'El Jadida, les tas d'ordures, les odeurs persistantes et la prolifération des nuisibles font partie du quotidien, alimentant un climat de mécontentement général. La reconduction, pour la période 2024-2031, du contrat liant la municipalité à Arma Environnement, pourtant déjà pointée du doigt pour ses manquements, a attisé les tensions. À ces critiques s'ajoutent des conflits sociaux récurrents au sein de l'entreprise, concernant le versement des salaires et la gestion des congés. Pour nombre d'observateurs, cette reconduction illustre la persistance d'un système où les mêmes acteurs conservent la main sur un service public, malgré des résultats jugés insatisfaisants. L'enquête de la BNPJ, qui prévoit de nouvelles auditions dans les semaines à venir, pourrait bien constituer un tournant. Les conclusions attendues seront déterminantes pour établir d'éventuelles responsabilités et, plus largement, pour évaluer la volonté des autorités de renforcer la transparence et la bonne gouvernance dans les collectivités territoriales. À El Jadida, où la propreté est devenue un véritable baromètre du rapport entre les citoyens et leurs élus, ce dossier s'annonce comme un test pour l'avenir de la gestion publique locale.