Le secteur pharmaceutique marocain traverse une crise sans précédent, nourrie par quinze années de promesses non tenues et de réformes avortées. Mardi, des centaines de pharmaciens ont manifesté dans la capitale, dénonçant le « chaos » qui s'installe dans leurs officines et avertissant que près d'un tiers d'entre elles risquent de fermer. Devant le ministère de la santé, une caisse symbolique sur laquelle était inscrit « Pharmacie marocaine » illustrait la fragilité d'un secteur jugé vital pour la sécurité sanitaire du pays. La Confédération des syndicats de pharmaciens du Maroc (CSPM), organisatrice de la mobilisation, a rappelé que les différents ministres de la santé avaient multiplié les promesses de réformes au cours des quinze dernières années, sans jamais traduire ces engagements en actes concrets. « Nous ne sommes entendus que lors de consultations de façade », déplore son président, Lahbabi, qui accuse le gouvernement de « complicité tacite » dans la dégradation du secteur. Au cœur des revendications figure la persistance des ruptures d'approvisionnement en médicaments, phénomène qui alimente un marché parallèle florissant. De nombreux produits circulent hors des circuits officiels, allant jusqu'aux compléments alimentaires vendus sans aucun contrôle sanitaire. L'absence d'une réglementation claire fragilise davantage la profession et contribue à un climat de désordre généralisé. Selon la CSPM, environ 4 000 officines seraient déjà au bord de la faillite. Lire aussi : Commerce : 72% des grossistes prévoient une stabilité des ventes au T3-2025 Les pharmaciens dénoncent également l'absence d'élections professionnelles depuis huit ans, symptôme d'un système institutionnel figé qui accentue le sentiment d'abandon. Ils pointent le manque de mécanismes fiables pour fixer les prix des médicaments, qui met en péril l'équilibre économique de leurs établissements. Nombre d'entre eux se retrouvent aujourd'hui coincés entre une clientèle exaspérée par les prix élevés et les menaces de poursuites judiciaires en cas d'infractions involontaires aux règles commerciales. La manifestation de Rabat, qualifiée de « veille de la dignité », marque le début d'une contestation que la CSPM promet d'élargir. L'organisation réclame l'ouverture d'un véritable dialogue avec l'Etat et la mise en place rapide de mesures pour garantir un approvisionnement stable et des médicaments abordables. Sans quoi, préviennent les syndicats, le pays risque de voir s'installer un double chaos : la disparition progressive de pharmacies de proximité et l'essor incontrôlé d'un marché noir pharmaceutique, avec toutes les conséquences sanitaires que cela suppose.