Lundi 11 avril se tenait au tribunal de première instance de Beni Mellal l'audience sur ce qu'il est convenu désormais d'appeler l'affaire des homosexuels de Beni Mellal. Après une levée de boucliers de la société marocaine (une partie seulement, il faut le dire) en leur faveur, les deux principaux accusés ont écopé de peines de prison avec sursis (pour l'un d'entre eux, la peine a été commuée) alors que leurs agresseurs ont été envoyés en prison. L'affaire avait commencé le 9 mars quand les jeunes hommes avaient été surpris dans un appartement par une bande d'agresseurs qui les avaient sérieusement battus puis les avaient tirés, ensanglantés et nus, dans la rue. L'un des deux homosexuels avait été condamné à 4 mois de prison ferme et son partenaire était jugé hier. Mais dans l'intervalle de ces deux dernières semaines, et vu l'intérêt des médias et de la société civile marocaine, les juges ont reconsidéré la question… Ce 11 avril Le premier a été libéré, sa peine ayant été commuée de la prison ferme au sursis, et le second a écopé de 4 mois de prison avec sursis, les deux ayant été jugés pour « actes sexuels contre-nature et déviance sexuelle », selon l'article 489 du Code pénal marocain, un article fortement décrié par les défenseurs des droits et libertés individuelles. Leurs quatre agresseurs ont été condamnés à 6 mois ferme pour l'un, 4 pour le second, 3 pour le troisième et relaxe pour le dernier. Le jugement a été reporté pour un mineur comptant parmi les agresseurs. Les quatre étaient poursuivis pour entrée par effraction dans un domicile privé, coups et blessures volontaires et port d'armes. Cette affaire avait été fortement traitée par les médias d'ici et d'ailleurs, contestant la transformation des victimes en accusés et inversement. L'association Bayt al-Hikma avait rendu visite aux deux hommes et avait rencontré aussi certains des agresseurs, qui affirment avoir été violentés par les deux hommes. Les juges, pour leur part, ont fini par se rendre à l'évidence qu'ils ne pouvaient laisser faire cette « justice » spontanée et qu'ils devaient sévir contre les agresseurs, sachant que leurs victimes étaient dans un lieu privé et fermé. En marge du procès du lundi 11 avril, deux militantes françaises du mouvement Femen s'apprêtaient à dénuder leurs poitrines pour critiquer le jugement et l'article 489, mais elles ont été promptement maîtrisées par les officiers de police présents sur les lieux et qui les avaient repérées. Elles ont été conduites au commissariat, puis expulsées par arrêté de la préfecture, sur la base de la législation sur le séjour des étrangers. On ne peut dire qu'il s'agisse d'une victoire du droit, car les deux homosexuels ont été quand même condamnés pour leurs mœurs privées. Et on ne peut pas dire non plus qu'il s'agisse d'une victoire car une partie de la société soutenait les agresseurs. Le débat sur l'homosexualité, et plus généralement sur les droits des minorités et sur les libertés individuelles, a encore un long chemin pour rapprocher les points de vue des deux franges de la société, celle prônant la « vertu » et condamnant l'homosexualité étant bien plus nombreuse, même si l'autre est plus remuante.