A Oujda et depuis le mois dernier, un groupe de près de 300 migrants soudanais arrivés de la frontière algérienne vit dans des conditions difficiles, en proie aux arrestations ou aux expulsions répétées. Un premier rapport relaie des témoignages et décrit une situation nécessitant une «intervention urgente». Près de 300 migrants soudanais vivent à Oujda dans des conditions «inhumaines», selon un récent rapport de l'Association de soutien aux migrants en situation vulnérable (ASMSV), qui suit leur situation depuis cet été. Eparpillés en petits groupes dans les quartiers de la ville, ils sont sans-abris, «dormant sur les trottoirs, sous les ponts et près des conduits d'eaux usées». Ils comptent également beaucoup de mineurs isolés et une personne en situation de handicap physique, selon les données de terrain recueillis par une équipe de travail constituée par l'ONG. Parvenu à Yabiladi, le rapport a lancé un appel aux autorités locales, mais aussi au Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) et à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) opérant au Maroc, afin de «préserver la dignité des ressortissants ainsi que leurs droits sur le volet social et celui de l'accès aux soins médicaux et à un hébergement décent». Tout en enregistrant la solidarité de la population locale, l'ONG a constaté en effet une «absence de certaines associations qui travaillent pourtant dans le cadre de projets pour les migrants, soutenues par les organismes internationaux, des agences de coopération européennes et des services consulaires». Des mineurs isolés, des demandeurs d'asile et réfugiés du Darfour Sur les 300 migrants, le document décrit un premier groupe d'une trentaine de personnes dormant près de l'église catholique d'Oujda, constitué principalement de jeunes et de mineurs. 70 à 80 autres dorment sous le pont, non-loin de la gare routière. Ils sont majoritairement issus de la région du Darfour, «le plus jeune serait né entre 2005 et 2006 et le plus âgé entre 1993 et 1994». Les témoignages directs recueillis par l'ONG indiquent que les 300 ont été dispersés à la suite d'une intervention des forces de l'ordre marocaines, à l'issue de laquelle des arrestations ont été opérées, mais aussi des reconductions à la frontière. Les migrants ayant témoigné, dont de nombreux mineurs, indiquent être revenus à Oujda cinq jours plus tard. D'autres jeunes disent être passés par la Libye avant, où des promesses d'octroi de la carte de réfugiés leur ont été faites, sans qu'ils puissent avoir le document. Egalement conduits à la frontière de l'Est, ils font état de violences physiques subies de la part des gardes-frontières algériens, qui «tirent à balles réelles en l'air» pour disperser les ressortissants. De retour à Oujda, les ressortissants continueraient à être brutalisés par la police marocaine. «Dix agents sont intervenus, le 6 septembre 2021 à cinq heures du matin sous le pont. Nous étions 80. Ils ont brûlé toutes nos affaires et trois d'entre nous ont été arrêtés», a rapporté l'un des témoignages recueilli par l'AMSV. Dans certains cas, «des passeports et des reçus de demande d'asile» sont partis en fumée, de même que «des habits et des couvertures fournis par les riverains», qui offraient aussi des repars chauds ou encore des chaussures. Des témoignages renseignant sur la situation des Marocains en Libye Les données de l'équipe de travail ont montré que des mêmes ressortissants parmi les 300 auraient été conduits à la frontière à plusieurs reprises. Leurs témoignages renseignent en partie sur les conditions de détention dans les centres libyens aussi, où se trouvent selon eux des ressortissants marocains. Précédemment passés par ces lieux, certains soudanais se trouvant actuellement à Oujda disent avoir rencontré des détenus marocains, dont «quatre sont décédés en captivité et un a réussi à s'évader, avant de mourir de soif dans le désert». A Oujda, une dizaine de blessés parmi les migrants soudanais sont pris en charge par l'église. Par ailleurs, «des organisations de la société civile tentent d'intervenir auprès des sans-abris pour leur venir en aide», tandis que «les reconductions à bord d'autocars s'opèrent au niveau de la zone frontalière de Tiouli (province de Jerada) et au sud de Beni Mathar», a indiqué le rapport. A travers ce dernier, l'AMSV d'Oujda a lancé aussi un appel à la Commission régionale des droits de l'Homme (CRDH) afin d'«intervenir auprès des parties concernées pour veiller à mettre fin aux violations des droits humains des ressortissants et des demandeurs d'asile». En août dernier, l'ONG a déjà alerté sur la situation du même groupe, indiquant son arrivée à Oujda, depuis les frontières entre le Maroc et l'Algérie. Parmi eux, beaucoup ont fui les geôles et les centres de détention en Libye, après y avoir passé entre 4 et 18 mois, voire 3 ans pour certains.