A la suite des violences survenues la nuit du samedi, au 20e Festival L'Boulevard, la police de Casablanca a démenti, ce lundi, la présence de cas d'agressions sexuelles. Pour l'heure, aucune plainte n'a été déposée. Mais des activistes soutiennent que généralement, les témoignages de violences sexuelles peuvent ne pas aboutir à des plaintes en raison de l'omerta qui règne. Après des témoignages relayés sur les réseaux sociaux, ainsi que des appels à enquêter sur des agressions sexuelles qui seraient survenues au cours des violences au Festival L'Boulevard, samedi 1er octobre, la police a réagi. Ce lundi, la préfecture de Casablanca a démenti «catégoriquement» les «rumeurs». Jusque-là, vingt personnes ont été arrêtées pour d'autres raisons : vol (10), ivresse publique (6), détention et consommation de drogues (2) et coups et blessures (2). Tout en indiquant continuer les investigations, la police a affirmé l'absence de cas de violences sexuelles, d'autant qu'aucune plainte n'a été déposée. Dimanche soir, l'EAC L'Boulvart, association organisatrice du festival, a déclaré prendre au sérieux les publications ayant fait état de viols et qu'une procédure de demande d'ouverture d'une enquête était en cours. Plus tôt dans la journée, la structure a été interpellée à plusieurs reprises par le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI), qui l'a appelée à s'exprimer sur le sujet. Violence systémique ou action de sabotage ? Pour l'organisation de l'événement, les violences seraient une action volontaire pour «saboter le festival». Fondatrice et porte-parole de MALI, Ibtissame Betty Lachgar s'est dite «outrée» par les communications des deux parties, à la fois de la préfecture de police et du festival. Contactée par Yabiladi, elle affirme ce lundi avoir reçu des témoignages – au moins une dizaine – dès le lendemain des faits. Les messages sont constitués de récits de victimes et de témoins oculaires, assure-t-elle. «Que ce soit le Festival L'Boulevard ou ailleurs, il est de notoriété publique à travers le monde que les agressions sexuelles existent au moment des effets de foule avec violence», nous a-t-elle déclaré. «Encore plus avec les images d'une rare violence comme celles que nous avons vues, il était impossible qu'il n'y aut pas eu d'agression sexuelle, juste parce qu'aucune plainte ne soit encore déposée», explique-t-elle. Pour la fondatrice du mouvement MALI, l'un n'exclurait pas l'autre, «surtout lorsqu'on sait, globalement, qu'il existe un grand décalage entre le nombre de cas réels de viols et celui des victimes qui saisissent la justice». «On ne peut pas lutter contre les violences faites aux femmes en effaçant la réalité de la violence sexuelle et en effaçant la parole des témoins ainsi que des victimes. Dans toute la violence qu'on a vue, il y a eu de toute évidence des violences d'hommes contre des femmes. Au lieu de laisser ne serait-ce que le doute dessus, on le nie catégoriquement, de façon éhontée.» Ibtissame Betty Lachgar, MALI Concernant les témoignages reçus, la militante indique que certains auraient exprimé leur volonté de porter plainte, mais qu'il n'est pas encore su quand cela pourrait se faire. Mais en niant l'éventuelle existence ce ces cas-là, «on participe à la culture du viol», accuse-t-elle. Pour la fondatrice du Mouvement MALI, reconnaître que ces formes de violences existent dans le contexte des événements festifs est un premier pas pour résoudre réellement le problème. Des signes avant-coureurs ? Sur les réseaux sociaux, des vidéos ont suggéré qu'en milieu d'après-midi et avant le début des concerts, des jeunes brandissaient des préservatifs devant les caméras. Betty Lachgar estime que cela «aurait déjà dû alerter tout le monde». Elle indique être «en contact avec les organisateurs pour savoir s'ils ont été au fait de ces images, car lorsqu'on voit la banalité des gestes des personnes filmées, on pense évidemment à un risque de violences sexuelles». «Les violences contre les femmes en milieux festifs existent partout dans le monde, on ne peut pas dire le contraire parce qu'il n'y a simplement pas de plaintes», insiste-t-elle. «J'ai formé beaucoup de personnes qui accompagnent et aident les femmes victimes dans ces milieux-là à l'étranger ; je peux dire que lors d'événements d'une telle ampleur, il est important d'avoir plusieurs groupes de bénévoles au milieu du public pour éviter et prévenir de ces violences», indique Ibtissame Betty Lachgar. Celle-ci a elle-même été visée par des menaces de viol via les réseaux sociaux, après avoir alerté sur certains témoignages du festival. Au-delà de l'événement, la militante décrit «un problème systémique et structurel». «Avancer que ces violences relèveraient notamment du complot est une culture du viol : à chaque cas de violence, une certaine frange, souvent politisée, explique que peut-être c'est une machination. Cela s'appelle ne pas croire les survivantes, les traiter de menteuses, fermer les yeux et se refuser à la réalité des choses», déplore-t-elle. Au regard de la militante, «ce discours-là ne vaut pas mieux que le communiqué des autorités, tourné différemment, basé sur des arguments différents, avec la même conclusion». Elle constate qu'«il n'y pas besoin de machination pour que des femmes soient victimes d'hommes».