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Pascal Blanchard : «On invente aujourd'hui des pays d'expulsion, de destination et d'attente»
Publié dans Yabiladi le 21 - 06 - 2025

La question migratoire, longtemps pensée depuis les pays d'arrivée, évolue aujourd'hui vers une reconfiguration profonde des rôles. Entre pays de départ, pays de transit et pays d'accueil, le Maroc devient un acteur central. À l'occasion de la Journée mondiale des réfugiés et de la 12e édition du Forum des droits humains, organisé dans le cadre de la 26e édition du Festival Gnaoua et Musiques du monde, à Essaouira, Yabiladi a eu un entretien avec Pascal Blanchard, spécialiste de l'Empire colonial français, des études postcoloniales et de l'histoire de l'immigration.
Comment jugez-vous l'évolution de la politique migratoire en Afrique, notamment au Maroc ? Les pays africains restent-ils sous influence européenne ou affirment-ils davantage leur propre vision ?
C'est une vaste question. Pour faire simple : pendant très longtemps, les politiques migratoires ont été pensées uniquement depuis les pays d'arrivée, c'est-à-dire l'Occident. Soit on contraignait les flux, soit on les organisait, soit on les expédiait. Mais le monde a changé. On n'est plus dans le temps des empires. On a commencé à intégrer les pays de départ — ou les pays de passage — dans les politiques migratoires. On ne travaille plus seulement avec les pays d'origine immédiate, mais avec ceux de la périphérie.
Et cette périphérie, elle permet quoi ? D'anticiper les départs, de bloquer les arrivées, ou de «stocker» les migrants. Le phénomène migratoire devient un enjeu de diplomatie. Le lien entre migration et développement a été exploré, puis on a raisonné en termes de grandes aires géographiques. Parce qu'on s'est rendu compte que les migrations n'étaient pas linéaires. Les gens ne partent pas d'un point A pour aller à un point B. Ils passent souvent par cinq ou six pays. Donc les migrations «sud-sud» précèdent souvent les migrations «sud-nord». Et tout ça fait que des pays qui n'étaient pas au centre des politiques migratoires, comme le Maroc, le deviennent. On voit la même chose en Asie du Sud-Est, aux frontières de la Chine, ou entre la Papouasie et l'Australie.
Le monde change. Aujourd'hui, on pourrait cartographier les migrations selon trois catégories : les pays d'arrivée, les pays de départ, et les pays intercesseurs. C'est nouveau, mais c'est l'avenir. Le Maroc se retrouve donc entre deux mondes. Ce n'est plus seulement un pays de départ — ce qu'il reste — ni un pays d'arrivée — ce qu'il devient, mais que peu perçoivent, c'est aussi un pays de passage, d'intermédiation entre un Nord et un Sud.
La migration devient-elle un enjeu politique à part entière ?
C'est déjà un enjeu politique. On assiste à une marchandisation de la gestion des flux migratoires. Il y a un rapport entre pays riches et pays pauvres. Et ce rapport génère une manne financière potentielle. Prenez l'exemple de la Libye, ou de l'accord entre la Turquie et l'Union européenne. C'est massif. Avec la Tunisie et l'Italie, c'est pareil. Même chose avec le projet britannique d'envoyer des migrants au Rwanda. On parlait de plus de 110 000 euros par migrant !
Donc oui, il y a une économie du migrant. Elle existait déjà, de façon informelle avec les passeurs, au Sahara, en Méditerranée, dans la Manche. Mais aujourd'hui, cette économie est institutionnalisée. Les Etats et les grandes organisations internationales s'en emparent. Et ce n'est pas fini, parce que le modèle des camps en périphérie s'impose. Il a été expérimenté pour les Rohingyas, pour les réfugiés syriens. Demain, ce sera pour les migrants climatiques. On va payer les pays du Sud pour accueillir 2, 3, 10 millions de personnes. Ce sera la gestion délocalisée des migrants.
Et ce modèle n'est pas réservé aux pays pauvres. Il y a une logique : oui, un migrant coûte, mais oui, un migrant rapporte aussi. C'est terrible à dire, mais c'est la réalité. On préfère que ça se passe loin. Et ce réflexe, ce n'est pas uniquement un réflexe européen. Les Marocains aussi préfèrent que cela ne se passe pas chez eux.
Face à ces mutations, vers quoi allons-nous selon vous ?
Vers un modèle institutionnalisé d'externalisation, une économie politique des migrations, assumée, et vers une multiplication des zones-tampons. On entre dans une logique où la migration est un outil diplomatique, voire un instrument de pression géopolitique. On l'a vu avec la Turquie face à l'Europe. On le voit avec le Maroc et l'Espagne. Avec la Tunisie et l'Italie. Avec la Libye, malgré son instabilité.
Les Etats qui servent d'intermédiaires deviennent des acteurs incontournables. Ils négocient, monnayent, refusent ou coopèrent. Ce n'est pas un hasard si l'Union africaine a installé son Observatoire de la migration à Rabat. Le Maroc n'est pas un cas isolé, mais un exemple emblématique de ces mutations globales.


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