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Marocaines = filles faciles : Les origines du stigmate dans les pays du Golfe [Analyse]
Publié dans Yabiladi le 22 - 03 - 2015

Pourquoi les Marocaines sont-elles considérées au mieux comme des filles faciles et au pire comme des prostituées dans les pays arabes et en particulier dans les pays du Golfe ? Yabiladi est revenu aux origines d'un stigmate qui fait vendre dans les boîtes de nuit de Dubaï.
«La plupart des Emiraties, quand elles m'approchent, la deuxième chose qu'elles me demandent c'est si je suis Marocaine. Quand je leur dit non, je rentre tout de suite dans leur monde », raconte Salma*, installée à Dubaï. Chose impossible, si elle avait été Marocaine. Elle en aurait été immédiatement exclue, soupçonnée d'être une voleuse de mari, voire une prostituée.
Quelques années plus tôt Bachir Hamdouch, professeur à l' INSEA de Université Mohammed V et spécialiste des migrations, s'était rendu à Amman en Jordanie, «le taxi qui me conduisait m'a dit que toutes les prostituées que l'on trouvait dans les boîtes de nuit étaient des Marocaines. J'ai voulu vérifier, mais là où je suis allé, je n'ai vu que des Syriennes, des Libanaises … dont certaines affirmaient d'abord qu'elles étaient Marocaines ! », raconte-il aujourd'hui.
Si plus tard, dans leur enquête respectives Chadia Arab, géographe, chargée de recherche au CNRS associée à Nasima Moujoud, également chercheure au Laboratoire de recherches historiques de Rhône Alpes, et Bachir Hamdouch ont effectivement rencontré des prostituées de nationalité marocaine, ce qui frappe c'est la force du stigmate qui afflige sans distinction toutes les Marocaines dans les pays arabes et en particulier dans les pays du Golfe.
Marque de fabrique
«Lors de nos entretiens, nous nous sommes rendues compte que la Marocaine est une marque de fabrique, un produit qui se vend bien. Je me souviens avoir vu un tract qui annonçait une «soirée marocaine». Un directeur d'hôtel m'expliquait que ces femmes ont un marché dont elles sont le produit. Les lieux de la nuit utilisent clairement la réputation des Marocaines pour attirer les clients», analyse Chadia Arab. Elle est allée, avec Nasima Moujoud, en janvier 2015, à Dubaï pour étudier la migration marocaine féminine dans les pays du Golfe.
La Marocaine fait vendre comme le qualificatif «marocain» associé à du thé ou des pâtisseries orientales est sensé séduire les clients. « Il y a un marquage identitaire. C'est un produit d'intérêt. Il y a une réputation. Ce qui est Marocain attire, les Marocaines aussi », conclut Chadia Arab.
Leur réputation va en réalité au-delà du stigmate de prostituée qu'on leur connaît au Maroc. Les Marocaines ont aussi la réputation de faire de bonnes épouses parce qu'elles seraient moins difficiles que les femmes émiraties élevées dans du satin. Elles feraient bien la cuisine, tiendraient bien une maison et seraient, cerise sur le gâteau, des amantes douées. Les Marocaines, c'est aussi la sorcellerie, les filtres d'amour qui détournent les maris de leurs épouses.
3/4 de la population émiratie est étrangère
Large et particulièrement bien partagé dans le monde arabe, le stigmate qui associe les Marocaines à la prostitution est particulièrement fort dans les Emirats Arabes Unis où les ¾ de la population émiratie, aujourd'hui, est étrangère. Les pays du Golfe «ont mis en place au fil des années 1970 et 1980 pour assurer la non-intégration des étrangers, depuis l'absence de naturalisation en dépit des lois, les politiques de régulation rigide des mouvements d'entrée, jusqu'au choix d'origine des travailleurs étrangers», expliquait, en 2010, Claire Beaugrand, chercheure à l'Institut français du Proche Orient, dans son article «Politiques de non-intégration dans les monarchies du Golfe».
Même si dans ce contexte, les Marocains représentent moins de 1% de la population étrangère immigrée, la structure de la société émiratie les rend indentifiables. « La ville de Dubaï est assez extraordinaire. Elle est divisée en quartiers par nationalités. Le quartier Abu Hail, par exemple, est le quartier des Maghrébins où l'on trouve les Marocains », raconte Chadia Arab. La chercheuse a constaté elle-même « l'ethnicisassion très forte des métiers : les bonnes sont généralement philippines et éthiopiennes, les prostituées dans les boîtes de nuit marocaines, les videurs camerounais…»
Tourisme khaligien
Si la force du stigmate peut donc s'expliquer dans les pays du Golfe, il est difficile d'en déterminer les origines. Wafae Benabdennebi et Ahlame Rahmi, chargées de mission au CCME avancent dans leur article «Migrantes marocaines dans le Golfe : éternelles rivales ?», publié en 2012, que le tourisme khaligi au Maroc a pu servir de déclencheur. «C'est aussi par le développement du tourisme khaligien au Maroc même, friand de boîtes de nuit et de cabarets, que des femmes marocaines découvrent des carrières qu'elles poursuivront à Dubaï ou Abou Dhabi. Il faut aussi signaler le rôle pionnier de plusieurs centaines de Marocaines recrutées comme call-girls principalement à Casablanca et El Jadida dès 1977 et jusqu'à 1987 (date de l'instauration du visa britannique) pour des cabarets et boîtes de nuit londoniens, lorsque le Royaume-Uni tente d'attirer les investisseurs des pays arabes du Golfe», rappellent les deux chercheures.
Ces pionnières seront suivies par beaucoup d'autres car sur plus de 30 000 Marocains vivant dans les pays du Golfe, plus de 60% sont des femmes. «Elles atteignent 72% des immigrés marocains à Bahreïn et 83% en Jordanie. C'est une immigration de femme facilitée par une forte demande dans les métiers dits féminins comme l'esthétique, la coiffure, l'accueil dans les grands hôtels», explique Chadia Arab.
Ces contrats sont souvent accusés d'être un mode de recrutement détourné par des réseaux de proxénétisme. «Les jeunes femmes qui signent ces contrats se retrouvent parfois sur place contraintes de se prostituer par des proxénètes syriens, par exemple. C'est une réalité», souligne, notamment, Bachir Hamdouch. Cette réalité explique certainement une partie du stigmate, mais sa force et son ampleur vont bien au-delà de celle-ci. « La représentation des prostituées cache et invisibilise les femmes marocaines qualifiées qui travaillent dans d'autres domaines. Il y a beaucoup de Marocaines qui travaillent comme esthéticiennes et de plus en plus de femmes très qualifiées qui ont déjà beaucoup circulé et qui connaissent à Dubaï une ascension professionnelle fulgurante», insiste Chadia Arab.
Marocaines "affranchies"
Celles qui viennent travailler comme esthéticiennes, coiffeuses, hôtesses d'accueil ou vendeuses dans les grands magasins sont généralement jeunes, arrivent seules et sans être mariées. Des femmes d'autres origines ont le même profil, comme les Indonésiennes et les Philippines que l'on retrouve plutôt dans les métiers domestiques, mais «elles sont issus de milieux pauvres et ont à charge leur famille restée au pays à qui elles envoient leur salaire, alors que les Marocaines ne sont pas nécessairement très pauvres, d'autant qu'elles ont souvent dû débourser entre 5000 et 7000 euros pour obtenir un visa. Elles ont souvent été scolarisées et même parfois ont fait des études», décrit Chadia Arab.
Contrairement aux immigrées célibataires et jeunes d'autres nationalités, ces femmes adoptent une démarche d'émancipation et d'installation. «À la différence des femmes qui partent en Europe, en grande majorité selon la procédure dite du "regroupement familial", lequel suppose donc une tutelle familiale, un lien marital durable, les migrantes du Golfe reviennent affranchies de toute dépendance autre que celle qu'elles veulent engager notamment de la tutelle patriarcale dont leur réussite les a, là encore, affranchies », écrivent Wafae Benabdennebi et Ahlame Rahmi.
Grande porosité entre les groupes
Dans ce contexte, le parcours qu'elles adoptent dans les pays du Golfe, les Marocaines ont tendance à conforter voire à profiter du stigmate qui leur colle à la peau pour mieux en sortir. « Elles sont très appréciées et elles le savent, elles plaisent et elles peuvent très vite être mariées à un Emirati. Le mariage est un véritable objectif, une stratégie pour s'installer. Il leur apporte une sorte de paix sociale et une certaine considération. Il leur permettra également de sortir du stigmate dégradant de prostituée. Certaines sont la deuxième ou la troisième femme d'un Emirati. Elles l'acceptent dans la mesure où elles sont entretenues », explique Chadia Arab. L'exemple de Dounia Batma, chanteuse finaliste d'Arab Idol, qui a choisi de devenir la deuxième épouse de Mohammed Tork, riche homme d'affaires bahreini, est un exemple très médiatique de cette stratégie d'installation.
« On sent une grande porosité entre les groupes. Celles qui travaillent comme esthéticiennes veulent rencontrer des hommes dans la perspectives du mariage », rapporte Chadia Arab. Il est aisé alors de se laisser entretenir par son amant à défaut de le convaincre de vous épouser.
Surtout, ce qui explique le mieux un stigmate est peut-être encore le stigmate lui-même. Par définition, il s'auto-entretient et contraint par sa force les individus à s'y conformer, comme les esthéticiennes qui en profitent pour trouver un mari et parvenir à leurs fins. Aujourd'hui, avec cet article je ne sais pas si je suis parvenue à déterminer les origines de ce stigmate, mais il est certain que je l'ai encore renforcé. Dans Google, désormais, il existe une occurrence pour l'association des mots «marocaines», «prostituées» et «Golfe».
*nom d'emprunt car pour elle le sujet «dérange».


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